Rechercher
Rechercher

Politique - Reportage

À Beddaoui, la colère gronde contre l’armée

La localité à l’entrée nord de Tripoli a connu une nuit de violences entre des habitants et la troupe.


Les habitants ont bloqué hier les routes à Beddaoui à l’aide de pneus incendiés. Photo Ornella Antar

Toutes les régions libanaises sont touchées par des coupures de courant de plus en plus drastiques. Mais à Tripoli, capitale du Liban-Nord, cette situation engendre une colère de plus en plus explosive. Hier, plusieurs routes ont été bloquées à l’aide de pneus incendiés ou de blocs de ciment, notamment devant les locaux d’Électricité de Qadicha, dont EDL possède une partie du capital.

C’est dans la nuit de jeudi à vendredi que de violents dérapages ont toutefois eu lieu, à Beddaoui, à l’entrée nord de Tripoli, près de la centrale de Deir Ammar, où des affrontements ont opposé des jeunes gens à l’armée. Plusieurs jeunes ont été arrêtés dans le cadre de ces heurts qui ont duré toute la nuit et ont pris une tournure confessionnelle selon des témoins, qui ont accusé des militaires d’avoir insulté des figures religieuses sunnites. Lina Hamdan, une militante, précise que soixante personnes ont été interpellées à leur domicile, que ce soit à Beddaoui ou dans la localité de Abdé (dans le Akkar), avant d’être pour la plupart progressivement relâchées. Selon Mme Hamdan, il s’agit d’une nouvelle stratégie adoptée par le pouvoir afin d’instiller la peur au sein de la population.

Les heurts ont commencé dans cette localité pauvre, accolée au camp de réfugiés palestiniens du même nom, lorsque des manifestants en colère ont bloqué les routes pour protester contre les coupures drastiques de courant alors que les tempêtes se succèdent. « Les coupures de courant se poursuivent depuis trois ou quatre jours à Beddaoui, les maisons ne sont pas chauffées et les habitants n’ont pas pu prendre une douche depuis plusieurs jours », s’insurge Mahmoud el-Gharib, un jeune homme originaire de la localité. Selon les témoignages recueillis par L’OLJ, des soldats sont arrivés peu après le début du blocage des routes et, n’ayant pas trouvé les responsables des blocages des routes, ont fait irruption dans un centre de jeux vidéo où ils ont battu des jeunes et saccagé le matériel, avant d’arrêter plusieurs personnes. Plusieurs témoins rencontrés sur la rue principale à Beddaoui ont assuré à L’Orient-Le Jour que les jeunes gens arrêtés n’avaient rien à voir avec les fermetures des routes. Des affrontements ont alors opposé, jusqu’à cinq heures du matin, des habitants de la région et les militaires.

Hier, durant la journée, des protestataires en colère continuaient de bloquer des routes à Beddaoui pour réclamer la libération des manifestants arrêtés. La route de Beddaoui a ensuite été rouverte à la circulation vers 16h lorsque les jeunes gens ont été libérés, selon les habitants.


(Lire aussi : Affaires de corruption et coupures de courant relancent la contestation à travers le pays)



« Beddaoui n’est pas les territoires palestiniens occupés »
« Un général de l’armée a proposé de libérer les détenus contre la réouverture des rues bloquées », lance un vieil homme au milieu de la foule réunie hier matin sur la rue principale, avant de poursuivre : « Dans quel genre de pays vivons-nous et quel genre d’État nous gouverne ? S’ils sont véritablement innocents, pourquoi l’armée les avait-elle arrêtés, et s’ils ne le sont pas, comment accepte-t-elle de les libérer contre une simple réouverture des routes ? » Selon plusieurs habitants, l’État adopte la politique des deux poids, deux mesures et ne traite pas tous les citoyens sur un pied d’égalité. Pour Azmi Mourad, un jeune homme qui a été arrêté par l’armée pendant 22 jours au début du soulèvement populaire du 17 octobre, l’armée ne protège pas les gens de Tripoli. « Pour nous, les soldats sont nos frères et nos pères, mais ce n’est pas de cette façon que la direction de l’armée nous regarde », se plaint-il. « Si l’armée veut nous protéger, pourquoi nous traite-t-elle de cette façon ? » poursuit-il. Deux vieilles femmes lancent à leur tour : « Nous ne laisserons pas seuls nos enfants et nos frères détenus par l’armée. » « Qu’ont-ils fait de mal ? Ils ne font que réclamer leurs droits », ajoutent-elles en chœur.

