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Politique - Parlement

Première épreuve politique pour le gouvernement Diab

La Chambre se réunit en principe ce matin pour examiner le projet de budget 2020.

Spectaculaire graffiti par Roula Abdo sur un mur de blocs de béton, érigé afin de bloquer un des accès à la place de l’Étoile, dans le centre-ville de Beyrouth. Photo Matthieu Karam

C’est une séance particulièrement controversée que la Chambre doit tenir en principe ce matin à 11h pour examiner le projet de budget 2020. Mais c’est surtout par le contexte politique tendu dans lequel elle se tient que la réunion parlementaire est notable. Il s’agit de la toute première séance plénière depuis le 19 novembre dernier (date à laquelle les manifestants avaient empêché la tenue d’une séance au menu de laquelle se trouvait une loi d’amnistie), mais aussi après la formation du gouvernement de Hassane Diab, mardi dernier. Elle représente donc la première épreuve politique pour le cabinet qui n’a pas encore obtenu la confiance du Parlement.

La séance intervient aussi à l’heure où le mouvement de contestation reste mobilisé et continue d’exprimer son rejet de la classe politique en général et du nouveau cabinet en particulier. Après un week-end marqué par de nouveaux affrontements entre des manifestants et la brigade antiémeute des FSI, notamment devant le Grand Sérail, nombreux sont ceux qui s’attendent à ce que les protestataires se mobilisent à nouveau aujourd’hui pour empêcher la tenue de la séance, comme ce fut le cas le 19 novembre dernier. Si les contestataires parvenaient à contraindre le chef du législatif, Nabih Berry, de procéder à un report de la séance, ce serait là un nouveau but qu’ils marqueraient dans les filets de ce dernier.

Mais il semble que la rue ne constitue pas le seul obstacle à la tenue de la réunion parlementaire, dans la mesure où elle suscite plusieurs interrogations autour de sa constitutionnalité, le cabinet Diab n’ayant pas encore obtenu la confiance de la Chambre et examinant une loi des finances qu’il n’a pas élaborée.


(Lire aussi : Pour Washington, le gouvernement Diab est "formé et soutenu par le Hezbollah")


Les Kataëb boycottent
Ce point de vue, le chef des Kataëb Samy Gemayel, rangé dans le camp de l’opposition depuis 2016, l’a exposé hier lors d’un point de presse au siège de son parti à Saïfi. « Plusieurs entorses à la Constitution entachent la séance prévue demain (aujourd’hui) », a tonné M. Gemayel, avant d’expliquer : « Le gouvernement ne bénéficie pas encore de la confiance de la Chambre. Il n’a donc pas le droit de se présenter devant elle. » « Le cabinet n’a pas encore pris connaissance du budget et n’est pas en droit de l’adopter avant d’obtenir la confiance du Parlement », a-t-il ajouté. « La Chambre votera demain un budget élaboré par un gouvernement déchu et que défendra une équipe qui n’a pas la confiance. Et cela va à l’encontre de la logique institutionnelle », a-t-il encore martelé.

Sur un autre registre, Samy Gemayel a souligné que les députés ont reçu un résumé du projet du projet de budget 2020 de la part du ministre des Finances. Sauf que ce dernier, a-t-il ajouté, n’est pas en droit d’adresser quoi que ce soit avant le vote de confiance, tout en rappelant que le ministre des Finances, Ghazi Wazni, a démenti avoir envoyé un résumé de la nouvelle loi des finances. Une position que M. Wazni a d’ailleurs confirmée hier en réaction aux propos du chef des Kataëb.

En soirée, Samy Gemayel a indiqué que les trois députés du parti ne prendront pas part à la séance parlementaire. « Nous n’accorderons pas de légitimité à une réunion non constitutionnelle. Nous ne discuterons pas avec un gouvernement qui n’a la confiance de personne. Nous n’examinerons pas un budget dont personne n’est responsable et n’assurerons pas de couverture à une politique économique catastrophique, basée sur des chiffres illusoires, en provenance d’un cabinet que les Libanais ont fait tomber. Nous ne participerons pas à la séance de demain », a écrit M. Gemayel sur son compte Twitter. Expliquant les motifs de la décision, Lara Saadé, conseillère juridique du chef des Kataëb, souligne à L’Orient-Le Jour que conformément à l’article 64 de la Constitution, le gouvernement devrait, avant toute chose, obtenir la confiance de la Chambre. « La réunion parlementaire va donc à l’encontre de la Constitution », ajoute-t-elle, faisant valoir que le cabinet Diab devrait réviser le budget, établir de nouveaux chiffres et inclure des mesures à même de résoudre la crise économique actuelle. Tard en soirée, on apprenait de source informée que le Parti socialiste progressiste pencherait lui aussi vers un possible boycottage de la réunion.

