S’étant toujours prononcées pour un gouvernement de technocrates indépendants, les Forces libanaises (FL) ont pourtant annoncé hier matin qu’elles ne comptaient pas nommer le Premier ministre sortant, Saad Hariri, lors des consultations parlementaires prévues hier (et finalement reportées à jeudi), alors que ce dernier souligne constamment son attachement à présider une équipe ministérielle de technocrates. Pourquoi le parti de Samir Geagea a-t-il adopté cette position, indiquant dans le même temps que ses députés donneront leur confiance à un cabinet de spécialistes indépendants ? Il semble que les FL ne soient pas très convaincues de la possibilité pour M. Hariri, une fois désigné, de résister aux pressions qui risquent de s’exercer sur lui pour l’amener à composer un cabinet renfermant des figures politiques relevant de partis.
Dans un entretien sur la chaîne LBCI, le chef des FL, Samir Geagea, a été assez clair, hier soir : « Nous n’avons pas de doute sur les bonnes intentions de Saad Hariri. Toutefois, ce n’est pas lui seul qui décide de la mouture du gouvernement à venir, mais aussi le chef de l’État, lequel affirme publiquement qu’il ne veut pas d’un gouvernement d’indépendants. Il risque ainsi d’y avoir, tout au long de la formation du cabinet, des pressions pour l’amener à intégrer telle ou telle personnalité. » Et d’ajouter dans ce cadre : « Le prix à payer pour désigner M. Hariri est très cher et nous ne voulons pas le payer alors que ce qui peut se produire reste flou. »
M. Geagea s’exprimait dans le sillage du communiqué publié après une réunion du bloc parlementaire de la République forte qui avait commencé à 21h30 dimanche et s’est prolongée jusqu’à 2h, hier. « Il faut satisfaire les revendications du Liban et des Libanais d’un gouvernement de spécialistes indépendants. C’est pour cela que les FL ne nommeront personne lors des consultations parlementaires », indique le texte, précisant néanmoins que le parti « donnera sa confiance à un gouvernement composé de spécialistes indépendants ». L’annonce a été faite vers 7h, soit 4 heures avant les consultations prévues, ce qui a poussé M. Hariri à demander leur report, qui a été annoncé à 9h30.
« Pas de chèque en blanc »
Interrogé par L’Orient-Le Jour, Wehbé Katicha, qui a participé à la réunion de son bloc, affirme que son parti « ne veut donner de chèque en blanc à personne ». Pour lui, il est préférable de s’exprimer au Parlement, en accordant la confiance au gouvernement. Et au cas où des changements surviennent, et que l’indépendance de l’équipe ministérielle est compromise, les FL voteront la défiance. L’un de ses confrères, qui a requis l’anonymat, souligne dans le même sens que les FL « attendront que le gouvernement se forme et publie sa déclaration ministérielle avant de l’approuver ou non ». « Nous attendrons ainsi de voir quels seront la composition du cabinet et le profil de chacun de ses membres », martèle-t-il.
Mais pourquoi l’option de la nomination a-t-elle été écartée, sachant qu’à l’issue de sa réunion samedi avec le conseiller du chef du gouvernement sortant, Ghattas Khoury, Samir Geagea avait lié le remplacement de M. Hariri à la tête du gouvernement au remplacement de Michel Aoun et Nabih Berry à la tête de la présidence de la République et du Parlement ? En réponse à cette question posée par le journaliste de la LBCI, Albert Costanian, le chef des FL a précisé qu’« il ne s’agissait nullement d’exprimer une position quant aux consultations ». « Une journaliste m’avait demandé comment est-il possible de proposer le nom de Saad Hariri, alors que la rue le rejette ? Je lui ai répondu que son nom est proposé tout comme sont évoqués les noms de MM. Aoun et Berry (pour leur maintien). »
Quant à savoir si la décision de ne pas nommer M. Hariri aurait pour motif une volonté en ce sens d’un État étranger, en référence à l’Arabie saoudite qui ne s’était pas fait représenter à la réunion du Groupe international de soutien au Liban (GIS), le 6 décembre, le leader des FL a déclaré qu’« aucun pays étranger ne soutient que la situation au Liban ne peut être sauvée que par un gouvernement présidé par M. Hariri, ni le contraire ».
(Lire aussi : Déshérités d’hier et d’aujourd’hui, l’édito de Michel TOUMA)
Ménager les FL
M. Geagea explique ainsi qu’aucun motif international n’a déterminé la décision des FL. « Devant cette phase exceptionnelle, nous faisons des calculs exceptionnels et nous avons pris en considération deux facteurs urgents, à savoir le soulèvement populaire et la mauvaise gestion des gouvernements précédents ». Le député FL interrogé par L’OLJ évoque à cet égard un paramètre connexe. « La base des FL soutient dans sa plus grande partie les revendications du mouvement de contestation. »
Mais face à l’abstention des FL de nommer M. Hariri, la désignation de celui-ci serait-elle en conformité avec le pacte national, d’autant que l’autre grande composante chrétienne au sein du Parlement, le Courant patriotique libre (CPL), n’entend pas non plus le nommer? Wehbé Katicha affirme que la Constitution exige la conformité au pacte seulement lors du vote de confiance et non pour la désignation.
« En tout état de cause, Saad Hariri aurait dû ménager les Forces libanaises », lance-t-il, évoquant les réunions du chef du gouvernement sortant avec « les deux Khalil (en référence à Hussein Khalil, conseiller du secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, et Ali Hassan Khalil, bras droit du chef du Parlement, Nabih Berry), et l’autre partie (en allusion au chef du CPL, Gebran Bassil) ». « Nous n’avons jamais été consultés », ajoute-t-il, notant par ailleurs que les ministres FL avaient été « occultés » au sein du gouvernement sortant. « Le jour même du déclenchement du soulèvement populaire, Saad Hariri a présidé une réunion d’une commission ad hoc du gouvernement chargée de se pencher sur un plan économique, mais nos ministres n’y avaient pas été conviés. »
Dans la conjoncture qui se présente, quelle serait l’alternative si Saad Hariri sort du jeu ? Le chef des FL juge à ce propos que la désignation d’un nouveau chef du gouvernement doit être basée, dans tous les cas, sur une entente avec M. Hariri, tout en souhaitant que celui-ci puisse influer sur la nomination d'un successeur qui répondrait aux aspirations de la rue.
Un député FL estime à ce propos que si un candidat comme Nawaf Salam se présente, son parti pencherait pour sa nomination parce que M. Salam n’aura pas à négocier avec les forces politiques. Mais parce que Saad Hariri est soumis à des tiraillements, le parti se contentera le cas échéant d’accorder la confiance au gouvernement qu’il formera.
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Ces gens nagent dans le flou absolu et tirent le pays vers le fond en s'accrochant à lui prétextant le sauver. Geagea n'est pas à ses premiers atermoiements qui ont divisés les chrétiens quand il a choisi le camp des TRAITRES pour un poste ministériel. Le rôle de la vierge effarouchée ne lui va absolument pas et montre à quel point ce Monsieur est inexpérimenté face à ces renards de politique qui le mènent où ils veulent qu'il soit avec son parti. Quand on se la joue solo et qu'on s'eloigne de sa meute il faut accepter qu'on soit bouffé par le premier carnivore affamé. L'union a toujours fait la force. Il a encore une chance de s'en sortir mail il faut qu'il la trouve et qu'il remédie à ses ambitions inateignables en tant que loup solitaire. Il a joué son va-tout BLIND alors que les autres sont la pour gagner la partie en bluffant.
12 h 00, le 17 décembre 2019