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Liban - Rassemblement

À Tripoli, les personnes à besoins spécifiques mettent en garde contre un « séisme social »

Plus d’une centaine d’élèves, de parents, d’enseignants et de responsables d’associations ont organisé un sit-in devant le siège de l’ordre des avocats.

Sur le parvis du siège patriarcal de Bkerké, environ 2 000 enfants à besoins spécifiques de tous âges, accompagnés de leurs proches, se sont rassemblés hier à l’appel de l’Union nationale pour le handicap qui a appelé l’État à débloquer les fonds dus aux associations. Photo René Moawad

En cette matinée du 48e jour du soulèvement populaire, la place Abdel Hamid Karamé (el-Nour) à Tripoli est déserte. Les échos des slogans scandés par un orateur et répétés par quelques personnes parviennent aux marchands ambulants et aux rares passants qui traversent sur la place. Mais non loin de là, en revanche, il y a foule. Un sit-in de personnes handicapées, accompagnées de leurs familles et de leurs enseignants, est organisé devant le siège de l’ordre des avocats de Tripoli, situé à proximité du Sérail. Ce sit-in est l’un des rares rassemblements dans la ville à être organisé en dehors de la place al-Nour, depuis le début du soulèvement populaire, le 17 octobre.

À l’occasion de la Journée mondiale des personnes handicapées, plus d’une centaine d’élèves, de parents, d’enseignants et de responsables d’associations sont venus pour mettre en garde contre un « séisme social ». Les protestataires brandissent des pancartes sur lesquelles on peut lire : « Ne me privez pas de mes droits », « Pourquoi me faites-vous payer le prix du gaspillage de l’argent public? », « Je suis comme tous les autres », ou encore « Les exigences du budget priment sur le sens de l’humanisme, car l’homme au Liban n’est pas une priorité ».

Parents et enseignants crient leur colère
Sur une large banderole qui surplombe les têtes, le message est clair : « Contraints de fermer nos portes ». Selon Maria Douaihy, mère d’un enfant à besoins spécifiques, ce scénario serait le pire de tous. « Si les enfants sont contraints de rester chez eux, ils seront les premiers à souffrir de cette situation parce qu’ils arrêteront d’apprendre et de développer leurs compétences, d’une part, et d’entretenir des rapports sociaux avec les autres, d’autre part », explique-t-elle. Et la jeune femme de poursuivre : « Quant aux parents, le fardeau deviendra plus lourd à porter. Ils ne pourront peut-être plus se rendre à leur travail parce qu’ils ne peuvent pas laisser leurs enfants, qui ne sont pas complètement autonomes, seuls à la maison. »

Mohammad Ali, enseignant à l’institution Fista pour les personnes à besoins spécifiques, estime que la fermeture de ces institutions signifie « la détérioration de l’état des personnes à besoins spécifiques qui arrivent à franchir de grands pas grâce à l’éducation et l’accompagnement qu’elles reçoivent ». « D’ailleurs, à la rentrée scolaire après deux mois de vacances d’été, les enseignants doivent déployer un effort double pour remettre les étudiants sur la bonne voie », souligne-t-il avant de poursuivre : « Imaginez donc la situation si ces étudiants sont contraints de passer de longs mois chez eux à la maison. »



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Les droits élémentaires
Pour Sabine Saad, directrice du North Autism Center (NAC), la situation est alarmante. « L’année dernière, une institution pour les personnes à besoins spécifiques a fermé ses portes et ses 90 élèves ont dû s’inscrire dans d’autres centres », déplore-t-elle. « Mais si toutes les institutions du pays sont contraintes de cesser leurs activités, les 12 000 élèves inscrits seront livrés à leur sort », ajoute Mme Saad. Pour elle, le terme « séisme social » est celui qui décrit le mieux la situation.

Pour ce qui est de la décision d’organiser le sit-in devant le siège de l’ordre des avocats, Sabine Saad explique qu’il fallait opter pour un lieu qui symbolise la loi et le respect des textes : « C’est la loi qui a accordé à ces personnes le droit à l’éducation et c’est cette même loi qui doit garantir leurs droits les plus élémentaires », dit-elle.

Lors du rassemblement, le bâtonnier du Liban-Nord Mohammad al-Mourad a exprimé sa fierté de voir les personnes à besoins spécifiques observer leur sit-in devant le siège de l’ordre. « Nous soutenons totalement la cause de ces personnes et de ces associations et nous considérons qu’un État qui néglige leurs droits ne respecte pas les droits de l’homme », déclare-t-il appelant le gouvernement à établir une distinction entre les ONG qui tirent aujourd’hui la sonnette d’alarme et celles qui œuvrent pour des profits et des agendas personnels. Selon la directrice du NAC, ce sit-in est le premier d’une série d’événements que les concernés organiseront, au cas où le recours à l’escalade s’avérerait inévitable. Et Mme Saad de poursuivre : « Nous vivons tous les jours avec ces personnes. Nous étions très touchés de les voir lutter pour leurs droits dans la rue, dit-elle. Nous défendrons cette cause jusqu’au bout ! »

Le secrétaire général de l’ordre des avocats et président de l’association La Providence divine (al-Inaya al-Ilahiya) à Zghorta s’est dit « triste de voir ces personnes et ces associations contraintes de réclamer des droits aussi élémentaires que l’accès à l’éducation, à l’heure où le Liban devrait bénéficier d’un système d’insertion social complet pour les personnes à besoins spécifiques, comme c’est le cas dans les pays développés ».


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