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Économie - Technologie

La BDL mise sur le paiement mobile pour limiter la pression sur les liquidités

Les banques et leurs clients, qui ne constituent que 45 % de la population totale, ne semblent pas prêts à sauter le pas vers le numérique.


Une jeune femme utilisant son téléphone portable pour payer. Photo d’illustration Bigstock

La crise de liquidités qui perdure au Liban depuis plusieurs mois, sur fond de crise économique et financière, a poussé le secteur bancaire à mettre en place d’importantes restrictions sur les retraits en espèces, en livres ou en dollars, et les transferts vers l’étranger. Ces mesures informelles de contrôle de capitaux – qui n’ont toujours pas été légalisées par le Parlement – n’ont cependant pas rassuré les déposants qui sont nombreux à se ruer vers leurs agences bancaires depuis le début de la crise pour retirer tout ou partie de leurs économies.

Au début du mois, le gouverneur de la Banque du Liban avait indiqué dans une interview sur la chaîne locale MTV que l’équivalent de trois milliards de dollars avaient été retirés en liquide de la BDL par les banques (en dollars et en livres) entre septembre et novembre, ce qui correspondait, d’après lui, aux retraits effectués normalement en douze ans.

L’ampleur de la crise, à laquelle le secteur bancaire espère trouver une solution en relevant à nouveau les plafonds de retrait en livres (voir par ailleurs), a finalement convaincu la Banque centrale de miser sur le développement de moyens de paiements alternatifs ; en commençant par le paiement mobile, dont les contours ont été redéfinis par la circulaire

n°539 publiée le 17 janvier. Cinq jours plus tard, la BDL a fourni dans un communiqué de nouvelles précisions sur la réglementation de ce procédé.

En un mot, celui-ci consiste à autoriser les transactions (transferts d’argent ou paiement) entre particuliers et/ou entreprises à travers des applications sur smartphone, montres connectées ou tout autre support équivalent, soit entre elles, soit via un terminal de paiement adapté, le tout uniquement sur le territoire libanais. Les personnes qui effectuent des transactions à travers ce vecteur ne sont pas nécessairement clients d’un même établissement bancaire.



(Lire aussi : Les banques prévoient d’assouplir et d’organiser les mesures de contrôle des capitaux)



Modeste utilisation
Le paiement mobile a fait son apparition sur le marché libanais au début des années 2010, sans pour autant convaincre une population où le taux de bancarisation est relativement faible, avec seulement 45 % des adultes qui détiennent un compte en banque, selon le dernier indice Global Findex de la Banque mondiale, tandis que la moyenne mondiale est de 69 %. Les différentes études publiées sur le sujet ces dernières années indiquent qu’en dehors des jeunes, les clients des banques libanaises privilégient encore beaucoup les chèques et les espèces pour effectuer leurs paiements.

Si le procédé peine à séduire les Libanais, il n’a pas non plus été plébiscité par les banques du pays. En effet, plusieurs établissements proposent déjà à leurs clients des applications de banque mobile, qui leur permettent de consulter leurs comptes et d’effectuer des virements entre ceux-ci, mais elles sont en revanche beaucoup moins nombreuses à autoriser les transactions entre utilisateurs de banques différentes, souvent faute d’infrastructure technique adaptée, confie une source au sein d’un opérateur local.

Des paramètres qui ne découragent pas pour autant la BDL, qui estime que certaines banques seront prêtes à proposer des moyens de paiement mobile conformes à la nouvelle réglementation « dans les deux mois », selon une source à la Banque centrale.

Comme ce qui était prévu auparavant, les paiements mobiles entre particuliers ne pourront être effectués qu’à travers des interfaces ou applications mises en place par les banques, contrairement à ce qui se fait par exemple en Afrique où le faible taux de bancarisation a permis à d’autres acteurs, dont les opérateurs mobiles, de se positionner sur ce créneau. Autre constante : les comptes de paiement mobile seront liés à des cartes bancaires et bénéficieront des mêmes protocoles de sécurité proposés par les prestataires Visa et MasterCard. En revanche, les transactions seront désormais instantanées, alors qu’avant, elles devaient être approuvées par le « Back office » (le département de gestion et de contrôle des opérations) de la ou des banques concernées.

La BDL a également mis à jour les différents plafonds appliqués pour ce type de transactions. Dorénavant, la limite de paiement à un tiers, que ce soit une personne ou un commerçant, s’élève à 500 000 livres libanaises (333 dollars au taux officiel) quotidiennement, et 5 millions en livres (3 333 dollars au taux officiel) par mois, et en devises étrangères, à 300 par jour et 3 000 par mois. En ce qui concerne le plafond pour les montants reçus, il est de 2 millions de livres (1 333 dollars au taux officiel) par jour et 10 millions de livres (6 666 dollars au taux officiel) par mois, et en devises étrangères 600 par jour et 6 000 par mois. La BDL précise tout de même qu’elle pourrait accepter d’augmenter le plafond pour les montants reçus s’il s’agit d’un entrepreneur ou d’un commerçant. Toutefois, la Banque centrale devra au préalable avoir donné son accord pour le paiement à travers les applications spécifiques. Les commissions perçues par les banques sont, elles, plafonnées à 0,5 % du montant total de la transaction. De plus, elles devront à présent envoyer chaque mois les transferts effectués vers des particuliers et vers des commerçants, en livres libanaises et en monnaie étrangère.

Il n’est pas certain toutefois que le paiement mobile s’impose réellement comme une alternative durable aux méthodes traditionnelles de paiement – espèces, chèques et cartes bancaires. Même à l’étranger, les méthodes traditionnelles de paiements, comme les espèces, les transferts et les paiements par carte, restent en effet plus utilisés que le paiement mobile, selon un sondage publié en 2019 et mené par le cabinet de conseil PWC en Allemagne, en Autriche, en Suisse, aux Pays-Bas, en Belgique et en Turquie. Plus de 90 % des personnes interrogées déclarent utiliser régulièrement les méthodes classiques de paiement, contre une moyenne de 43,66 % pour le paiement mobile. Il n’y a que dans deux pays, en Turquie (65 %) et aux Pays-Bas (51 %), que le taux d’utilisation est supérieur à 50 %. En Allemagne, il tombe en revanche à 25 %.

Depuis la fin de l’été, l’économie libanaise connaît des problèmes de liquidités en dollar dus aux restrictions sur la circulation du billet vert imposées par la Banque centrale, alors que le taux de change avec la livre libanaise (1 507,5 livres pour un dollar, 1 515/1 520) se maintient pour les transactions bancaires. De plus, après que les banques eurent fermé leurs portes durant les manifestations, un vent de panique s’est installé dans le pays, poussant les clients à retirer leur argent à travers les distributeurs automatiques de billets ou directement au comptoir.




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