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Société - Journée mondiale « She Decides »

Un défi pour la jeune Libanaise

Le mouvement « C’est elle qui décide » veut libérer la parole sur les droits des femmes en partant des besoins de la jeunesse.

Moufida Haïdar, responsable de la campagne She Decides au sein de l’Institut arabe pour les femmes. Photo A.-M.H.

« Quand c’est elle qui décide, le monde est meilleur, plus fort, plus sûr. » Elle, c’est la jeune fille, l’adolescente ou la femme, qui peut décider librement de son corps, de sa vie, de son avenir, sans avoir à en répondre. Ce 2 mars 2020, et pour la troisième année consécutive, est célébrée dans le monde la journée « She Decides » (C’est elle qui décide), avec pour objectif de créer une nouvelle normalité, celle de la liberté de choix de la femme. Une normalité qui entend bien s’implanter au Liban et dans le monde arabe, à travers la jeunesse, un certain nombre de leaders et un centre de recherche, l’Institut arabe pour les femmes (AIW) de l’Université libano-américaine (LAU). Responsable de la campagne, la spécialiste de l’intégration du genre à l’AIW, Moufida Haïdar, explique la stratégie mise en place au Liban. Une stratégie basée sur « les groupes de discussion avec les jeunes », qui « vient des besoins et du pouvoir des jeunes », pour « libérer la parole, sans trop malmener les interdits ». Car « les tabous ont encore la vie dure au pays du Cèdre et dans la région ». Et le choix libre des femmes, lié à leurs droits, ne peut se faire qu’avec l’assentiment voire la sensibilisation de leurs proches, mais aussi des instances religieuses qui gèrent encore les questions liées au statut personnel.


Une réponse à Donald Trump
Moufida Haïdar revient d’abord sur la naissance du mouvement politique She Decides, créé en 2017 par une parlementaire néerlandaise, Lilianne Ploumen, alors ministre du Commerce extérieur et de la Coopération au développement. C’était après l’adoption par le président américain Donald Trump de la Règle du bâillon mondial (Global Gag Rule). « Cette militante féministe entendait réagir à l’interdiction faite aux ONG étrangères qui reçoivent une assistance des États-Unis, de fournir notamment des services d’avortement légaux », indique-t-elle. Présentés dans un premier temps comme un cri de ralliement, les deux mots « She Decides » deviennent rapidement un appel à l’action, un hashtag et une conférence de soutien aux organisations affectées par la règle du bâillon mondial. Le mouvement est rapidement rejoint par des leaders, amis et institutions publiques du Danemark, de Suède et de Belgique... Et il compte aujourd’hui nombre de « champions mondiaux », des personnalités internationales jouissant d’une notoriété, représentant parfois des gouvernements ou des institutions, parmi lesquelles la directrice exécutive de l’Institut arabe pour les femmes, Lina Abi Rafeh. Son manifeste, relayé sur le site web shedecides.com en six langues, dont l’anglais, le français et l’arabe, a déjà été signé par 126 000 militants et sympathisants à travers le monde, engagés à œuvrer pour que chaque fille et chaque femme puisse décider librement de son corps, de sa vie et de son avenir.

C’est elle qui décide, c’est certes « la liberté vestimentaire ou d’éducation », le droit « de porter ou non le voile islamique », de « choisir la longueur de sa jupe », de « poursuivre ou non ses études », « d’aller au bout de ses rêves », de « lutter contre la peur ». Mais c’est aussi « cette liberté pour la femme d’avoir des relations sexuelles, de tomber amoureuse, de se marier, d’avoir des enfants ». « Et si oui, quand, et avec qui », précise Mme Haïdar. Le mouvement va encore plus loin. « La femme a le droit de choisir librement d’éprouver du plaisir, de recourir à la contraception, d’accéder même à l’avortement en toute sécurité. » Sauf que « l’avortement est une question encore taboue au Liban ». D’où la décision des représentants locaux de la campagne She Decides de ne pas l’aborder.



