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Liban - Parlement-Constitution

Le débat tant redouté sur l’article 95 repoussé à la fin novembre

L’interprétation du texte sensible risque d’exacerber le climat confessionnel.

Le président du Parlement, Nabih Berry. Mohamed Azakir/Photo d’archives Reuters

Ce n’est, en principe, que partie remise. Le débat, tant redouté, autour de l’interprétation de l’article 95 de la Constitution sur le respect de la parité confessionnelle a fini par être reporté au 27 novembre prochain, alors qu’il était prévu le 17 octobre. C’est ce qu’on annonçait hier matin depuis Aïn el-Tiné, siège de la présidence de la Chambre, en faisant valoir une série de justifications.

Si la mise en scène orchestrée en coulisses pour aboutir à ce report a été au final consentie, dans la forme du moins, par le chef de l’État, Michel Aoun, à l’origine de la requête d’ouverture de ce débat, il n’en reste pas moins que dans le fond, le problème reste entier.

Même s’il devait avoir effectivement lieu le 27 novembre prochain, c’est le chef de l’Assemblée, Nabih Berry, qui restera le maître du jeu, et décidera de poursuivre ou de mettre un terme aux échanges en cas de dérapage.

Des analystes s’attendent d’ailleurs à ce que ce report soit renouvelé plus d’une fois, le moment n’étant pas propice pour aborder un sujet aussi sensible. Une fois placé sur la table de dissection, la question de la parité confessionnelle risque d’ouvrir la boîte de Pandore et d’aiguiser l’appétit des différents protagonistes qui réclameraient alors d’autres débats en vue de l’interprétation d’autres articles de la Constitution considérés comme nébuleux.

Depuis août dernier, un litige oppose le président Aoun et ses proches aux milieux de M. Berry sur la question de l’intégration des lauréats au concours de la fonction publique pour les deuxième et troisième catégories, majoritairement musulmans. Baabda a considéré qu’il y avait là une atteinte au principe de la parité confessionnelle et a donc demandé, comme la Constitution l’y autorise, une séance parlementaire consacrée à l’interprétation de l’article 95 du texte fondamental, qui porte sur cette question. D’autres milieux estiment, au contraire, que la parité n’est exigée que pour la première catégorie de fonctionnaires. Jeudi, MM. Aoun et Berry étaient convenus, lors de leur entrevue à Baabda, de la tenue de la réunion parlementaire, sous réserve que les échanges ne dérivent pas, faute de quoi le président de la Chambre aurait la latitude de lever la séance.


(Lire aussi : Aoun et Berry s’apprêtent à passer à l’acte)



Le budget d’abord

Après plusieurs tentatives avortées destinées à dissuader le chef de l’État de renoncer à ce débat, l’option du report de plusieurs semaines a finalement été mise en scène pour contourner le problème. Le vice-président de la Chambre, Élie Ferzli, a justifié le report du débat par le fait qu’un échange à la Chambre sur une question aussi sensible « risque de dégénérer en ouvrant la voie à une multitude de sujets conflictuels provoquant des divisions profondes au sein du Parlement ».

« Ce n’est pas le moment de surcharger encore plus la situation en y ajoutant un débat aussi conflictuel », dit-il, en allusion à la crise économique et financière aiguë que traverse le pays et qui devrait être, selon lui, la priorité.

M. Ferzli, qui effectue depuis quelque temps une médiation entre Aïn el-Tiné et Baabda pour tenter de trouver une issue à cette question épineuse, affirme à L’OLJ être « à l’origine de l’idée du report ». Une manière détournée, selon lui, de ne pas faire assumer directement au chef du Parlement le poids et la responsabilité politique de cette initiative. « M. Berry est tenu, en vertu de la Constitution, de faire lecture, tôt ou tard, de la lettre du président », rappelle M. Ferzli.


(Pour mémoire : Au Parlement, les débats dérapent et prennent un tour confessionnel)


À Baabda, la pilule semble avoir été avalée, d’autant que l’argument de la priorité à accorder au budget et à la crise économique est de taille. Aux yeux de l’opinion publique, tout autre débat, dont un échange qui prendra immanquablement une tournure confessionnelle alors que le pays ploie sous les dettes et s’enlise, serait impopulaire.

