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Liban - Psychanalyse, ni ange ni démon

Révolution, vérité et humour

« Dans des temps de tromperie généralisée, le seul fait de dire la vérité est un acte révolutionnaire. »

« Chaque blague est une petite révolution. »

George Orwell


Contractées ensemble, ces deux citations de George Orwell indiquent la relation intime entre la vérité et l’humour. Et ce qui leur est commun, c’est un acte révolutionnaire. Autant la vérité que l’humour sont donc révolutionnaires.

La vérité est refoulée, oubliée activement, nous apprend la psychanalyse. L’être humain lutte contre le retour de la vérité, jusqu’à en tomber malade. Les rêves ramènent une part de la vérité refoulée, mais la censure du rêve la camoufle et la rend énigmatique. Les lapsus révèlent une part de la vérité. Notre dicton arabe est très éloquent à ce sujet : « Kelmit el-haq saba’it », ou le mot de la vérité devance (l’autre). À la différence des définitions du lapsus en d’autres langues, notre dicton nomme le mot de la vérité (el-haq) et lui donne une place prépondérante. Le fait que le mot de la vérité devance l’autre indique que la vérité a une force qui la fait toujours revenir quels que soient les efforts que l’on fait pour la maintenir à l’écart. Toutes ces considérations de type psychanalytique décrivent ce qui se passe sur un plan subjectif, individuel.


L’acte de dire la vérité met fin à la Père-version

Mais cela se passe également sur un plan collectif. Ce qui rend possible ce passage de l’intime au public c’est justement l’humour.

L’humour est un moyen de permettre « le retour du refoulé », c’est-à-dire le retour de la vérité. Avec cette particularité que ce retour est collectif. En effet, l’auditoire qui écoute le trait d’esprit participe à la même levée du refoulement que chez l’auteur du mot d’esprit : le rire collectif en témoigne. Cette participation collective à la chute de la censure (retour du refoulé) amplifie l’effet du retour de la vérité et une propagation s’en suit.

On a vu cette propagation dès le début de la révolution et les blagues qui ont circulé sur WhatsApp et autres médias sociaux ont rivalisé en qualité et quantité. Et, en même temps, ces blagues ont propagé l’esprit révolutionnaire en abaissant la censure, le surmoi. C’est dans cet esprit-là qu’on peut comprendre la phrase d’Orwell : « Chaque blague est une petite révolution. »

Quant à la vérité, « le seul fait de la dire dans des temps de tromperie généralisée est un acte révolutionnaire ». Un acte révolutionnaire, car il met fin à la « Père-version », à la perversion des dirigeants. Leur devise « Je sais bien mais quand même » donne l’impression qu’ils reconnaissent la loi, « je sais bien » mais ils la dénient en même temps « mais quand même ». Mais quand même je fais la loi à ma façon. Père-version.

C’est bien pour cela que la révolution a tardé à se manifester. La Père-version permet au père de mentir tout en ayant l’air de dire la vérité, et « d’hypnotiser » ainsi ceux et celles qui dépendent de lui. Le slogan « Tous, ça veut dire tous » indique bien que les révolutionnaires ne croient plus à la version du Père, à la version d’aucun Père, aux pères de la classe politique particulièrement.


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