Au siège du Bloc national, la passation des pouvoirs entre Carlos Eddé, président sortant du parti, et Salam Yamout avait hier une double connotation : le respect des échéances institutionnelles et l’attachement au rôle de la femme dans l’action politique. À l’expiration de son mandat d’un an, M. Eddé a ainsi remis sans retard ses charges de gardien des statuts du parti à une femme qui milite avec ardeur dans les rangs de cette formation depuis sa relance en début d’année.
Dans un discours, Pierre Issa, secrétaire général du parti, a mis l’accent sur le fait d’avoir tenu à convoquer dans les délais le comité exécutif pour procéder à l’élection, soulignant que Salam Yamout (ancienne responsable du département de technologie informatique au sein de la présidence du Conseil des ministres) a été élue parmi trois candidats avec une majorité de 70 % des voix. Souhaitant que les partis traditionnels et le pouvoir politique s’inspirent de cette alternance pratiquée au sein du BN, M. Issa a jugé que le changement favorise « la bonne marche des institutions constitutionnelles ». « Celles-ci sont une garantie pour la stabilité politique et économique, mais malheureusement la classe dirigeante tergiverse encore dans les consultations parlementaires et la formation du gouvernement », a-t-il déploré.
Carlos Eddé a, dans le même esprit, déclaré qu’« il ne peut y avoir de démocratie sans un renouvellement des leaderships ». « Or il y a dans le pays des forces qui veulent maintenir le statu quo du système confessionnel, continuant à exercer leur action politique comme au XIXe siècle, du temps de la Moutassarafiya (régime autonome appliqué au Mont-Liban dans le cadre de l’Empire ottoman entre 1861-1914), plutôt que de penser à établir un État moderne qui réponde aux aspirations de la jeunesse », a-t-il noté. Dans son allocution, la nouvelle présidente du BN s’est d’ailleurs félicitée de l’esprit de réforme qui anime son parti et accompagne la mentalité des jeunes.
(Pour mémoire : Le BN refuse de donner à la classe politique « une seconde chance »)
« Au cœur de la révolution »
Se penchant par ailleurs sur la prestation défaillante du cabinet sortant qui a conduit à la crise actuelle, Mme Yamout a fustigé la politique du « rapiéçage », critiquant notamment « la hausse des impôts et l’ingénierie financière ». « Et maintenant que le gouvernement est chargé de l’expédition des affaires courantes, il se soucie toujours des adjudications et des marchés plutôt que de travailler jour et nuit pour régler la crise monétaire et se pencher sur les grosses difficultés des petites entreprises », s’indigne-t-elle. Et de présenter le plan de travail du Bloc national, articulé notamment autour de « la nécessité de mettre fin à l’effondrement monétaire et à la corruption, restituer les fonds publics et adopter une loi électorale équitable, base de l’émergence d’une classe dirigeante nouvelle ».
Dans un entretien avec L’Orient-Le Jour, Pierre Issa a affirmé dans ce sillage que ces points de réforme figurent parmi les revendications de son parti bien avant que ne survienne le mouvement de révolte du 17 octobre. « Le parti se situe actuellement au cœur de la révolution », assure-t-il, déclarant, en réponse à la question de savoir si le Bloc national pourrait figurer parmi les représentants du soulèvement populaire, que « la révolution est une dynamique de tous les citoyens ». Et de stigmatiser à ce sujet les corps représentatifs actuels (syndicats des travailleurs et autres) qui, selon lui, « manquent cruellement à leur devoir de représentation parce qu’ils sont phagocytés par les partis politiques ».
Dans ses propos sur l’injustice que subissent les citoyens du fait des mauvaises pratiques des responsables politiques, Mme Yamout a mis plus particulièrement l’accent sur « les lois inéquitables qui régissent le statut des femmes ». « Pourtant, celles-ci jouent un rôle important dans la société, œuvrant pour donner une priorité à l’intérêt social plutôt qu’à leurs intérêts privés ». À L’OLJ, elle indique qu’il est important que la femme prenne la charge de responsabilités, parce qu’elle « est de nature à arrondir les angles, faire tomber les barricades entre les gens et les rassembler dans des consensus transformateurs ».
Pour mémoire
Au Bloc national, on prépare le Liban de demain
Les forces du « renouveau » se manifestent en rangs dispersés et timidement
commentaires (5)
ON VOUS SOUHAITE LONGUE VIE MME YA(MA)MOUT.
FRIK-A-FRAK
12 h 24, le 19 décembre 2019