C’est d’ailleurs la priorité à accorder au budget que les sources proches du palais présidentiel mettent en avant pour justifier le consentement du chef de l’État à voir reporter un dossier qui lui tient à cœur. L’ajournement du débat avait notamment été évoqué lors de l’entretien de M. Berry jeudi avec le chef de l’État, où la question du budget de 2020 et des réformes à y inclure était au menu des échanges.

Le président aurait été ainsi convaincu de la nécessité de reporter ce débat, « d’autant qu’il risque de s’étendre sur plusieurs séances, et de susciter une valse d’avis de la part des différents blocs parlementaires. M. Berry souhaite que l’on en finisse d’abord avec l’examen du budget », confie une source au palais présidentiel qui reconnaît au passage la « sensibilité » d’un tel sujet. Des sources citées par notre correspondante à Baabda, Hoda Chédid, précisent cependant que le principe du report a été avalisé par le président mais non la date à laquelle le débat devrait avoir lieu.

L’exercice de l’interprétation de l’article 95 de la Constitution risque en effet de s’étendre, les interprétations d’une clause de la loi fondamentale à l’Assemblée devant « préluder systématiquement à des amendements », comme le signale M. Ferzli.

C’est ce que confirme le juriste Antoine Sfeir, qui précise que toute explication d’un article constitutionnel doit nécessairement se conclure par un vote, à la majorité simple à main levée. « Cela signifie également que la nouvelle interprétation avalisée à l’issue du vote sera considérée de fait comme un amendement applicable, même si ce dernier n’a pas été codifié », explique le juriste.

M. Sfeir se dit convaincu que le report sera renouvelé plus d’une fois, toute discussion de ce calibre devant inéluctablement remettre en cause l’ensemble du système politique « dysfonctionnel à plus d’un point de vue ». « Si l’on ouvre grande la porte aux interprétations, des voix vont s’élever pour réclamer des amendements d’articles sujets à débat, comme la question du quorum nécessaire à l’élection du président, ou encore les concertations parlementaires obligatoires en amont de la désignation du Premier ministre, etc. On n’en finira plus », dit-il.


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Ce n’est, en principe, que partie remise. Le débat, tant redouté, autour de l’interprétation de l’article 95 de la Constitution sur le respect de la parité confessionnelle a fini par être reporté au 27 novembre prochain, alors qu’il était prévu le 17 octobre. C’est ce qu’on annonçait hier matin depuis Aïn el-Tiné, siège de la présidence de la Chambre, en faisant valoir...

commentaires (2)

GOUPIL DECIDE MALHEUREUSEMENT POUR TOUT LE MONDE. LE DEBAT DOIT ETRE OUVERT FRANCHEMENT ET SERIEUSEMENT.

LA LIBRE EXPRESSION

19 h 53, le 12 octobre 2019

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Commentaires (2)

  • GOUPIL DECIDE MALHEUREUSEMENT POUR TOUT LE MONDE. LE DEBAT DOIT ETRE OUVERT FRANCHEMENT ET SERIEUSEMENT.

    LA LIBRE EXPRESSION

    19 h 53, le 12 octobre 2019

  • Aïn Tiné n'est pas le "siège de la présidence de la Chambre" pas plus que la Maison du centre n'est le siège de la présidence du Conseil des ministres. Il y a là une dérive qui en dit long sur l'état de désintégration des institutions et, curieusement, les journalistes ne semblent pas s'en émouvoir, bien au contraire, ils se l'approprient. L'Etat a rénové à grands frais certains bâtiments emblématiques mais ces messieurs font salon - ou dekkéné - chez eux (aux frais de la République?) au risque d'enlever tout prestige à leurs fonctions. De là que le Parlement se réunisse à Aïn Tiné! Je note que le PR, lui, a fait du palais présidentiel le siège de toutes ses entrevues officielles.

    Marionet

    09 h 47, le 12 octobre 2019

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