A contrario, les Forces libanaises, en dépit de leur opposition au budget 2020, se rendront ce matin à l’hémicycle, confie un responsable du parti à L’OLJ. « Nous laisserons à la Chambre le soin de trancher la polémique suscitée autour de la séance », explique ce responsable FL, assurant que sa formation s’oppose au projet de budget, dans la mesure où ses chiffres sont incorrects et ne sont plus fiables, le projet ayant été adopté avant (ou pendant) la révolution. « Nous appelons le gouvernement à récupérer le texte après le vote de confiance afin de le modifier dans le sens des revendications populaires et de façon à sortir le pays de la catastrophe économique et financière », poursuit le responsable FL. Mais Fadi Saad, député FL de Batroun, estime que la séance n’est pas constitutionnelle, insistant sur le fait qu’il n’est « pas normal qu’un cabinet qui dit vouloir opérer des réformes adopte un budget qui n’est pas le sien et dont les chiffres ne sont pas exacts ».

De même, le courant du Futur semble déterminé, comme le Hezbollah, le mouvement Amal et le Courant patriotique libre, à faire acte de présence à l’hémicycle « si les députés parviennent à y accéder », souligne une source proche de la Maison du Centre, qui estime qu’il est du devoir des députés de représenter l’opinion publique et de s’exprimer en son nom, notamment au sujet du refus de l’adoption du budget.


(Lire aussi : Diab opposera-t-il son « réalisme » aux exigences internationales ?)


Un budget orphelin
Du côté de Moukhtara, Marwan Hamadé, député du Chouf, contacté par L’OLJ, se livre à une violente critique du projet de budget au vu de ses implications constitutionnelles et économiques. « Nous sommes face à un gouvernement qui n’en est pas encore un et un budget qui n’en est plus un, parce que les recettes sont erronées, avec un PIB qui n’en finit pas de régresser, de même que les recettes », lance-t-il, avant d’ajouter : « Ce budget est désormais orphelin. Et la crise financière est éminemment politique. » « Tant que nous sommes devant cette hégémonie syro-iranienne, avec la complicité du camp présidentiel, le pays ne sortira pas de la crise. Il y a des réformes à adopter, et la légitimité et la confiance du peuple et de la communauté internationale à regagner. Mais nous en sommes encore loin », déplore encore Marwan Hamadé.

Entre-temps, le comité chargé de rédiger la déclaration ministérielle poursuit ses travaux. Après deux réunions samedi dernier, le comité devrait tenir une séance demain pour parachever la rédaction d’une première version du texte, principalement axée sur les priorités du cabinet Diab, selon la ministre de l’Information Manal Abdel Samad Najd.


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commentaires (5)

"Que Dieu pardonne à ceux qui nous ont amené à cette situation". (Jamil Sayyed - Député). Si Dieu pardonne, le peuple ne pardonnera jamais aux pilleurs et aux voleurs qui ont volé son argent, les milliards de dollars déposés récemment et clandestinement dans les banques suisses près de Davos si cher à un ancien vizir...

Un Libanais

13 h 24, le 27 janvier 2020

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Commentaires (5)

  • "Que Dieu pardonne à ceux qui nous ont amené à cette situation". (Jamil Sayyed - Député). Si Dieu pardonne, le peuple ne pardonnera jamais aux pilleurs et aux voleurs qui ont volé son argent, les milliards de dollars déposés récemment et clandestinement dans les banques suisses près de Davos si cher à un ancien vizir...

    Un Libanais

    13 h 24, le 27 janvier 2020

  • Les nouveaux ministres trouvent normal que la constitution soit foulée du pied? Ils courent voter le budget alors que le gouvernement qui n'en est pas un puisqu'il n'a pas obtenu le vote de confiance et qui n'a pas non plus la confiance du peuple. Comment une chose pareille peut même être envisagée dans notre pays démocratique? Ils nous rabâchent les oreilles avec leur dévouement pour satisfaire la rue et sortit le pays de la crise, et tout ce qu'ils font c'est mettre de l'huile sur le feu à chaque décision qu'ils annoncent. De qui se fout-on? Comment l'armée accepte d'obéir aux ordres en refoulant les protestataires pour que la cuisine nauséabonde soit terminée alors qu'ils sont les garants de la liberté du peuple et garants de la protection des lois et que notre constitution est piétinée par les vendus.

    Sissi zayyat

    10 h 35, le 27 janvier 2020

  • LE BORDEL !

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 15, le 27 janvier 2020

  • Ça commence bien avec le Diab. Il veut soit disant gagner la confiance du peuple, des arabes, des Européens, etc... et son premier acte est d'accepter toutes ces illégalités! Pour un technocrate chapeau!

    Pierre Hadjigeorgiou

    08 h 38, le 27 janvier 2020

  • Décidément, le chef du Parlement est un spécialiste du viol de la Constitution! A deux reprises, il bloque l'élection présidentielle en imposant motu proprio un quorum des 2/3. Récemment, il voulait faire voter (en double urgence!, une loi d'amnistie avant le budget. Maintenant c'est une loi de budget obsolète qu'il prétend présenter au vote avant la confiance du nouveau gouvernement. Après près de trente ans passés au perchoir, il est difficile d'imaginer qu'il ne connaît pas les règles. Dès lors, difficile de lui pardonner puisqu'il sait parfaitement ce qu'il fait.

    Yves Prevost

    07 h 01, le 27 janvier 2020

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