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Liban - Décryptage

Affaire Fakhoury : le bulletin 303, entre exigences de l’armée et considérations politiques

Après avoir secoué les Libanais et marqué l’actualité, l’affaire du « bourreau de Khiam », Amer Élias Fakhoury, suit son processus judiciaire dans une sorte d’indifférence générale. L’intérêt pour les souffrances morales et physiques des anciens détenus et les confidences faites aux médias et au juge d’instruction militaire ont cédé la place à une autre affaire tout aussi importante, la crise financière. Mais quelques questions demeurent en suspens dans cette affaire, notamment au sujet du bulletin 303 distribué par l’armée libanaise.

Pendant quelques jours en effet, la question le plus souvent posée était la suivante : qui a aidé le « bourreau de Khiam » à blanchir son casier judiciaire et surtout à barrer son nom du fameux bulletin 303 ? Le tapage médiatique s’étant calmé, il a été possible de reconstituer les pièces du puzzle de façon rationnelle.

D’abord, il faut savoir que le bulletin 303 est une sorte de publication militaire interne élaborée par le service de renseignements de l’armée, avalisée par le commandant en chef, sur laquelle figurent les noms de toutes les personnes qui ont été suspectées ou même jugées pour connivence avec l’ennemi israélien.

On y a ajouté, à partir de 2014, les noms des personnes susceptibles de collaborer avec les groupes terroristes jihadistes.

Ce bulletin élaboré par l’armée est distribué aux autres services de renseignements et à tous les postes frontaliers de la Sûreté générale. Il leur donne ainsi le droit d’interroger la personne dont le nom figure sur la liste, sans passer par une autorisation judiciaire. Ce qui n’est pas le cas des autres services, qu’il s’agisse des SR des FSI ou de la Sécurité de l’État ou encore de la Sûreté générale. C’est sans doute pour le pouvoir exclusif que ce bulletin accorde aux SR de l’armée, sans le moindre contrôle judiciaire, que la classe politique a cherché à en annuler les effets. Par le passé, plusieurs tentatives ont été effectuées en ce sens, notamment pendant la période de la vacance présidentielle, alors que le gouvernement présidé par Tammam Salam tenait les rênes du pouvoir. Il a été même question à l’époque d’unifier les bulletins sécuritaires, pour qu’ils soient tous soumis à l’autorité judiciaire. Mais l’armée s’y est fermement opposée, estimant que ce serait mettre en danger la sécurité du pays. De plus, les personnes dont le nom figure sur ce bulletin ne sont pas nécessairement coupables, mais le devoir des SR est de les surveiller, sans forcément les arrêter.

Amer Élias Fakhoury semblait connaître à la perfection les rouages des différents services, ainsi que leurs susceptibilités et la concurrence qu’ils se livraient, surtout dans les années 2015 et 2016. Dans sa volonté de blanchir son casier judiciaire, il a donc travaillé sur deux tableaux. Dans le premier, il s’agissait de faire les démarches nécessaires pour effacer les effets du jugement prononcé à son encontre en utilisant le délai de prescription de 20 ans. Il a donc demandé à son avocat de le faire conformément à la procédure, avant de concentrer ses efforts sur le bulletin 303.

Ce bulletin comporte près de 3 000 noms, et certains d’entre eux y figurent depuis des années. Après la campagne menée contre ce bulletin par des groupes politiques irrités du fait qu’il relève essentiellement de l’armée, les SR de l’armée ont décidé de procéder régulièrement à sa mise à jour dans le sens de son allègement. Des noms d’individus jugés désormais trop vieux, ou peu enclins à revenir au Liban, en ont été éliminés, dans une tentative d’en réduire les effets et la portée, et d’obtenir qu’il ne soit plus pris pour cible par ceux qui réclamaient son annulation. Selon une source militaire, au cours des dernières années, ce bulletin avait perdu de son importance et les services de sécurité y avaient de moins en moins recours. D’autant plus qu’en 2017, une loi passée sans la moindre publicité comme une démarche de la plus grande banalité, dans le même style qu’une loi d’amnistie, l’avait même annulé.

Autrement dit, il ne devait plus y avoir désormais de bulletin 303 distribué aux différents services de sécurité et aux points de passage frontaliers. L’adoption de la loi avait mécontenté le commandement de l’armée, mais nul n’en avait tenu compte. Il ne restait plus à ceux dont les noms figuraient sur le bulletin avant son annulation qu’à lancer une procédure d’exécution légale pour les effacer. C’est ce que l’avocat de Amer Élias Fakhoury a tenté de faire. Ce n’était d’ailleurs pas une démarche difficile puisque les effets du bulletin avaient déjà été annulés. Selon la source militaire précitée, le nom de Amer Élias Fakhoury, parmi d’autres, avait donc été présenté pour être barré, juste avant la prise en charge de la nouvelle équipe du commandement militaire en mars 2017. C’est dans cette période de flottement entre le départ de l’ancienne équipe et l’entrée en fonction de la nouvelle que la démarche avait été effectuée, et les noms avancés pour être barrés n’avaient attiré l’attention de personne. Une fois en charge de l’armée, le général Joseph Aoun a essayé de réhabiliter le bulletin 303, mais dans la plus grande discrétion, et uniquement sur le plan interne, pour ne pas soulever de polémique après son annulation par le Parlement. Selon la source militaire précitée, le commandant en chef a estimé en effet que ce bulletin est une mesure de sécurité supplémentaire et nécessaire, en raison de tous les dangers qui menacent le Liban. Mais il a craint en même temps de soulever ouvertement cette question et de susciter, ce faisant, une polémique qui serait nuisible à l’armée et aux services de sécurité.

