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Cri d’alarme

Au début de l’année 1950, le Liban a été soumis à de très fortes pressions de la part du régime syrien afin de l’amener à s’aligner sur l’économie dirigée en vigueur à Damas. En mars de la même année, la rupture de l’union douanière et économique entre les deux pays permettra au Liban de marquer sa ferme détermination à opter pour une économie libérale et la libre entreprise. En 1956, le Parlement libanais approuvait, sous le mandat du président Camille Chamoun, une proposition de loi présentée par le Amid du Bloc national, Raymond Eddé, instaurant le secret bancaire. Objectif : attirer des capitaux dans le circuit bancaire local et renforcer de ce fait davantage l’économie libérale du pays.

Cette voie sur laquelle le Liban s’est engagé dès les lendemains de l’indépendance de 1943 correspondait, à l’évidence, à un choix de société, à un mode de vie, fondé sur le respect des libertés publiques, le libéralisme, l’ouverture sur le monde. Illustrant magistralement ces choix, Georges Naccache écrivait dans un éditorial daté du 9 mars 1950 à l’adresse du Premier ministre syrien, Khaled el-Azm : « Là où vous pensez “murs”, “cloisons”, “fossés”, toute notre histoire répond : “espace”, “libres horizons”, “échanges et mouvements”. C’est la condition même de notre vie nationale. »

Depuis cette époque, et malgré toutes les crises existentielles, conflits internes et guerres fratricides qui ont jalonné l’histoire contemporaine du Liban, aucune partie locale n’a jamais remis en cause le libéralisme libanais et cette ouverture sur le monde. Aujourd’hui, un sérieux cri d’alarme doit être cependant lancé à cet égard. La guerre à outrance menée par le Hezbollah et Amal contre le secteur bancaire et le gouverneur de la Banque du Liban revêt sans doute un aspect conjoncturel, mais bien au-delà du contexte présent, elle pourrait cacher surtout une dimension hautement stratégique et sociétale.

L’erreur des établissements bancaires a été de s’être montrés trop conciliants à l’égard de l’État et de s’être laissé griser (ce qui est normal pour des entreprises privées) par les taux d’intérêt élevés que leur offrait la BDL sur les bons du Trésor afin de les amener à financer – comble du cynisme – le déficit budgétaire dû en grande partie au clientélisme et à la corruption de ceux-là mêmes qui mènent aujourd’hui campagne contre les banques ! L’erreur de la BDL aura été en outre de n’avoir pas tapé sur la table à un certain point en signifiant au gouvernement qu’elle n’était plus en mesure de financer ses dépenses galopantes improductives.

Faire assumer toutefois au gouverneur de la BDL et au secteur bancaire la responsabilité de l’effondrement actuel revient à aller un peu vite en besogne et cache mal une volonté de se livrer à une vaste manœuvre de diversion pour occulter les véritables causes de la crise. Celles-ci n’échappent plus désormais à personne : un chef du législatif inamovible qui perçoit depuis les années 80 l’administration publique comme une poule aux œufs d’or lui permettant de faire émarger le gros de ses partisans et de sa clientèle électorale au budget de l’État ; un parti solidement ancré à une puissance régionale et qui s’emploie à couler soigneusement l’économie, à briser la croissance et à faire fuir les capitaux en entretenant un climat de guerre permanent et en menant campagne de façon assidue contre les pays qui traditionnellement viennent en aide au Liban ; un Premier ministre qui s’abstient de réagir promptement en voyant le cyclone foncer sur le pays ; des factions locales aveuglées par leur affairisme dévorant et qui depuis plus de dix ans ont laissé le secteur de l’électricité engloutir chaque année pas moins de deux milliards de dollars de déficit …

Mais bien plus grave que ces considérations d’ordre conjoncturel est la dimension stratégique et existentielle de la guerre à outrance lancée par le Hezbollah contre les banques. En s’en prenant de la sorte à celles-ci, le parti pro-iranien s’attaque à la pierre angulaire de notre système libéral. À travers le secteur bancaire et ce qu’il représente, le Hezbollah, fidèle à son allégeance absolue au pouvoir théocratique de Téhéran, tente de manière insidieuse de changer le visage du Liban, de saper l’économie libérale et avec elle le mode de vie et le modèle de société qui constituent la raison d’être du pays du Cèdre depuis des décennies. Pour reprendre les termes de Georges Naccache, il cherche à substituer à nos « libres horizons » des « murs » et des « cloisons » pour essayer de nous éloigner du reste du monde libre… Mais ce serait de sa part faire l’impasse, en vain, sur la longue histoire du pays et sur les incontournables réalités sociétales profondément enracinées dans le tissu social libanais.

