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Homme de cœur, homme d’État

Jacques Chirac, disparu hier, n’est certes pas le seul pensionnaire de l’Élysée à avoir manifesté une réelle sollicitude pour ce Liban dont la France proclamait, il y a près d’un siècle, l’accession au rang d’État. Mais si ce grand et remuant gaillard occupe une place à sa mesure dans la mémoire des Libanais, c’est parce que sa préoccupation pour notre pays confinait à l’idée fixe : et surtout qu’il n’avait aucun problème à le montrer et le démontrer, quitte à essuyer parfois de malignes accusations d’ingérence.

Sur ce registre, Jacques Chirac a prouvé que l’on pouvait être, tout à la fois, homme de cœur et homme d’État. Car son engagement, Jacques Chirac l’a assumé avec autant de courage et de sensibilité que de clairvoyance dans sa perception des arcanes du Levant et du Moyen-Orient. On le revoit encore s’opposer avec force, dans la plus pure tradition gaullienne, à la malheureuse équipée militaire de George W. Bush en Irak, laquelle aura été tout bénéfice pour ce même Iran qui affole tant l’Amérique aujourd’hui ; développée, mais en vain, par Dominique de Villepin, la mise en garde française suscitait un tonnerre d’applaudissements au Conseil de sécurité de l’ONU, pourtant un lieu glacial où l’on se laisse rarement gagner par les émotions. On revoit encore Jacques Chirac, en visite à Jérusalem, s’insurger avec éclat contre la protection beaucoup trop rapprochée des policiers israéliens qui prétendaient lui interdire toute forme de contact avec la population arabe.

Dans notre album national de souvenirs, ce sont toutefois d’autres images impérissables, souvent tragiques mais obstinément porteuses d’espoir, qui occuperont longtemps la place d’honneur. Ce sont celles du pragmatique président s’efforçant, dans un premier temps, d’amener la Syrie à relâcher sa faussement fraternelle, son étouffante étreinte, du Liban, comme s’y employait, avant d’être assassiné, son ami Rafic Hariri. Ce sont ensuite celles de l’homme d’action excédé par la mauvaise foi de Damas, qui parrainait, avec l’Amérique, la résolution 1559 ordonnant le retrait des troupes étrangères du Liban.

Comment oublier enfin le spectacle de l’irréductible ami battant le rappel des puissances pour secourir financièrement un Liban qui n’était plus la Suisse de l’Orient, d’un Liban saignant aussi du coffre-fort au point d’être menacé de banqueroute ? Lors des conférences Paris I, II et III, ancêtres du programme CEDRE, était arrêté le principe d’aides à notre pays qui, en revanche, promettait de procéder à des réformes ; on y a vu le chef de l’État français houspiller hardiment, sans mâcher ses mots, ceux de ses pairs qui tardaient à sortir leurs chéquiers. Altier dans son apparente bonhomie, Jacques Chirac sera pourtant allé jusqu’à mendier pour ce Liban qui ne quittait pas ses pensées. Par respect pour sa mémoire autant que par pur et pressant intérêt, il serait grand temps pour nous de tenir enfin parole.

Issa GORAIEB

igor@lorientlejour.com

Jacques Chirac, disparu hier, n’est certes pas le seul pensionnaire de l’Élysée à avoir manifesté une réelle sollicitude pour ce Liban dont la France proclamait, il y a près d’un siècle, l’accession au rang d’État. Mais si ce grand et remuant gaillard occupe une place à sa mesure dans la mémoire des Libanais, c’est parce que sa préoccupation pour notre pays confinait à...