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Politique - Banques

Indignation dans les rangs de l’opposition après la décision contestée du procureur financier

Hariri et Joumblatt s’insurgent contre des tentatives de dénaturer le Liban.


Le président Aoun recevant le juge Ali Ibrahim le 17 juin 2019. Archives Dalati et Nohra

Suspendue en soirée par le procureur de la République, Ghassan Oueidate, au terme d’une réunion marathon avec une délégation de l’Association des banques, la décision du procureur financier, le juge Ali Ibrahim, de geler les avoirs de 21 banques aurait pu porter un coup supplémentaire à ce secteur déjà en difficulté, estime-t-on dans les milieux bancaires et de l’opposition politique.

Elle a surtout donné, si tant est que cela soit encore possible, une preuve supplémentaire du cafouillage qui commande la gestion de la crise financière et monétaire dans laquelle le pays est plongé depuis des mois. Plus grave encore, cette décision, aux relents politiques, porte dans le même temps un coup à la magistrature à un moment où il est demandé à celle-ci de seconder l’État dans ses efforts pour un redressement du pays. Donc en l’espace de quelques heures, une même décision judiciaire a été prise et suspendue.

Indépendamment du bien-fondé ou de l’inopportunité de l’initiative de Ali Ibrahim, violemment décriée dans les milieux politiques proches du 14 Mars, la démarche du magistrat ouvre grand la voie devant une politisation d’un dossier qui devrait en principe être traité sous un angle strictement technique, ce que le chef du courant du Futur et ancien Premier ministre, Saad Hariri, a relevé hier dans deux tweets successifs. Selon M. Hariri, la décision de Ali Ibrahim est « un message politique populiste », voire irréfléchi. Le chef du courant du Futur a en effet reproché au magistrat de « ne pas avoir tenu compte de l’impact de sa décision aussi bien sur les droits des petits et des grands déposants que sur la confiance des (pays) amis et frères dans le Liban », l’argument que Ghassan Oueidate devait au final développer pour expliquer la suspension de la décision de M. Ibrahim.


(Lire aussi : Castagne au sommet, le billet de Gaby NASR)



M. Hariri, comme de nombreux autres hommes politiques, notamment le leader druze Walid Joumblatt, a stigmatisé une volonté de « mainmise sur les banques, dans laquelle il a vu un renversement du système économique libanais qu’elle ramène à l’époque des régimes totalitaires ».

La décision de M. Ibrahim n’aurait peut-être pas provoqué autant de réactions violentes si elle avait représenté l’aboutissement d’une procédure judiciaire dans les normes, ce qui n’est apparemment pas le cas. Le magistrat a créé la surprise dans la journée en annonçant le gel des avoirs des banques et des présidents de leurs conseils d’administration respectifs, alors qu’il aurait dû, comme l’explique l’avocat Akram Azouri à L’Orient-Le Jour, mettre « l’action publique en mouvement devant soit un juge d’instruction, soit un juge pénal », s’il est vrai que les banques sanctionnées ont enfreint le Code de la monnaie et du crédit. Même dans ce cas, il semble qu’il appartient à la Banque centrale d’intervenir.


(Lire aussi : Avoir des banques : le gel du procureur financier... gelé par le procureur général)


Manœuvre hégémonique ?
Mais qu’est-ce qui a bien pu pousser le procureur financier à geler les avoirs des banques et de leurs PDG ? Dans les milieux de l’opposition, on considère que cette décision est principalement motivée par des considérations politiciennes propres au président de la Chambre et chef du mouvement Amal, Nabih Berry, dont M. Ibrahim est proche.

M. Berry a démenti toute intervention de sa part dans cette affaire. Mais, pour certains, il s’agit d’une réponse indirecte du président de la Chambre au communiqué de l’Association des banques qui avait récemment pointé du doigt la responsabilité des hommes politiques dans la faillite de l’État et d’un message-mise en garde adressé à ceux qui essaient, dans le cadre du nouveau train de nominations judiciaires, d’ébranler son emprise sur une certaine magistrature.

