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Société - Santé

Le secteur hospitalier ne tiendra pas plus que quelques semaines

Malgré la rupture de stock de certains médicaments, matériels et équipements médicaux, les patients ne ressentent pas encore la crise. Cela ne va pas tarder, selon des acteurs du secteur.

Certains hôpitaux craignent n’avoir à refuser très prochainement des interventions chirurgicales. Photo Bigstock

Le secteur hospitalier a tiré une fois de plus la sonnette d’alarme, mettant en garde contre une interruption de nombreux services, si aucune solution n’est trouvée à sa crise financière. Depuis fin août, et à la suite d’une décision de la Banque centrale de limiter la quantité de dollars circulant sur le marché, la crise récurrente que connaît ce secteur s’est exacerbée. À cela s’ajoute la suppression des facilités bancaires aux entreprises décidée par les banques depuis le début du soulèvement populaire le 17 octobre.

« La crise n’est pas encore ressentie par une grande majorité des patients, confie à L’Orient-Le Jour sous couvert d’anonymat un propriétaire d’hôpital au Liban-Sud. Mais cela ne peut pas durer longtemps, le secteur ayant atteint une situation critique. Les grands hôpitaux peuvent tenir encore quelques semaines, les petits et moyens hôpitaux beaucoup moins. »

Il explique que jusqu’à présent, les établissements hospitaliers ont réussi à se débrouiller, malgré la rupture de stock observée pour certains médicaments, matériels et fournitures médicaux. « Mais je crains n’avoir à refuser très prochainement des interventions chirurgicales, parfois importantes comme dans le cas d’une maladie cardiaque. »

C’est le cas d’un septuagénaire dont la belle-fille raconte qu’il doit remplacer son défibrillateur le plus tôt possible, « mais cela fait un mois et demi que nous attendons que celui-ci soit assuré ».


(Lire aussi, dans Le Commerce du Levant : Sami Rizk : « La qualité des soins hospitaliers est en jeu »)


« Nous constatons une pénurie dans plusieurs équipements médicaux, comme les sondes de cathétérisme, le tuyau qui relie la sonde à la seringue par laquelle nous injectons le produit ou encore le guide de cathétérisme, confie un cardiologue dans un grand hôpital de Beyrouth. Mais jusqu’à présent, nous réussissons à nous débrouiller, d’autant que nous sommes en train de nous approvisionner auprès d’autres fournisseurs plus petits. Le problème se posera lorsque ces petits fournisseurs ne pourront plus nous approvisionner. »

Le propriétaire de l’hôpital explique que le problème réside à plusieurs niveaux. Il y a d’une part les dus de l’État au secteur hospitalier et qui s’élèvent à plus de deux mille milliards de livres libanaises. « Les tiers-payants publics mettent entre douze et dix-huit mois pour nous rembourser et les assurances privées environ six mois, souligne-t-il. De plus, les tarifications adoptées pour chaque acte médical sont anciennes et selon un taux de change de 1 500 livres libanaises pour le dollar. »

D’autre part, il y a le problème des fournisseurs qui veulent être payés d’avance, alors qu’auparavant, ils patientaient. « Du côté des importateurs de matériel et d’équipements médicaux, le problème se trouve au niveau du mécanisme mis en place par la BDL selon lequel la Banque centrale assure 50 % du montant de la commande passée à l’étranger en dollars, le fournisseur devant assurer le reste. Ce qu’il devrait faire auprès des cambistes au prix fort. » Au cours des derniers jours, le prix du dollar se négociait à près de 2 500 livres libanaises dans les bureaux de change, alors que la parité officielle fixée par la BDL depuis 1997 est toujours de 1 507,5 livres pour un dollar, 1 515/1 517 livres pour les transactions bancaires.

« Si l’État ne trouve pas de solution à cette crise, c’est la catastrophe garantie, déplore le propriétaire de l’hôpital. Je crains que nous ne soyons dans l’obligation de faire assumer aux patients la différence de coût. C’est ce que nous essayons d’éviter. »


(Lire aussi : Aucun espoir pour le secteur de la santé tant que la situation persiste)


Les Makassed ferment le service des urgences

À ce jour, aucune mesure n’a été prise pour parer à cette crise, malgré les mises en garde répétées des hôpitaux. Hier, c’était au ministre sortant de la Santé, Jamil Jabak, de recevoir le président du syndicat des propriétaires des hôpitaux privés, Sleiman Haroun. Il doit se réunir aujourd’hui avec une délégation des importateurs de matériel et d’équipements médicaux.

M. Jabak s’est abstenu de tout commentaire à l’issue de cette rencontre. De son côté, M. Haroun a affirmé que la situation est « dangereuse ». « Nous avons prévu pouvoir tenir jusqu’à la fin du mois courant, mais hélas, nous sommes actuellement au cœur du problème, a-t-il regretté. Certaines opérations chirurgicales ne peuvent plus être pratiquées par manque de matériel et d’équipements. »

M. Haroun a fait remarquer que les comptes en cours de vérification actuellement au ministère des Finances et qui peuvent être versés aux hôpitaux s’élèvent à 500 milliards de livres libanaises. Il a souligné qu’à part M. Jabak, pas une seule autorité officielle n’a essayé de prendre l’initiative de trouver une solution au problème, « la majorité des responsables étant dans le déni ». « De notre côté, nous menons des contacts avec les différents tiers-payants publics pour trouver une issue », a-t-il conclu.


(Pour mémoire : Secteur hospitalier : le seuil d’alerte est atteint)


Par ailleurs, l’hôpital des Makassed a annoncé hier « la suspension des activités du service des urgences, mis à part les cas qui nécessitent une hospitalisation ou une intervention rapide ». Dans un communiqué, il explique que cela est dû à plusieurs raisons, au nombre desquelles notamment « la hausse du coût des équipements médicaux qu’on ne peut se procurer que par quantités limitées », sachant que « les fournisseurs exigent d’être payés à la livraison ». À cela s’ajoute la suspension des aides étrangères dont bénéficiait l’association caritative des Makassed.

Et de préciser que « seuls les patients des médecins exerçant à l’hôpital pourront continuer à être traités dans l’établissement, sur base d’un rapport de leur médecin ». « Mis à part les urgences, tous les autres départements continuent à fonctionner normalement », a assuré la direction des Makassed. Pour le moment.


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