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How dare you ?*

Les vacanciers partis, un automne majestueux se déploie en cet instant même dans la montagne. Loin de la chape de pollution qui stagne sur Beyrouth, on peut imaginer cette étendue sans nuages et sans bruits, vague immense figée sur la ligne du ciel, où la vie suit son rythme ancestral. Les noix gaulées de frais exhalent leur parfum vert dans le silence vespéral. Une sagesse paysanne veut que la maturité d’un noyer signe la fin de l’âge de celui qui l’a planté. Mais on en plante quand même, advienne que pourra. Que vaut une vie d’homme comparée à la quasi-immortalité d’un noyer? À la munificence de cet arbre capable de nourrir tant de générations après soi ? Là-bas, chaque arbre porte le nom de son jardinier, et ce nom se murmure dans l’or et le cuivre des feuilles qu’un souffle détache ; s’écrit au brou sur les doigts qui écorcent. La vigne, qu’on arrosait pour le plaisir de l’ombre, tout à coup donne tant et tant. Le raisin déborde des lourds paniers d’osier, forme sur la terrasse des monceaux d’opales qu’on emportera vers la ville. Et avec quelle fierté se distribuera cette manne au goût de miel, avec quel sourire dans les yeux et les mains ! Dans les pommeraies, la cueillette terminée, les glaneuses s’affairent. Autour d’elles, des volées bariolées d’enfants rieurs slaloment entre les troncs, caracolent le long du ruisseau et infusent d’une joie naïve la future confiture de fruits ramassés. Pour l’heure, enterrées sous des feux de fagots, les pommes de terre du déjeuner achèvent de noircir dans une fumée de sève et de tourbe.

Fermez les yeux. Cette rumeur dans la forêt, derrière la colline. Un, puis deux, des éclaireurs. Bientôt les suivront des centaines, peut-être des milliers, serins, cailles, faucons… Ils surgiront en formation désorganisée et puis, fendant le vent, c’est une vaste escadrille en V qui trouvera d’instinct son long chemin vers l’Afrique, si son dieu ou celui des chasseurs lui prête vie. Il y a encore un livre couché au bras du rocking-chair, lecture suspendue jusqu’au prochain été. Quelle était donc cette dernière phrase ? On s’était endormi et le branle-bas du retour avait tout arrêté.

Dur entre tous est ce retour à une autre réalité. Avec ses inouïes largesses, la nature vous le ferait presque oublier. Et vous découvrez qu’à l’aune du désastre économique que subit le Liban, vous êtes quasi mort. Certes, nous avons eu des guerres. Chez nous, sur nous, à côté, en dessous, oui. Cela justifiait-il que la seule activité que nos gouvernements aient favorisée fût celle, stérile entre toutes, du marché des changes, des dettes, des créances, des intérêts et de la thésaurisation? Voilà de trop nombreuses années qu’aucune initiative n’est possible dans l’économie réelle. Notre écosystème entrepreneurial est, comme un fait exprès, l’un des plus décourageants au monde, entre infrastructures défaillantes, législation et fiscalité inadaptées et enfilade d’obstacles administratifs comme créés sur mesure pour le versement de pots-de-vin.

Contre cette criminelle légèreté, qu’il nous soit permis d’exprimer notre rancune et d’adresser à ceux qui nous gouvernent un amer « Comment osez-vous? ». Jamais ce pays, qui garde encore quelques beaux restes, n’a été aussi défiguré, laminé, souillé, désespéré qu’il ne l’est depuis que l’espoir lui est permis. Chaque communauté semble se venger de l’autre en martyrisant un peu plus cette terre généreuse qui leur est pourtant commune. À l’heure du chacun sa poche et de la « priorité donnée à la représentativité politique » (l’un des plans d’action annoncés par le président), nous ne sommes pas près de sortir des limbes.

*« Comment osez-vous ? » leitmotiv du discours de Greta Thunberg à la tribune de l’ONU, le 23 septembre 2019

Les vacanciers partis, un automne majestueux se déploie en cet instant même dans la montagne. Loin de la chape de pollution qui stagne sur Beyrouth, on peut imaginer cette étendue sans nuages et sans bruits, vague immense figée sur la ligne du ciel, où la vie suit son rythme ancestral. Les noix gaulées de frais exhalent leur parfum vert dans le silence vespéral. Une sagesse paysanne veut...

commentaires (6)

Chère Fifi , la nostalgie on veut bien , mais l'hystérie de la Gréta là , laissez tomber quoi ! ne vous laissez pas influencer pas ça .

FRIK-A-FRAK

18 h 51, le 03 octobre 2019

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Commentaires (6)

  • Chère Fifi , la nostalgie on veut bien , mais l'hystérie de la Gréta là , laissez tomber quoi ! ne vous laissez pas influencer pas ça .

    FRIK-A-FRAK

    18 h 51, le 03 octobre 2019

  • Comment osez-vous ILS VOUS REPONDENT TOUS CE N'EST PAS MA FAUTE C'EST LA FAUTE DE L'AUTRE COMME IL FAUT QUE TOUS LES PARTIS ET POLITICIENS SE METTENT D'ACCORD ET QUE TOUS SONT AVIDES DE PARTAGER LE GATEAU QUI DEVIENT DE PLUS EN PLUS PETIT , RIEN NE SE FAIT ET NE SE FERA TANT QU'UN MINISTERE DE TECHNOCRATES NE METTENT DES LOIS EN PLACE SANS CORRUPTIONS

    LA VERITE

    18 h 41, le 03 octobre 2019

  • Le noyer la vigne et le President Aoun .

    Hitti arlette

    16 h 59, le 03 octobre 2019

  • Tellement bien écrit qu'on se demande où a vécu Fifi entre 1982 et 2000 . Une aussi belle inspiration ne saurait être limitée quand en conclusion on parle du Liban pour tous .

    FRIK-A-FRAK

    11 h 43, le 03 octobre 2019

  • POETESSE PAR EXCELLENCE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 06, le 03 octobre 2019

  • Hélas! mais jamais la colère ,au Liban,ne gagne sur l'amour du pays!J.P

    Petmezakis Jacqueline

    07 h 05, le 03 octobre 2019

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