(Lire aussi : Le XXIe siècle doit être le siècle de l’égalité femmes-hommes)



Changer une société patriarcale en préservant les traditions
« Nous avons la liberté de décider de nos priorités. Et pour l’instant, elles sont axées sur le mariage des mineures, les lois du statut personnel, la garde parentale en cas de divorce des parents, les droits de la communauté LGBT, la lutte contre le harcèlement sexuel », commente la spécialiste, qui reconnaît que ces questions parmi tant d’autres risquent également d’entraîner des confrontations avec les chefs de communautés religieuses qui tiennent les lois sur le statut personnel. « Tenter de changer une société patriarcale tout en préservant nos traditions et notre culture est un véritable défi que nous voulons relever. Nous ressentons déjà d’ailleurs cette volonté de changement auprès de la nouvelle génération qui s’exprime dans la rue, sur les réseaux sociaux ou à travers l’art », observe Moufida Haïdar.

À la mi-mars donc, la campagne locale She Decides, qui revendique « une approche globale », organisera des groupes de discussions avec des jeunes femmes de la Békaa et leurs mères, pour évoquer ces questions qui sont au cœur des revendications féministes du soulèvement populaire. Des étudiants de la LAU seront aussi sensibilisés aux questions et invités à signer le manifeste sur le site web de She Decides.

Les événements seront réalisés et exécutés en collaboration avec Zahraa Dirany, membre du Rassemblement démocratique des femmes libanaises, désignée jeune leader du mouvement, à l’instar de 25 jeunes femmes nées en 1994, à travers le monde. Pour ce faire, la jeune leader « développera et appliquera les idées qu’elle juge pertinentes », comme elle l’a fait lors d’événements précédents. Elle sera bientôt rejointe par de nouvelles recrues, nées en 1995, qui se mobiliseront à leur tour pour appliquer à leur échelle, et chacune dans son pays, l’agenda du mouvement féministe. Elles inviteront à leur tour chaque personne, femme ou homme, à signer l’engagement pour la femme sur le site shedecides.com. Car c’est elle qui décide.



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« Quand c’est elle qui décide, le monde est meilleur, plus fort, plus sûr. » Elle, c’est la jeune fille, l’adolescente ou la femme, qui peut décider librement de son corps, de sa vie, de son avenir, sans avoir à en répondre. Ce 2 mars 2020, et pour la troisième année consécutive, est célébrée dans le monde la journée « She Decides » (C’est elle qui...

commentaires (2)

"l’interdiction faite aux ONG étrangères qui reçoivent une assistance des États-Unis, de fournir notamment des services d’avortement légaux", semble logique: le gouvernement des USA refuse d'être complice de ces meurtres. Que la femme "décide" d'être libre de son corps ne l'autorise pas à tuer son enfant. Celui qu'elle porte ne lui appartient pas, il ne fait pas partie d'elle-même. Il n'est pas davantage un agresseur dont on pourrait se débarrasser sous couvert de la légitime défense.

Yves Prevost

07 h 23, le 03 mars 2020

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Commentaires (2)

  • "l’interdiction faite aux ONG étrangères qui reçoivent une assistance des États-Unis, de fournir notamment des services d’avortement légaux", semble logique: le gouvernement des USA refuse d'être complice de ces meurtres. Que la femme "décide" d'être libre de son corps ne l'autorise pas à tuer son enfant. Celui qu'elle porte ne lui appartient pas, il ne fait pas partie d'elle-même. Il n'est pas davantage un agresseur dont on pourrait se débarrasser sous couvert de la légitime défense.

    Yves Prevost

    07 h 23, le 03 mars 2020

  • décider, bien sur! mais avec quels moyens ? cela aussi s'exige d'une démocratie;J.P

    Petmezakis Jacqueline

    08 h 24, le 02 mars 2020

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