Les faucons parmi les personnalités du 14 Mars y voient une mesure qui s’inscrit dans le prolongement de la politique stratégique du Hezbollah et, à travers lui, de l’axe syro-iranien, visant à mettre à genoux le Liban, dans la perspective d’une hégémonie totale. Or le succès de cette entreprise passe forcément par la destruction de tous les piliers de l’État libanais, dont le secteur bancaire fait partie, analysent-ils.

Ce qui est sûr, c’est que la cabale contre les banques à qui les partis politiques du 8 Mars font assumer la totalité de la responsabilité de la crise financière et monétaire du pays sert les intérêts de ceux qui, au sein de cette classe politique, essaient de détourner l’attention de leur propre responsabilité dans l’état de déliquescence du Liban. Walid Joumblatt, qui a stigmatisé la démarche de Ali Ibrahim, a ainsi fait ce commentaire sur son compte twitter : « La logique veut que le Liban négocie, suivant ses propres conditions avec les organismes internationaux, dont le FMI, et établisse un plan de réformes générales (…) En guise de réponse, Ali Ibrahim a lancé un plan de nationalisation des banques et autres, dans un pays marqué par une dualité au niveau des autorités. Il semble qu’à l’occasion du centenaire du Grand Liban, on veuille enterrer le pays. »


(Lire aussi : Le président de l'ABL dénonce une "campagne de désinformation" visant les banques)



Plusieurs autres personnalités ont abondé dans le même sens, constatant une volonté de briser le secteur bancaire, sans pour autant aller jusqu’à blanchir celui-ci. « La décision du juge Ali Ibrahim précipite le Liban dans un tunnel sombre et extrêmement dangereux. Elle risque d’altérer la face du pays, d’appauvrir davantage son peuple et d’anéantir toute chance de gagner la confiance de la communauté internationale et d’attirer des investissements extérieurs », a écrit le député Michel Moawad sur Twitter, avant d’ajouter : « Le plus grave est que cette décision vise à offrir (à l’opinion publique) un bouc émissaire pour protéger la classe politique. (…) Ce qui peut arriver de pire au Liban, c’est que des décisions putschistes soient élaborées pour la forme par la justice, mais dans les bureaux d’autorités politiques. » Aussi bien Michel Moawad que Walid Joumblatt semblaient faire référence à Nabih Berry.

Les députés Nouhad Machnouk, Henri Hélou, Nadim Gemayel, Jean Talouzian et l’ancien ministre Youssef Salamé se sont tous insurgés contre une décision « irréfléchie et dangereuse ».

Aucun commentaire n’a été en revanche formulé par les proches du tandem chiite, alors que dans les milieux du CPL de Gebran Bassil, on s’en félicitait. Le député Alain Aoun l’a saluée dans la mesure où elle « pousserait les banques à révéler les secrets de la République en leur possession », a-t-il écrit sur Twitter, mettant en garde cependant contre une généralisation. « Il existe des requins dans les mondes politique et bancaire. Ils ne le sont pas tous. L’importance de cette décision, même si elle est injuste à l’égard de certains, est qu’elle va permettre de déboucher sur la vérité », a-t-il ajouté, avant d’effacer ce tweet « pour qu’il ne soit pas mal interprété », pendant que son collègue Ziad Assouad se déchaînait contre les banques « qui ont planifié et exécuté des politiques financières suspectes ayant conduit à la faillite (de l’État) et au pillage » des deniers publics. « Elles veulent aujourd’hui se dérober à leurs responsabilités, mais la confiance ne peut pas être accordée deux fois à un voleur pour sauver ce qui reste de sa mauvaise gestion financière », a-t-il écrit sur Twitter.

Son collègue Jamil Sayyed a pour sa part préconisé des poursuites contre le gouverneur de la BDL, Riad Salamé, « le cerveau des magouilles bancaires (…), sauf si ce cerveau est complice d’autres têtes ».