Au début de l’année 1950, le Liban a été soumis à de très fortes pressions de la part du régime syrien afin de l’amener à s’aligner sur l’économie dirigée en vigueur à Damas. En mars de la même année, la rupture de l’union douanière et économique entre les deux pays permettra au Liban de marquer sa ferme détermination à opter pour une économie libérale et la libre...

commentaires (10)

GAGEONS QUE LES ANARCHISTES DES ANNEES DU DEBUT DU SIECLE DERNIER N'ONT RIEN TROUVE DE MIEUX QUE DE SE DEFOULER SUR R SALAMEH.... PLUS FACILE DANS LA MESURE OU CPL, HEZBOLLAH FONT EQUIPE POUR SE JOINDRE A EUX

Gaby SIOUFI

14 h 38, le 11 mars 2020

Tous les commentaires

Commentaires (10)

  • GAGEONS QUE LES ANARCHISTES DES ANNEES DU DEBUT DU SIECLE DERNIER N'ONT RIEN TROUVE DE MIEUX QUE DE SE DEFOULER SUR R SALAMEH.... PLUS FACILE DANS LA MESURE OU CPL, HEZBOLLAH FONT EQUIPE POUR SE JOINDRE A EUX

    Gaby SIOUFI

    14 h 38, le 11 mars 2020

  • L,EFFONDREMENT DU PAYS NE SERT QUE LA MAINMISE DES DEUX MILICES DE MERCENAIRES FINANCES PAR L,IRAN.

    LA LIBRE EXPRESSION

    17 h 14, le 10 mars 2020

  • Excellent article! La mémoire des évènements et des positions des libanais qui ont créer cette patrie doivent être préservés et communiqués aux jeunes pour redresser la situation et nous remettre sur le bon chemin d'un pays moderne qui aspire à un avenir meilleur pour chacun et chacune de ses citoyens. Merci

    Wlek Sanferlou

    15 h 45, le 10 mars 2020

  • L’erreur des établissements bancaires a été de s’être montrés trop conciliants à l’égard de l’État et de s’être laissé griser (ce qui est normal pour des entreprises privées) par les taux d’intérêt élevés que leur offrait la BDL sur les bons du Trésor afin de les amener à financer IL EST CLAIR QUE LES BANQUES ONT FAIT UNE FAUTE DE PRETER A LA BDL MAIS UN GROS INTERET SANS RISQUES PENSAIENT-ILS ETAIT LE BIENVENU L’erreur de la BDL aura été en outre de n’avoir pas tapé sur la table à un certain point en signifiant au gouvernement qu’elle n’était plus en mesure de financer ses dépenses galopantes improductives. IL EST CLAIR QUE RIAD SALAME N'A PAS ETE A LA HAUTEUR SUR CE POINT. IL A FAILLI A SON ROLE DE PROTECTEUR DES ECONOMIES MIS DANS LES BANQUES ET N'A PAS DIT STOP LA VERITE LES BANQUES DOIVENT PAYER DE LEUR PROPRE FONDS ET DES AVOIRS DES ACTIONNAIRES DE CES BANQUES ET PAS DE L'ARGENT DES DEPOSANTS DONC ALI BRAHIM AVAIT RAISON DE BLOQUER LEURS AVOIRS DIRE QUE CET ARRET FERA LA FAILLITTE DES BANQUES C'EST NE PAS DIRE QU'ELLE SONT EN FAILLITTE DEJA MAIS LES PROPRIETAIRES VEULENT GAGNER DU TEMPS POUR LIQUIDER LEURS AVOIRS ET DISPARAITRE MR RIAD SALAME VOUS N'AVEZ PROBABLEMENT PAS PROFITE DE TOUTES LES MAGOUILLES DES POLITICIENS A QUI VOUS SERVIEZ DE L'ARGENT A PROFUSION MAIS VOUS AVEZ TRAHI VOTRE POSITION DE GARANT DES DEPOTS BANCAIRES DES CITOYENS. VOTRE DEMISSION ET VOS EXCUSES DEVRAIENT ETRE DEJA SUR LA TABLE DU GOUVERNEMENT

