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Nos Lecteurs ont la Parole - par Frida ANBAR

Tout commence par un réveil et tout se poursuit par une détermination

En ce 17 octobre 2019, l’air était doux et Beyrouth, fidèle à sa réputation, était ensorcelante. Vivant au Canada, j’y étais de passage avec une délégation universitaire montréalaise. Le vent fouettait nos joues de son ivresse à chaque tournant entre les vestiges d’un passé palpable, avec des colonnes romaines en pleine ville, et un avenir incertain qui ressemble à un terrain abandonné. Truffée de contradictions, riche de saveurs et d’odeurs, gorgée de sensations et d’émotions, Beyrouth, entre gloire et meurtrissures, offrait un visage d’une beauté inexplicable, insondable et pérenne.

En ce 17 octobre 2019, cette insouciance était fallacieuse, car on sentait gronder la colère des entrailles de la ville et du pays. Néanmoins, qui aurait pu prévoir que, ce soir-là, elle allait se réveiller, trop longtemps retenue pour éclabousser ceux qui l’ont nourrie.

Et c’est arrivé. Un cri de rage, un geste de solidarité, une renaissance, une revendication, une avalanche ! Miné par les dettes, accablé par l’incertitude, plié par le manque d’options, le peuple a décidé de s’exprimer. Spontanément, les gens du nord au sud du pays sont descendus dans la rue pour libérer avant tout la parole et ensuite réclamer le droit au changement.

En se libérant, la révolution a pris de la force, comme la boule de neige qui provoque l’avalanche. Brutalement, dans ce Liban aux allures de carte postale, le mouvement du déplacement gravitaire a rugi.

La révolution est devenue cri, le cri s’est métamorphosé en canon et le canon a fait sauter en éclats la serrure invisible du bâillonnement social et politique, réveillant ainsi un patriotisme endormi qui ne demandait qu’à se libérer.

Qu’il est fragile, qu’il est courageux, qu’il est visionnaire ! Qu’il est beau notre Liban hétéroclite ainsi porté par cette jeunesse bouillonnante et cette solide sagesse. Qu’elle est féroce notre révolution. Sa munition est la motivation d’instaurer un nouvel ordre juste et équitable. Son impulsion vise à redonner au pays ce qu’il mérite, dignité et conditions de vie acceptables.

En ce 17 octobre 2019, on pensait que Beyrouth allait porter le voile de la veuve alors qu’elle nous a surpris par son apparence de jeune mariée incarnant l’espoir, frémissante d’anticipation, arborant une confiance absolue.

Le Liban couvait sa capitale ainsi promise au renouveau, livrée aux rives de l’incertitude. À elle d’édifier son nouveau royaume basé sur les valeurs qu’elle choisira et celles qu’elle reniera.

J’ai déjà écrit dans un récit, intitulé Les racines du cœur :

« Si ces pierres peuvent parler, elles remonteront à très longtemps, soit au premier millénaire avant notre ère. Nina, tu viens d’une région que l’on nommait le pays de Canaan. Tes origines sont celles d’un peuple courageux, visionnaire, créatif, audacieux et aventurier : les Phéniciens. »

Plus que jamais je suis convaincue que ce qui est hérité féconde l’éternel. J’ai repris l’avion pour retourner vers ma vie. Ce que j’appelais votre révolution est désormais la nôtre. Elle impose le respect et déchaîne des passions. Elle provoque des miracles.


Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour.

En ce 17 octobre 2019, l’air était doux et Beyrouth, fidèle à sa réputation, était ensorcelante. Vivant au Canada, j’y étais de passage avec une délégation universitaire montréalaise. Le vent fouettait nos joues de son ivresse à chaque tournant entre les vestiges d’un passé palpable, avec des colonnes romaines en pleine ville, et un avenir incertain qui ressemble à un terrain...

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