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Suspendue en soirée par le procureur de la République, Ghassan Oueidate, au terme d’une réunion marathon avec une délégation de l’Association des banques, la décision du procureur financier, le juge Ali Ibrahim, de geler les avoirs de 21 banques aurait pu porter un coup supplémentaire à ce secteur déjà en difficulté, estime-t-on dans les milieux bancaires et de l’opposition...

commentaires (19)

L'ancien Président Frangié avait dit "Ma patrie a toujours raison" et nous nous en souvenons encore aujourd'hui. Son petit fils vient de dire quelques choses qui va rester aussi dans les mémoires: " Nous sommes coincé entre un projet capitaliste et un autre prolétaire *et votre compréhension est suffisante* "

Shou fi

13 h 59, le 06 mars 2020

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Commentaires (19)

  • L'ancien Président Frangié avait dit "Ma patrie a toujours raison" et nous nous en souvenons encore aujourd'hui. Son petit fils vient de dire quelques choses qui va rester aussi dans les mémoires: " Nous sommes coincé entre un projet capitaliste et un autre prolétaire *et votre compréhension est suffisante* "

    Shou fi

    13 h 59, le 06 mars 2020

  • MEME DANS LA JUSTICE CHACUN A SON HOMME. DOMMAGE !

    JE SUIS PARTOUT CENSURE POUR AVOIR BLAMER GEAGEA

    13 h 03, le 06 mars 2020

  • dénaturer et mettre le pays à genoux. Le rêve du voisin syrien qui a toujours jalousé le liban. L'objectif de l'iran pour accomplir sa mission de relier le liban, la syrie, l'irak et l'iran sous sa coupe. Chacun d'entre eux oeuvre dans cet objectif et se fiche éperdument des libanais qui crient leur révolte depuis des mois. Pour eux, c'est juste une manif de rue et un point de vue partisan !!!!

    LE FRANCOPHONE

    12 h 56, le 06 mars 2020

  • Excusez les banques d'avoir prêté de l'argent a un état voyous et qui a fait faillîtes. Le responsable ici c est l'etat et ces représentants, incluant Berry et Kelloun. Ne remettez pas la faute aux banque qui ont prêté de l'argent et qui se so t fait voler eux et leur clients

    Aboumatta

    12 h 45, le 06 mars 2020

  • Rien qu'avec la réalité depuis 2007, sans l'augmenter, les cinéastes peuvent faire des feuilletons comiques et d'autres dramatiques qui auront une succès planétaires. La seule constante est le foutage du gueule grandiose de ce pauvre "bon peuple" al-cha3b al-tayyeb.

    Shou fi

    11 h 31, le 06 mars 2020

  • Ce qui est requis ; des réformes en justice et en finances mais que justice soit faite : ne pas chercher des boucs émissaires vu les mainmises au sein du pouvoir judiciaire , et des institutions publiques etc...

    Lecteurs OLJ 2 / BLF

    11 h 00, le 06 mars 2020

  • "Hariri et Joumblatt s’insurgent contre des tentatives de dénaturer le Liban." LooooooL! Est-il possible de le dénaturer encore plus qu'il ne l'est???

    Georges MELKI

    10 h 29, le 06 mars 2020

  • LE HEZBOLLAL, AMAL ET CPL CONTINUENT A TIRER DES BANQUES L,ARGENT QU,LS VEULENT. LES RESTRICTIONS SONT APPLIQUEES SUR LE RESTE DES BAUDETS... CAD SUR LES CITOYEDNS LIBANAIS RESIDENTS ET NON RESIDENTS.

    JE SUIS PARTOUT CENSURE POUR AVOIR BLAMER GEAGEA

    10 h 10, le 06 mars 2020

  • SIGNE COMBIEN LES CORROMPUS SONT BIEN IMPLANTES DANS LA REPUBLIQUE DE BANANES ! POUR CONTINUER A DEVALISER LES DEPOTS DES ECONOMIES D,UNE VIE DU PEUPLE...