La colère des habitants de Beddaoui a été également alimentée par les insultes qui auraient été lancées, selon eux, par les militaires contre des figures religieuses sunnites. « À ce moment-là, les protestataires ont riposté en insultant le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah », ajoute M. Gharib. « Est-ce l’armée libanaise ou l’armée du Hezbollah qui nous a attaqués hier ? » lance un homme d’une soixantaine d’années. « Les militaires ont peut-être oublié que Beddaoui, ce n’est pas les territoires palestiniens occupés », ajoute-t-il, furieux.

L’armée a pour sa part affirmé dans un communiqué que la troupe était intervenue jeudi soir pour ouvrir les routes que des jeunes gens avaient fermées à l’aide de blocs de ciment à Beddaoui. « Ces jeunes ont alors lancé des pierres et des cocktails Molotov » contre les militaires, blessant 14 soldats, peut-on lire dans le communiqué, où il est précisé que huit personnes ont été arrêtées pour avoir « commis des actes de vandalisme ». Les habitants de Beddaoui n’ont pas démenti ces informations et ont confirmé à L’OLJ avoir lancé des pierres et des cocktails Molotov. « Nous étions obligés de riposter », dit Mahmoud Kour à L’OLJ, avant de conclure : « L’État n’arrive à imposer son autorité que sur les faibles et les vulnérables comme nous. »


Lire aussi
Harcèlement des politiciens dans les lieux publics au Liban : un phénomène nouveau et incontrôlable

Pourquoi y a-t-il davantage de coupures de courant au Liban ?

Liberté d’expression, actes de vandalisme : des militants interpellés puis relâchés

Toutes les régions libanaises sont touchées par des coupures de courant de plus en plus drastiques. Mais à Tripoli, capitale du Liban-Nord, cette situation engendre une colère de plus en plus explosive. Hier, plusieurs routes ont été bloquées à l’aide de pneus incendiés ou de blocs de ciment, notamment devant les locaux d’Électricité de Qadicha, dont EDL possède une partie du...

commentaires (1)

Quelle différence entre le prolétariat sunnite opprimé de Beddaoui et le prolétariat chiite privilégié de Khandak el Ghamik qui a tous les droits tout en étant maintenu dans la misère par les formations politiques qui leur lavent le cerveau avec l’idéologie de la pseudo-résistance ! C’est tout le Liban, toutes les confessions, qui devraient manifester concrètement 1) contre l’oppression des sunnites innocents 2) pour la punition des chiites coupables Ne rien lâcher jusqu’à ce que 1) les innocents de Beddaoui cessent d’être opprimés 2) les coupables de Khandak el Ghamik soient sous les verrous

Citoyen libanais

09 h 41, le 11 janvier 2020

Tous les commentaires

Commentaires (1)

  • Quelle différence entre le prolétariat sunnite opprimé de Beddaoui et le prolétariat chiite privilégié de Khandak el Ghamik qui a tous les droits tout en étant maintenu dans la misère par les formations politiques qui leur lavent le cerveau avec l’idéologie de la pseudo-résistance ! C’est tout le Liban, toutes les confessions, qui devraient manifester concrètement 1) contre l’oppression des sunnites innocents 2) pour la punition des chiites coupables Ne rien lâcher jusqu’à ce que 1) les innocents de Beddaoui cessent d’être opprimés 2) les coupables de Khandak el Ghamik soient sous les verrous

    Citoyen libanais

    09 h 41, le 11 janvier 2020

Retour en haut