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Monde - Commentaire

Irak : revers américain, victoire iranienne ?

Un clerc irakien marchant sur le drapeau américain à Bagdad hier. Khalid al-Mousily/Reuters

Les Américains sont-ils en train de perdre l’Irak ? En lançant des frappes de représailles dimanche contre le groupe Kata’ib Hezbollah, tuant 25 combattants, les États-Unis ont offert à leurs détracteurs une occasion unique d’accentuer la pression politique et populaire pour demander leur départ. La prise d’assaut de l’ambassade américaine par des partisans des milices chiites pro-iraniennes mardi et mercredi a rappelé les épisodes de Téhéran en 1979 et de Benghazi en 2012. Dans ces conditions d’extrême animosité, avec la complicité des officiels irakiens, le maintien des 5 200 soldats américains en Irak apparaît plus que compromis. La question initiale était pourtant mal posée et devrait plutôt être reformulée ainsi : les Américains ont-ils jamais gagné l’Irak ?

L’invasion américaine en 2003 a provoqué un chamboulement régional dont le Moyen-Orient n’a pas encore fini de payer le prix. Elle a été à l’origine de la marginalisation des sunnites dans le pays et a créé un terreau fertile au développement de groupes jihadistes, d’abord el-Qaëda, puis plus tard l’État islamique. En se débarrassant du régime de Saddam Hussein, les Américains ont offert l’Irak à l’Iran sur un plateau, lui permettant de développer un réseau de milices à son service, avant de mettre la main sur les institutions du pays.

C’est cette évolution qui explique que le rapport de force en Irak n’est clairement pas à l’avantage des États-Unis. Ils y sont désormais pris au piège, non par les Iraniens, mais par les contradictions de leur propre politique. Ils sont contraints de répondre aux attaques des milices chiites à leur encontre. Mais en cas de réponse, ils s’exposent à une forte hostilité politique et militaire qui les met face aux contradictions de leur politique. Washington veut-il rester en Irak? Avec quel objectif, compte tenu du fait qu’il se désinvestit de plus en plus de la scène politique et que Donald Trump ne cache pas son souhait de déguerpir au plus vite du Moyen-Orient ? La présence des troupes américaines en fait une cible de choix et un bouc émissaire idéal pour l’Iran. Mais leur départ dans ces conditions, outre le fait que cela risquerait de profiter à l’État islamique, offrirait une nouvelle victoire politique à l’Iran. Les Iraniens ont profité de la séquence pour poursuivre leur politique d’escalade contrôlée, et faire payer aux États-Unis le prix des sanctions économiques qu’ils leur imposent. Ils ont rappelé qu’ils étaient les maîtres du jeu en Irak, leurs partisans passant sans difficulté les barrages de la zone verte à Bagdad, censée être ultrasécurisée.

Après l’épisode des frappes contre le géant pétrolier Aramco en septembre dernier, l’Iran met une nouvelle fois Washington dos au mur, en misant sur le fait que l’Oncle Sam n’est pas prêt à entrer en guerre, encore moins durant une année électorale. De là à dire que les Iraniens ont gagné la partie, c’est toutefois aller (très) vite en besogne. Depuis le début de sa politique d’escalade contrôlée, l’Iran n’a pas encore obtenu ce qu’il cherchait, c’est-à-dire un allégement des sanctions américaines qui lui permettrait de respirer. Les Iraniens bombent le torse à chaque escalade militaire, mais ils traversent dans le même temps l’une des périodes les plus difficiles de l’histoire de la République islamique. Non seulement les sanctions américaines font mal à l’économie iranienne qui souffre déjà de grandes lacunes structurelles, mais surtout la concomitance des manifestations en Irak, en Iran et dans une moindre mesure au Liban met en exergue les grandes failles du modèle iranien, contesté par les populations locales.

Téhéran cherche aujourd’hui à retourner l’hostilité de la population irakienne contre « l’ennemi américain ». Si les manifestants irakiens sont loin d’avoir de la sympathie pour les États-Unis – en particulier les Sadristes autrefois fer de lance de la guérilla contre l’occupation américaine –, il est fort à parier qu’ils ne vont pas pour autant oublier que ce sont les milices iraniennes qui ont tiré sur la foule, tuant plus de 400 personnes, et fait disparaître des militants depuis le début du mouvement. Le risque ne semble pas être que les manifestants irakiens se retournent contre les États-Unis, mais plutôt qu’ils soient débordés par un autre mouvement, dominé par les milices pro-iraniennes, qui utilise cet épisode pour faire du départ des Américains le seul enjeu de la contestation. Le risque est que la nouvelle escalade américano-iranienne dicte à elle seule tous les dossiers internes et fasse du pays la zone où un affrontement direct entre les deux pays est le plus sérieux. Le risque, enfin, est que l’Irak paye le prix de ce cercle vicieux entre Washington et Téhéran, basé sur le fait qu’aucun des deux pays ne souhaite la guerre, mais que leurs politiques respectives sont le meilleur moyen de la déclencher. Pour éviter une nouvelle guerre, mais aussi pour faire en sorte que les manifestations en Irak et au Liban ne soient pas prises en otage par ce bras de fer, le retour à la diplomatie apparaît désormais chaque jour un peu plus urgent.

Les Américains sont-ils en train de perdre l’Irak ? En lançant des frappes de représailles dimanche contre le groupe Kata’ib Hezbollah, tuant 25 combattants, les États-Unis ont offert à leurs détracteurs une occasion unique d’accentuer la pression politique et populaire pour demander leur départ. La prise d’assaut de l’ambassade américaine par des partisans des milices chiites...

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Quel diplomatie lorsque qu une partie de la population détient des armes ?!?!

Bery tus

05 h 38, le 03 janvier 2020

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Commentaires (1)

  • Quel diplomatie lorsque qu une partie de la population détient des armes ?!?!

    Bery tus

    05 h 38, le 03 janvier 2020

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