    JE SUIS PARTOUT CENSURE POUR AVOIR BLAMER GEAGEA

    10 h 05, le 06 mars 2020

  • Le Hezbollah fera n'importe quoi pour sortir de la mouise dans laquelle il se noie de plus en plus. Il essaye d’entraîner avec lui le pays en cherchant a mettre la main sur les avoirs du peuple tout en jetant la responsabilité de la situation sur les autres avec toute l'arrogance que lui donne la présence de ses armes. Le plus grave est le comportement du Président et de ses acolytes qui couvre les actions du Hezbollah et la campagne de corruption qu'il a instauré a travers les années. Ceci nous ramène au support du PSP et du Future au gouvernement désigné par le Hezbollah et le CPL, actuel. Il le soutienne pour quoi? Pour mieux faire fuir la majorité des Libanais qui s'opposent au projet islamistes Iraniens? Pour mieux leur vider les poches? Qu'ils ne prétendent surtout pas que c'est pour éviter une guerre. Celle-ci est aux portes du pays et rien ne pourra l’éviter tant que le parti de Dieu ne sera pas mis au pas. C'est pour bientôt et ce sera très douloureux surtout pour ceux qui ont soutenu le Hezbollah directement ou même indirectement. A présent les frondeurs doivent passer a la révolte en bonne et due forme. Finies les tergiversations, finies les dites marches pacifiques, etc... A présent il faut que les coups soit cible et douloureux contre le Hezbollah et ses suppôts allant de Amal au CPL et tous les autres. Le salut du Liban passe par la remises des armes du Hezbollah a l’État. Le reste viendra en moins d'un an et çà c'est garantie!

    Pierre Hadjigeorgiou

    09 h 58, le 06 mars 2020

  • La Banque Centrale et les banques commerciales ont finance l'etat pendant des annees .Une grande partie de ce financement vient de l'argent des deposants. L'Etat a tout simplement dilapide cet argent et n'est plus en mesure de rembourser. Ces memes responsables veulent faire assumer le probleme aux banques toutes seules.

    EL KHALIL ABDALLAH

    09 h 46, le 06 mars 2020

  • Avec cette nouvelle série de bourdes, nous ne sommes pas encore sortis de l’auberge...

    Cadige William

    09 h 32, le 06 mars 2020

  • Les voleurs qui s'offusquent... où l'hôpital qui se fout de la charité. Tous coupables... mais surtout le camps d'en face! A bas le système... mais pas contre mes intérêts! La schizophrénie de la thawra.

    Bou Abdou Steeve

    08 h 06, le 06 mars 2020

  • Bravo pour le procureur de la République, Ghassan Oueidate de geler les avoirs de 21 banques dans un secteur ou la confiance est nulle mais sera catastrophique quand les genns vont accourir pour retirer leur argent .

    Antoine Sabbagha

    08 h 03, le 06 mars 2020

  • Ils sont tous FATIGANTS, FATIGANTS, FATIGANTS....

    NAUFAL SORAYA

    07 h 39, le 06 mars 2020

  • Quand l’avenir de tout un peuple est suspendu à la bonne volonté Chiite avec un jeu de chaise savamment orchestré par le tandem HN et NB . Leur seule préoccupation est comment accéder à l’argent qu’ils ont dans les banques car leur stock de cash s’essouffle et il faut continuer à alimenter leurs sympathisants surtout ceux qui meurent en Syrie et on se demande pour qu’elle cause déjà?

    PROFIL BAS

    07 h 32, le 06 mars 2020

  • Un vrai cowboy. Mr. Ali Ibrahim devrait informer immédiatement le public des données en sa possession qui justifient sa décision. Si ses données ne sont pas suffisantes, il devrait être jugé à son tour. Nous verrons à ce moment là comment son parrain va réagir.

    Zovighian Michel

    06 h 36, le 06 mars 2020

  • Faire reposer sur le dos des banques ou leurs propriétaires ou actionnaire seulement toute la corruption qu’il y a au pays c’est vraiment se F de la gueule du monde oui ils ont une part de responsabilité mais on sait tous que l’économie suit la politique .. dissociant le système bancaire de cette affaires... c’est le gouvernement qui décide ou vas ce milliard pas les banques elles facilitent le transfert !! Maintenant les propriétaires ou actionnaires eux sont de connivence

    Bery tus

    06 h 28, le 06 mars 2020

  • On passe des années en justice pour acquérir son droit qui souvent est évident à première vue. Comment Ali Brahim , en un clin d'oeil,a jugé et mis en exécution immédiatement un verdict qui n'est pas de son ressort ? Pas de dictature ni de politisation de la justice. Réformes en justice autant qu'en finances.

    Esber

    06 h 05, le 06 mars 2020

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