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Moyen Orient et Monde - Analyse

Les trois grands enjeux de l’impasse politique en Irak

Depuis la démission du Premier ministre, le parcours du combattant commence pour nommer un nouveau chef de gouvernement, dans un contexte marqué par la révolte sociale.

Des soutiens irakiens du groupe armé Hachd al-Chaabi manifestent sur la place Tahrir de la capitale Bagdad, le 5 décembre 2019. Ahmad al-Rubaye/AFP

Le parallèle entre les situations qui prévalent au Liban et en Irak est assez parlant : les deux pays ont connu des élections en mai 2018, vivent au rythme des révoltes populaires depuis plusieurs semaines et sont confrontés aujourd’hui à une impasse politique. Comme au pays du Cèdre, la démission du Premier ministre irakien, Adel Abdel Mahdi, ouvre la voie à une période d’incertitudes, sur laquelle plane, à degrés divers, l’ombre de l’Iran et le jeu d’équilibres entre les formations politiques. En Irak, la problématique est triple. Elle est d’abord institutionnelle puisque aucun bloc ne dispose d’une majorité de sièges. « Le Parlement est profondément fragmenté et aboutir à un consensus ne sera pas facile, comme nous avons pu l’observer la fois précédente. Cela avait pris plusieurs mois à M. Abdel Mahdi pour former un gouvernement. Avec la pression de la rue, la situation sera encore plus difficile cette fois-ci », résume Hamzé Hadad, analyste politique basé à Bagdad. Et quand bien même un consensus serait trouvé, tant au niveau interne qu’entre les États-Unis et l’Iran – les deux puissances extérieures sur la scène politique irakienne –, le nouveau Premier ministre ne disposerait de toute manière d’aucune majorité solide pour prendre les mesures politiques et économiques cruciales dont le pays a besoin. La seule solution serait alors d’organiser des élections anticipées. Mais pour ce faire, le Parlement devra élaborer une nouvelle loi électorale, conformément aux demandes des manifestants. Ce à quoi l’Iran, dont l’emprise touche tous les pans de la vie politique irakienne, devrait opposer son veto.

La deuxième problématique concerne justement la réponse iranienne à la crise. Comme au pays du Cèdre, la République islamique pourrait, à la rigueur, accepter un nouveau gouvernement qui soit composé de technocrates ou de personnalités issues de la société civile, et de politiciens qui lui garantissent le maintien de sa mainmise. Mais elle ne lâchera sur rien d’autre. En témoignent ainsi les différentes visites opérées à Bagdad depuis le début de la crise par Kassem Soleimani, chef de la brigade al-Qods des gardiens de la révolution, et responsable du dossier irakien au sein de l’appareil sécuritaire iranien, afin d’y rencontrer les chefs politiques et militaires alliés à Téhéran. Deux de ses visites au cours du mois d’octobre ont été suivies d’une répression accrue dans laquelle des centaines de manifestants ont été tués. Ce n’est pas une coïncidence si la dernière vague de violences de grande ampleur s’est déroulée après l’incendie d’une partie du consulat iranien dans l’une des villes saintes du chiisme, Najaf.


(Lire aussi : Quand l’Iran se fait aider par le Hezbollah dans les tractations à Bagdad)


Pour Téhéran, l’Irak représente un enjeu autrement plus important que le Liban. Pour lui, c’est une extension de son territoire, presque une « colonie ». L’étendue de cette influence a été confirmée au grand jour par les révélations du New York Times issues des télégrammes iraniens. Pour le régime iranien, la contestation irakienne, comme la libanaise, n’est que le produit d’une conspiration menée par les États-Unis et l’Arabie saoudite dans le but de mettre le pays à feu et à sang. Ce discours est d’autant plus marquant qu’il tranche avec le désengagement des États-Unis dans la région et leur retrait relatif depuis le début de la crise irakienne.

La troisième problématique entoure l’attitude que pourrait adopter Moqtada Sadr, leader populiste irakien, porteur d’une ligne nationaliste chiite, dont le substrat politique fait écho aux revendications des manifestations. Sa formation « Saïroun » était arrivée en tête aux élections législatives de mai 2018, sans toutefois obtenir la majorité des sièges. L’homme s’est prêté depuis le début du soulèvement à un jeu d’équilibriste, prenant, avec des pincettes, la défense des manifestants. Parmi ces derniers, certains lui reprochent aujourd’hui son manque de clarté et sa volonté de jouer sur tous les tableaux. Moqtada Sadr avait effectué une visite surprise à Téhéran lors de la commémoration de la Achoura au début du mois de septembre. Sa virée avait été interprétée comme une manifestation claire de l’influence iranienne sur son positionnement politique. Quelques jours auparavant, il avait toutefois ouvertement critiqué le rôle des groupes paramilitaires iraniens en Irak. Si la contestation actuelle se targue d’être sans leaders et sans étiquette, nombreux sont pourtant ceux qui se réclament ou se réclamaient du « sadrisme ». Le leader aurait toutes les raisons de les rejoindre. Après tout, la ligne nationaliste et anti-establishment que défend la rue est celle qui l’a mené au pouvoir. Mais le peut-il vraiment et l’Iran le laissera-t-il faire? Si ce scénario se confirme, il pourrait marquer un tournant dans la révolte.



(Lire aussi :  La place Tahrir à Bagdad investie par des pro-Iran, une démonstration de force qui inquiète)



Risque de conflit ?

Jusque-là très violente, la répression en Irak oppose de manière asymétrique les forces de sécurité irakiennes et les milices pro-iraniennes à une rue désarmée. Mais à mesure que la crise perdure, les dissensions entre les principales forces au pouvoir, et notamment entre pro-iraniens et nationalistes, pourraient s’aggraver, faisant craindre un basculement dans un conflit civil. « Le conflit potentiel lié à la formation d’un gouvernement bloqué ne viendra pas des manifestants, mais des partis politiques, eux-mêmes armés, qui n’arrivent ni à répondre aux demandes de la rue ni ne parviennent à un consensus politique sur un nouveau gouvernement », avance M. Hadad.

Signe précurseur, des milliers de partisans du Hachd al-Chaabi – une coalition de paramilitaires dominée par les milices pro-iraniennes et désormais intégrée à l’État irakien – ont défilé hier sur la place Tahrir, à Bagdad, brandissant des bâtons, des drapeaux irakiens, des drapeaux de leur mouvement et des portraits de combattants tués face aux jihadistes de l’EI. La démonstration de force n’est pas sans évoquer les différentes intimidations opérées par des partisans des mouvements chiites Amal et Hezbollah contre les contestataires au Liban.


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Le parallèle entre les situations qui prévalent au Liban et en Irak est assez parlant : les deux pays ont connu des élections en mai 2018, vivent au rythme des révoltes populaires depuis plusieurs semaines et sont confrontés aujourd’hui à une impasse politique. Comme au pays du Cèdre, la démission du Premier ministre irakien, Adel Abdel Mahdi, ouvre la voie à une période...

commentaires (2)

aucun des deux n'est chez lui en IRAK. faudrait relire deux fois ce qu'on ecrit,

Thawra-LB

19 h 05, le 06 décembre 2019

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Commentaires (2)

  • aucun des deux n'est chez lui en IRAK. faudrait relire deux fois ce qu'on ecrit,

    Thawra-LB

    19 h 05, le 06 décembre 2019

  • Qui de l'Amérique ou de l'Iran est le plus chez lui en Irak ??????? C'est aux yanky de GO HOME FIRST. ET ILS VONT ALLER AU DIABLE BIENTÔT.

    FRIK-A-FRAK

    13 h 59, le 06 décembre 2019

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