Rechercher
Rechercher

Liban - Gouvernement

Vers un cabinet techno-politique ?

L’émissaire français entame sa tournée à Beyrouth et rencontre Joumblatt et Gemayel.

L’émissaire français s’entretenant avec Walid Joumblatt, en présence de Bruno Foucher, Marwan Hamadé et Teymour Joumblatt. Photo fournie par le PSP

C’est à l’heure où la France a commencé à exercer un forcing pour la formation d’un nouveau gouvernement dans les plus brefs délais que le président de la République Michel Aoun s’est montré favorable à un gouvernement techno-politique, mêlant spécialistes et figures politiques. Une formule sur laquelle le Premier ministre sortant Saad Hariri, donné favori pour former la nouvelle équipe, n’a pas encore dit son dernier mot. Même si elle semble désormais admise… à condition d’y inclure des personnalités « acceptables ».

Contrairement aux attentes, Michel Aoun a sciemment maintenu le flou autour de la date des consultations parlementaires contraignantes en vue de désigner un nouveau Premier ministre. Le chef de l’État s’est en revanche prononcé en faveur d’un cabinet dit techno-politique, mêlant spécialistes et figures politiques.

Une quinzaine de jours après la démission surprise de Saad Hariri sous la pression du mouvement contestataire, M. Aoun est donc sorti de son silence, lors d’une interview télévisée hier. L’occasion pour lui de dresser les conditions de la mise sur pied d’un cabinet techno-politique. « Un gouvernement de spécialistes ne saurait définir les politiques du pays. Il faut qu’il y ait une mouture mêlant les deux formules. Elle ne devrait pas comprendre des parlementaires », a-t-il expliqué, avant d’ajouter : « La nouvelle équipe ne sera pas formée conformément aux conditions qui avaient mené à la formation du cabinet sortant. »


(Lire aussi : Chorale de crise, l'édito de Issa GORAIEB)



Évoquant les consultations parlementaires contraignantes, M. Aoun a déclaré qu’elles pourraient se tenir jeudi ou vendredi. « Nous attendons encore des réponses de la part de quelques protagonistes, dans la mesure où nous œuvrons pour un cabinet homogène. Si nous n’obtenons pas ces réponses, nous pourrons attendre quelques jours encore », a-t-il lancé.

Entre-temps se poursuit le bras de fer, principalement articulé autour de la forme de la future équipe. Il est vrai que Saad Hariri a longtemps plaidé pour un cabinet de spécialistes qui réussirait à calmer la colère des manifestants et mettre un terme à leur mouvement. Mais il semble désormais favorable à un gouvernement techno-politique à condition d’y inclure des figures jugées « acceptables », comme le confie à L’Orient-Le Jour une source informée.

On apprend aussi que M. Hariri tient à une formule restreinte de 18 ministres indépendants. Dans les mêmes milieux, on assure que le Premier ministre insiste pour que l’équipe qu’il aspire à former respecte la politique de distanciation et la déclaration de Baabda du 11 juin 2012.

En face, le Hezbollah reste hanté par le souci de la mise sur pied d’un cabinet qui l’écarterait du pouvoir, ou du moins lui porterait préjudice.

Dans certains milieux proches du 8 Mars, on souligne que le tandem Amal-Hezbollah presse pour que soit formé un cabinet techno-politique formé de personnalités politiques mais non partisanes. Une façon pour les partis de Hassan Nasrallah et Nabih Berry de garantir ce qu’ils appellent « la participation politique à la prise de décision en Conseil des ministres ». Comment garantir qu’une équipe de spécialistes ne portera pas atteinte au Hezbollah et à son arsenal ? s’interroge-t-on encore dans ces milieux. On insiste aussi sur le fait que ces garanties devraient être fournies à « certains protagonistes » dans un contexte difficile, et à l’ombre de développements et changements régionaux qui pourraient avoir des incidences sur le Liban.


(Lire aussi : Plusieurs groupes de la société civile déclinent l’invitation à rencontrer l’émissaire français)



La France s’invite dans la partie

Ces garanties, Saad Hariri pourrait les assurer en collaboration avec l’émissaire du président français Emmanuel Macron, Christophe Farnaud, directeur du département Afrique du Nord et Moyen-Orient au Quai d’Orsay, qui a entamé hier une visite à Beyrouth. L’occasion pour lui d’exhorter tous les protagonistes à former un gouvernement dans les plus brefs délais, et préserver la liberté et les droits des manifestants loin de toute sorte de violence.

Une source informée confie dans ce cadre à L’OLJ que c’est à la faveur de contacts avec les États-Unis, la Russie, l’Arabie saoudite et l’Iran que l’émissaire français a effectué son déplacement à Beyrouth. Il y a rencontré le chef des Kataëb Samy Gemayel et le leader du Parti socialiste progressiste Walid Joumblatt, en présence de l’ambassadeur de France Bruno Foucher, ainsi que de Marwan Hamadé et Teymour Joumblatt, députés joumblattistes du Chouf.

