Le président libanais Michel Aoun a assuré mardi matin aux représentants du Groupe international de soutien au Liban qu'un nouveau gouvernement sera "très bientôt" formé, alors que les tractations politiques traînent depuis la démission, le 29 octobre, du Premier ministre, Saad Hariri, sous la pression du mouvement inédit de contestation contre la classe dirigeante, qui est entré dans son 27ème jour consécutif.
"Le Liban aura très bientôt un gouvernement qui conduira les réformes décidées face à la crise actuelle", a déclaré le chef de l'Etat aux ambassadeurs des pays et des instances de ce Groupe, composé de la France, l’Allemagne, l’Italie, la Russie, le Royaume-Uni, les États-Unis, la Chine, l’Union européenne, les Nations unies et la Ligue arabe, reçus au palais de Baabda, en présence notamment du ministre sortant des Affaires étrangères, le chef du Courant patriotique libre et gendre du président Aoun, Gebran Bassil. M. Aoun a également ajouté que "des consultations parlementaires pour la désignation du Premier ministre auront lieu". Le chef de l'Etat, qui n'a toujours pas fixé de date pour les consultations parlementaires contraignantes, doit s'exprimer ce soir à partir de 20h30 lors d'une interview télévisée. De leur côté, les représentants du Groupe de soutien ont réitéré leur appui au Liban, insistant sur l'importance de former un nouveau cabinet "afin de pouvoir aider le Liban".
Le coordonnateur spécial du secrétaire général de l’ONU pour le Liban, Jan Kubis, a pour sa part appelé les autorités à "désigner de toute urgence un Premier ministre et accélérer la formation d'un nouveau gouvernement composé de personnalités reconnues pour leur compétence et leur intégrité et ayant la confiance du peuple". "Un tel cabinet répondant aux aspirations du peuple et ayant le soutien du plus large éventail possible de forces politiques sera en meilleure position pour solliciter le soutien des partenaires du Liban", a ajouté M. Kubis dans un communiqué. "La situation économique et financière du Liban est critique, et le gouvernement ne peut plus attendre pour commencer à s'y attaquer", a prévenu le responsable onusien. "Des mesures doivent être prises pour redonner la confiance au peuple et lui garantir la sécurité de ses avoirs", a-t-il ajouté, soulignant que "l'absence de mesures exécutives et législatives aggrave la crise et contribue à l'instabilité sociale".
Le président Aoun a également reçu les ambassadeurs des pays arabes au Liban, et a "demandé leur aide afin de relancer l'économie libanaise". Selon notre correspondante au palais de Baabda, Hoda Chedid, l'ambassadeur du Koweït au Liban, Abdel Aal Kinaï, a fait savoir au président Aoun, au nom des ambassadeurs arabes, que ces derniers allaient faire parvenir à leurs dirigeants les propos du chef de l'Etat libanais, notamment son appel aux pays arabes pour aider le Liban sur le plan économique.
L'émissaire de Macron au Liban
Par ailleurs, une source diplomatique française a indiqué à L'Orient-Le Jour que l’émissaire du président français Emmanuel Macron, Christophe Farnaud, qui a atterri cet après-midi à Beyrouth pour une visite de trois jours, rencontrera, outre les dirigeants du pays, des représentants de la société civile. M. Farnaud, directeur du département Afrique du Nord et Moyen-Orient au Quai d’Orsay, entamera ses contacts dès son arrivée, a-t-on précisé de même source. Il doit notamment s’entretenir avec le président Aoun, le Premier ministre démissionnaire et le président du Parlement Nabih Berry. L’émissaire français s’entretiendra également avec "les chefs des principaux partis politiques", à l’exception du Hezbollah dont il rencontrera un représentant, selon la même source. Il se réunira aussi avec le commandant en chef de l’armée, le général Joseph Aoun, le gouverneur de la Banque du Liban Riad Salamé, ainsi qu'avec des représentants des secteurs économiques.
Concernant ses rencontres avec les représentants de la société civile, la source diplomatique n’a pas donné de précisions. La seule organisation de la société civile à avoir été invitée par les autorités françaises à la conférence de Paris en avril 2018 était le groupe Kulluna Irada, qui milite pour une réforme politique.
Le quotidien al-Akhbar a publié mardi un article intitulé "La France choisit les représentants de la contestation populaire et ses candidats au gouvernement". Il affirme dans cet article que plusieurs ONG et collectifs civils ont été invités par Paris à se réunir avec l'émissaire du président Macron.
Réagissant à ces informations, l'ONG L'Agenda légal a confirmé avoir été conviée à une réunion avec M. Farnaud, mais a affirmé avoir décliné l'invitation. "Nous avons en effet reçu une invitation de la part de l'ambassade de France mais nous avons décliné cette invitation", souligne l'ONG sur Twitter. "Notre combat, depuis la fondation de L'Agenda légal, est la défense des causes de la société sans aucune prétention à représenter la contestation ou d'accéder à des postes au pouvoir. Nous refusons toute forme d'hégémonie, qu'elle soit interne ou externe", a ajouté Nizar Saghieh, qui dirige l'ONG.
De même pour Beirut Madinati qui a confirmé avoir reçu une invitation de la part de l'ambassade de France et avoir décliné cette invitation, expliquant croire "en la souveraineté absolue de l'Etat libanais" et "n'avoir pas besoin d'aide ou d'ingérence étrangère".
Lundi, l'ambassadeur de France au Liban, Bruno Foucher, a affirmé que "la France espère vivement qu’un nouveau gouvernement verra le jour dans les meilleurs délais afin de prendre des mesures fortes", ajoutant que "le Liban écrit aujourd’hui une nouvelle page de son histoire".
(Lire aussi : Le chaînon manquant, l'édito de Michel Touma)
Berry met la pression sur Hariri
Alors que la contestation maintient la pression pour obtenir un nouveau cabinet composé de technocrates, indépendants des partis politiques, les formations politiques composant la majorité sortante tentent de convaincre Saad Hariri de présider un gouvernement "techno-politique", alors que ce dernier semble ne vouloir diriger qu'un cabinet indépendant des forces politiques.
Dans un article publié aujourd'hui, le quotidien libanais an-Nahar a rapporté des propos du président du Parlement, Nabih Berry, selon lesquels le leader du mouvement Amal a déclaré qu'il sera "un adversaire pour toujours de Saad Hariri s'il refuse de former le prochain gouvernement". M. Hariri a réagi à ces propos. Selon un visiteur du Premier ministre sortant, cité par le site Mustaqbal Web, relevant du courant du Futur qu'il dirige, ce dernier aurait déclaré : "Le président Berry est un grand frère, et a un grand cœur qui ne supporterait pas d'être en mauvais termes avec moi pour toujours. Mon amitié, mon estime et mon respect pour le président Berry sont, pour moi, plus importants que tout. Rien au monde ne nous mettra en situation de conflit".
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commentaires (17)
Si vous rentrer dans les dédales de représentation vous aller perdre illico presto garder votre force en vous exprimant tous ensemble par plebiscite ou acclamation comme faisait les démocraties à leurs tour début sur les places publique
Bery tus
22 h 22, le 12 novembre 2019