    LA VERITE

    14 h 50, le 10 mars 2020

  • comme toujours très lucide et courageux. Allez Liban

    paolo girola

    14 h 31, le 10 mars 2020

  • J'aime le premier tiers de cet article mais pour le reste il n'y a que contradictions sur contradictions. Le Hezb est très fautif, c'est vrai, mais fautif d'avoir laisser la BDL financée la dette de l'Etat par les dépôts des banques. La force du hezb ne représente sur les papiers que 25% des forces politiques au Liban, son hégémonie n'opère que par son alliance avec le CPL, qui lui offre une incroyable légitimité. S'il faut dresser une liste des fautifs, la presse libanaise est la plus grande fautive, puisqu'elle n'a pas osé critiquer l'usage des avoirs bancaires des libanais depuis 2006 - 2007 pour financer la dette de l'Etat, suivie sur la liste, par M. Riad Salamé et les banques, et à 2 ou 3 années de lumière les Hezb, le CPL et tous les autres politiques. Le bon peuple libanais est innocent, il vote toujours en faveur de la peur, en faveur de chacun son zaïm qui est supposé le protéger.

    Shou fi

    13 h 14, le 10 mars 2020

  • Il y a eu plusieurs façons de voler le Liban depuis l'indépendance, la corruption et les corrompus fossoyeurs de l'état ne datent pas d'hier, Georges Naccache n'a jamais dit que notre modèle était parfait et INCORRUPTIBLE, il n'a fait que choisir une voie et elle nous a mené là où on se retrouve présentement. Il ne peut pas y avoir de petites corruptions et des grosses , ceux qui ont ouverts la voie à l'aboutissement de ce qui nous tombe dessus aujourd'hui vient d'une gestion faite de NÉPOTISME et de gabegie à la base cad depuis l'indépendance . Allons donc chercher qui étaient ceux qui gouvernaient à cette époque et demandons leurs de rendre des comptes . Un enfant qui fume le fera à son tour parce que son papa ou sa maman lui aura donné l'exemple en fumant devant lui . On pourra faire le tour de la terre 100 fois , si on est dans la merde totale CA NE PEUT PAS ÊTRE QUELQUE CHOSE QUI SERAIT VENU DE NULLE PART . SINON ACCEPTONS LE PRINCIPE DU " après moi le "déluge" , POUR TOUS .

    FRIK-A-FRAK

    12 h 25, le 10 mars 2020

  • Il est inutile et vain d'arroser du Chanel N°5 dans un souk d'oignons. Dans le cas précis du Liban aujourd'hui, devenu le repaire des voleurs de l'argent public et de la corruption, il vaut mieux arroser avec du karcher.

    Un Libanais

    12 h 20, le 10 mars 2020

  • Excellent, mais que font nos politiciens à part donner le bâton à ces vendus pour nous tabasser avec? Rien si, si on leur accorde le pardon et un permis de tuer pour continuer d’assassiner nos compatriotes pour la paix du pays. Allez savoir de quelle paix et de quel pays parlent ils. Et ce n’est pas fini. Le projet de destruction a commencé il y a bien des décennies et les politiciens vendus collaborent pour enfoncer un peu plus la nation et ses citoyens en nommant des ministres collabos et des hommes à des postes clés au sein de l’état qui ne sont autres que des partisans de ce même parti pour ne nous laisser aucune chance de nous en sortir et ça aussi est fait au nom de la paix et de l’union nationale. Toute cette racaille devrait disparaître pour faire place aux libanais pour prendre le pouvoir, ceux qui se soucient de leur pays et de leurs compatriotes, le moment est, on ne peut plus propice pour nous libérer de leur joug et de retrouver notre Liban libre, prospère et ouvert au monde et que ce monde entier accourait pour le soutenir. Nous voila dans la mouise totale et aucun doigt ne se lève pour nous porter secours à cause de ces terroristes et ces voleurs qui détiennent le pouvoir. Mais nos écervelés parlent encore de paix. Là il ne plus s’agir que de leur paix pour continuer le massacre. On attend quoi?

    Sissi zayyat

    10 h 33, le 10 mars 2020

  • Très bien décrit M Touma..!

    LeRougeEtLeNoir

    09 h 19, le 10 mars 2020

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