Le vice-président du Parlement libanais, Elie Ferzli, s'est retiré dimanche soir d'un restaurant de la capitale sous les huées d'une poignée de manifestants qui l'accusaient d'être un "voleur" et un "corrompu", alors que le Liban connaît une révolte populaire inédite depuis le 17 octobre 2019 contre la classe politique.
Selon les vidéos qui ont circulé sur les réseaux sociaux et qui ont été relayées par de nombreux activistes, notamment le réalisateur Lucien Bou Rjeily, la scène s'est déroulée dans le restaurant Swiss Butter, à la rue Gouraud de Gemmayzé, à Beyrouth. M. Ferzli dînait en compagnie de deux autres personnes, au moment où une poignée de manifestants s'attroupait à l'entrée de l'établissement. Munis de casseroles, devenues le symbole de ralliement de nombreux manifestants, les protestataires ont tapé sur ces ustensiles en chantant : "Hela Ho, Hela Ho, nous avons atteint l'effondrement et personne ne s'en soucie". D'autres criaient : "128 députés, tous des voleurs !"
الثوار يواجهون #ايلي_الفرزلي وهو داخل مطعم "سويس بوتر" في وسط بيروت.#يوميات_ثورة#تسقط_سلطة_النهب #كلن_يعني_كلن مورطين#لبنان_ينتفض pic.twitter.com/9lahZfQFqs
— lucien bourjeily (@lucienbourjeily) January 5, 2020
Quelques agents des Forces de sécurité intérieure se trouvaient sur les lieux afin de s'assurer que la confrontation ne dégénère pas. L'un des manifestants a réussi à pénétrer à l'intérieur du restaurant et a conseillé poliment à Elie Ferzli de quitter les lieux. Un échange cordial mais inaudible a eu lieu entre les deux personnes, sous le regard ébahi de certains clients du restaurant qui affichait complet.
"Elie, dis la vérité, es-tu un voleur ou non ?", chantaient les manifestants au moment où le vice-président du Parlement quittait les lieux, escorté par ses gardes du corps. Aucun incident n'a été signalé lors de cette scène quasi-inédite.
#لبنان_ينهار وأقل شي هيك يصير بكل السياسيين بكل المناسبات ووين ما كانوا... هالسياسيين الوقحين لازم يحسوا بغضب الناس... سياسيين وصلوا لبنان للإنهيار بعد عشرات السنين بالحكم وبعدهم عم يتخاذلوا ويتهربوا من المسؤولية!
— lucien bourjeily (@lucienbourjeily) January 5, 2020
كلن مسؤولين وكلن لازم يتحاسبوا.#كلن_يعني_كلن#لبنان_ينتفض✊?? pic.twitter.com/YfyXHNNm8d
"Le Liban s'effondre, et la moindre des choses c'est que tous les politiques soient traités de la sorte, à chaque occasion, où qu'ils soient. Ces politiques insolents doivent ressentir la colère des gens... Des politiques qui ont poussé le Liban vers l'effondrement après des dizaines d'années au pouvoir, alors qu'ils continuent de se soustraire à leurs responsabilités. Ils sont tous responsables et doivent tous rendre des comptes", écrit Lucien Bou Rjeily.
Récemment, c'est l'ancien Premier ministre Fouad Siniora, qui avait été contraint en décembre dernier de quitter l'Assembly Hall de l'AUB, où se tenait un concert, sous les huées des spectateurs.
Depuis plus de deux mois, les manifestants libanais appellent à la chute de tous les responsables, accusés de corruption et d'incompétence, alors que le pays traverse une grave crise économique et de liquidités. Sous la pression de la rue, le gouvernement de Saad Hariri avait démissionné le 29 octobre. Le 19 décembre, à l'issue de consultations parlementaires, le président Michel Aoun a désigné l'ex-ministre Hassane Diab, appuyé par les partis du 8-Mars, au poste de Premier ministre. Ce dernier a promis la formation d'un gouvernement de technocrates indépendants, comme le réclament les manifestants. Ces derniers rejettent toutefois la nomination de M. Diab qu'ils estiment issu de la même classe politique corrompue dont ils réclament le départ. Ils ont tenu hier un nouveau sit-in devant le domicile de M. Diab, qu'ils ont copieusement hué.
Selon plusieurs responsables et observateurs, la naissance du gouvernement Diab pourrait intervenir dans les prochains jours.
Dans la nuit de dimanche à lundi, des manifestants ont une nouvelle fois bloqué plusieurs routes principales, notamment à Zouk, Jal el-Dib et Dora, au nord de la capitale Beyrouth, ou encore sur la voie-express du Ring, après une relative période d'accalmie durant les fêtes de fin d'année.
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10 h 46, le 07 janvier 2020