C’est donc dans ce contexte qu’a été barré le nom de Amer Élias Fakhoury et sans la présence d’esprit de l’officier de la Sûreté générale à l’aéroport, qui s’est tout de suite rendu compte qu’il y avait quelque chose de suspect dans son cas, Amer Fakhoury aurait pu circuler librement...


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Après avoir secoué les Libanais et marqué l’actualité, l’affaire du « bourreau de Khiam », Amer Élias Fakhoury, suit son processus judiciaire dans une sorte d’indifférence générale. L’intérêt pour les souffrances morales et physiques des anciens détenus et les confidences faites aux médias et au juge d’instruction militaire ont cédé la place à une autre...

commentaires (6)

D’autant plus qu’en 2017, une loi passée sans la moindre publicité comme une démarche de la plus grande banalité, dans le même style qu’une loi d’amnistie, l’avait même annulé. DONC CET HOMME A ETE ARRETTE CAR LA LOI A ETE BAFOUE sans la présence d’esprit de l’officier de la Sûreté générale à l’aéroport, qui s’est tout de suite rendu compte qu’il y avait quelque chose de suspect dans son cas, Amer Fakhoury aurait pu circuler librement… VOUS DITES DONC QUE CET HOMME A ETE ARRETTE ALORS QUE CETTE LOI L'INNOCENTAIT ET AVAIT ENLEVE SON NOM . MEME L'ARMEE , SI ELLE GARDE CES NOMS C'EST POUR EVITER DES ATTENTATS , PAS POUR EMPRISONNER LES RESISTANTS AUX PALESTINIENS AU SUD DU LIBAN DURANT CETTE NEFASTE PERIODE AH BON CET OFFICIER EST DEVIN? OU C'EST UN HOMME AU SERVICE DE HB QUI GARDE L'AEROPORT DE BEYROUTH COMME LA PRUNELLE DE SES YEUX QUI OSERA DIRE ENCORE QUE L'AEROPORT OU LE PORT NE SONT PAS CONTROLES PAR HB POUR TOUTES LES PERSONNES QUI ENTRENT OU QUI SORTENT?

LA VERITE

23 h 20, le 01 octobre 2019

Tous les commentaires

Commentaires (6)

  • D’autant plus qu’en 2017, une loi passée sans la moindre publicité comme une démarche de la plus grande banalité, dans le même style qu’une loi d’amnistie, l’avait même annulé. DONC CET HOMME A ETE ARRETTE CAR LA LOI A ETE BAFOUE sans la présence d’esprit de l’officier de la Sûreté générale à l’aéroport, qui s’est tout de suite rendu compte qu’il y avait quelque chose de suspect dans son cas, Amer Fakhoury aurait pu circuler librement… VOUS DITES DONC QUE CET HOMME A ETE ARRETTE ALORS QUE CETTE LOI L'INNOCENTAIT ET AVAIT ENLEVE SON NOM . MEME L'ARMEE , SI ELLE GARDE CES NOMS C'EST POUR EVITER DES ATTENTATS , PAS POUR EMPRISONNER LES RESISTANTS AUX PALESTINIENS AU SUD DU LIBAN DURANT CETTE NEFASTE PERIODE AH BON CET OFFICIER EST DEVIN? OU C'EST UN HOMME AU SERVICE DE HB QUI GARDE L'AEROPORT DE BEYROUTH COMME LA PRUNELLE DE SES YEUX QUI OSERA DIRE ENCORE QUE L'AEROPORT OU LE PORT NE SONT PAS CONTROLES PAR HB POUR TOUTES LES PERSONNES QUI ENTRENT OU QUI SORTENT?

    LA VERITE

    23 h 20, le 01 octobre 2019

  • Bourreau de khiam, drones abattus, drones à abattre, copine sud africaine de hariri, etc. Des babioles qui ne nous jnteresse nullement: ce qui importe est: Respect de la loi par tous et ooir tous, economie saine et respect des lois, des douanes et de l'état, resoect de l'environnement, de notre avenir et celui de nos enfants... Où sont les décisions et les actions qui amèneront un avenir meilleur???? Toutes ces analuses ne font que distraire et amener une amnésie malsaine.

    Wlek Sanferlou

    13 h 57, le 01 octobre 2019

  • Quelle perspicacité ! Scarlett , chapeau , tumbs up . Vous avez éclaircie une situation floue , je me réjouies avant tout d'avoir été instruit , avant que de penser vous juger. Ce boucher est entre les mains de la justice libanaise et il méritera ce que le corps judiciaire décidera dans son jugement , si il y a d'autres collabos bouchers sanguinaires en liberté , de tout côté qu'il soit , qu'on les appréhende et les présente à la justice libanaise .

    FRIK-A-FRAK

    13 h 54, le 01 octobre 2019

  • Ou bien l'Etat ou ce qu'il en reste juge tous ceux qui avaient adhéré à l'ALS ou personne. Condamner l'un et gracier l'autre n'est pas digne d'une démocratie laïque et libérale jusqu'à nouvel ordre. Tout le reste n'est que du blabla.

    Un Libanais

    12 h 27, le 01 octobre 2019

  • IL Y A DES LOIS ET LES LOIS DOIVENT ETRE RESPECTEES. CET ARTICLE EST DE LA BOURDE COMME D,ORDINAIRE.

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 27, le 01 octobre 2019

  • Intéressant. Comme souvent, SH y dévoile des infos qui éclairent bien des polémiques et malentendus.

    Marionet

    09 h 01, le 01 octobre 2019

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