En attendant l’issue des contacts de l’émissaire français, une chose semble sûre à la Maison du Centre : la principale mission du prochain gouvernement sera celle de redresser l’économie moribonde et de mettre en application le processus CEDRE. Il s’agit donc d’un cabinet exceptionnel qui verra le jour dans des circonstances exceptionnelles, rappelle-t-on dans les milieux haririens. À la faveur de cette logique, ces milieux estiment que ce gouvernement devrait être formé loin des traditionnels obstacles relevant de la seule logique de partage du gâteau. Il ne devrait donc pas comprendre de « ministre roi » (capable de jouer le rôle d’arbitre en Conseil des ministres comme ce fut le cas de Adnane Sayyed Hussein (chiite) sous le mandat de Michel Sleiman en 2011), encore moins de tiers de blocage.

En dépit du bras de fer opposant principalement le Hezbollah à Saad Hariri, le chef du législatif Nabih Berry poursuit son forcing dans le sens d’un retour de M. Hariri au Grand Sérail. Après avoir déclaré qu’il insiste pour que le Premier ministre sortant soit reconduit à son poste, le président de la Chambre, cité par notre confrère an-Nahar, ne mâche plus ses mots à ce sujet : « Si Saad Hariri n’accepte pas de former le gouvernement, je serai son ennemi à jamais », a-t-il dit, ajoutant : « Nous avons fait l’impossible pour lui. »


(Lire aussi : Aoun : Le prochain gouvernement devrait être techno-politique)



Saad Hariri n’a pas tardé à réagir à ces propos. Devant ses visiteurs, il a qualifié Nabih Berry de « grand frère » estimant qu’il « ne supportera pas d’être son ennemi ».

Expliquant à L’OLJ les propos du chef du législatif, Yassine Jaber, député de Nabatiyé relevant de la mouvance berryste, souligne qu’« il n’y a pas de substitut à Saad Hariri ». Mais, selon lui, ce dernier devrait comprendre qu’« en fin de compte, c’est un cabinet techno-politique qui sera formé ».

Quoi qu’il en soit, les contacts se poursuivent en vue d’accélérer le processus. Saad Hariri a ainsi rencontré le chef du Courant patriotique libre Gebran Bassil, lundi à la Maison du Centre. Selon notre correspondante Hoda Chedid, les efforts de M. Bassil, du courant du Futur et du tandem chiite ont abouti à une solution qui prendrait en compte aussi bien les revendications de la rue que la légitimité de la Chambre, issue des législatives de 2018.


Lire aussi

Le chaînon manquantl'édito de Michel Touma

À Dahyeh, la révolution est dans tous les esprits, mais...

Techno ou techno-politique ? Le bras de fer se poursuit

C’est à l’heure où la France a commencé à exercer un forcing pour la formation d’un nouveau gouvernement dans les plus brefs délais que le président de la République Michel Aoun s’est montré favorable à un gouvernement techno-politique, mêlant spécialistes et figures politiques. Une formule sur laquelle le Premier ministre sortant Saad Hariri, donné favori pour former la...

commentaires (6)

Si Saad Hariri accepte de former un gouvernement sous les ordres de M.Aoun, il commettra une très grande erreur politique Il serait sage qu'il se tienne à l'écart des magouilles AOUN, BERRY et HN

FAKHOURI

22 h 13, le 13 novembre 2019

Tous les commentaires

Commentaires (6)

  • Si Saad Hariri accepte de former un gouvernement sous les ordres de M.Aoun, il commettra une très grande erreur politique Il serait sage qu'il se tienne à l'écart des magouilles AOUN, BERRY et HN

    FAKHOURI

    22 h 13, le 13 novembre 2019

  • OUI UN GOUVERNEMENT OU LE CPL, LE PLUS GRAND PARTI DU LIBAN EST REPRESENTE AVEC EVIDEMENT UN BLOCAGES AU CAS OU CA NE PLAIT PAS A BASSIL LES AUTRES TECHNOCRATES TOUS NOMMES PAR LES PARTIS SINON GARE A VOUS AU MAXIMUM ILS TROUVERONT TOUJOURS UN MOYEN DE SOUDOYER QUELQUES UNS POUR APPROUVER LEURS COMBINES , L'ETRE HUMAIN ETANT CE QU'IL EST LE LIBAN COURT A SA PERTE MAIS LEUR ARGENT EST EN SURETE C'EST CE QUI A TOUJOURS COMPTE LE PLUS CHEZ EUX

    LA VERITE

    18 h 44, le 13 novembre 2019

  • il est a craindre que la France ne soit encore une partie a vouloir une partie du gateau elle aussi !

    Gaby SIOUFI

    16 h 33, le 13 novembre 2019

  • CE SERAIT REITERER LE DERNIER GOUVERNEMENT CONTRAIREMENT AUX REVENDICATIONS POPULAIRES.

    LA LIBRE EXPRESSION

    13 h 20, le 13 novembre 2019

  • L'émissaire rencontre joumblatt et gemayel donc, comme si ces 2 chefs politiques sont au-dessus de tout soupçon de corruption et de détournements de fonds publics. Ça donne déjà une idée de ce qui sera accepté pour la formation du nouveau gouvernement techno-po. On a toujours besoin d'un petit POIDS chez soi.

    FRIK-A-FRAK

    10 h 27, le 13 novembre 2019

  • Nous sommes au bout du gouffre . Espérons une issue favorable pour sauver le pays avec la ferme Foi d 'y rester sans émigrer .

    Antoine Sabbagha

    08 h 28, le 13 novembre 2019

Retour en haut