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Liban - Environnement

Une carrière à Aïchiyé fermée après beaucoup de gâchis

La plainte a été déposée par l’Office national du Litani, qui assure que des sites d’extraction de sable à Jabal Rihane sont nuisibles au fleuve.

Un véhicule sur le site de Aïchiyé : tous les équipements en ont été retirés après la fermeture de la carrière. Photo fournie par l’Office national du Litani

Le scandale a éclaté vendredi dernier : une équipe de l’Office national du Litani a repéré une carrière en activité dans la très verte région de Jabal Rihane (caza de Jezzine), plus précisément dans le village de Aïchiyé. Il s’agit d’une carrière de sable qualifiée « d’industrielle », dont les matières premières devaient servir à la fabrication de peintures pour la société Pastel Paints.

L’Office national du Litani est intervenu pour contrer l’activité de cette carrière en raison de son impact sur le fleuve, précise son directeur, Sami Alawiyé. Le ministère de l’Intérieur a immédiatement accepté la requête de l’organisme et le site est inopérant depuis samedi. Une autre plainte déposée auprès du parquet du Liban-Sud a obligé les entrepreneurs à retirer hier leurs véhicules du site. L’obtention même du permis auprès du Conseil supérieur des carrières dans cette région très délicate pose plusieurs points d’interrogation. Ayant suivi cette affaire de près, Sami Alawiyé en raconte le déroulement à L’Orient-Le Jour : « Le permis a été approuvé par le Haut Conseil des carrières en janvier 2019, donc durant le mandat de l’ancien ministre de l’Environnement Tarek el-Khatib, dit-il. La procédure veut que les exploitants du site obtiennent une autorisation de lancement des travaux de la part du ministère de l’Intérieur. » Et c’est effectivement ce qui s’est passé. Sur base du permis accordé par le Haut Conseil des carrières, le ministère de l’Intérieur a autorisé le début des travaux, le 16 septembre.


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Précisions de l’Intérieur

Suite au tollé suscité par cette affaire, ce ministère a publié hier un communiqué dans lequel il précise que « le permis d’exploitation délivré à la carrière de sable située sur le terrain 1174 dans la région de Aïchiyé est basé sur un permis accordé par le Haut Conseil des carrières en date du 31 janvier 2019, l’approbation du conseil municipal de ce village et les relevés de taxes payées à la municipalité et au département d’impôts indirects du ministère des Finances en date du 11 avril 2019, dans l’objectif d’extraire une quantité qui ne dépasse pas les 2 000 mètres cubes, ce qui ne nécessite pas plus d’une semaine ».

Et d’ajouter: « Ce permis s’accompagne également d’une demande claire et nette des FSI de ne pas excéder le volume autorisé. »

Le communiqué ajoute que « le ministère n’a pas les prérogatives de refuser une autorisation quand le permis a été accordé par le Haut Conseil des carrières et la municipalité concernée, et c’était le cas à Aïchiyé ».


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Retrait du permis

« Malgré cela, poursuit le texte, le procureur général pour les questions d’environnement Rahif Ramadan a décidé de retirer le permis avant même que les stocks ne soient transportés. Il a également demandé un rapport détaillé au mohafez du Liban-Sud au regard d’informations ayant paru dans des médias autour d’abus commis sur le site. »

M. Alawiyé reconnaît que « le ministère de l’Intérieur, qui a mis fin aux travaux, ne pouvait effectivement pas refuser cette autorisation au départ ». Il souligne également que l’actuel ministre de l’Environnement, Fady Jreissati, « a promis d’annuler le permis accordé en janvier dernier, dès son retour de voyage ».

Le directeur de l’Office du Litani ajoute cependant qu’« il y a, de toute façon, des contradictions dans les rapports d’experts qui rendent ce permis totalement caduc. En effet, la nature du terrain et son hydrologie ne sont pas propices à une telle exploitation, ce qui prouve que la politique et le clientélisme ont joué dans l’obtention du permis ». Selon lui, l’ancien ministre de l’Environnement, Tarek el-Khatib, au moment d’accorder le permis, « n’a pas pris en compte les rapports des géologues du ministère de l’Énergie ». Le directeur de l’Office du Litani révèle avoir porté plainte contre plusieurs parties, dont les exploitants de la carrière et leur société, mais aussi des fonctionnaires du ministère de l’Environnement et celui de l’Énergie, qu’il soupçonne de corruption et d’abus de pouvoir.


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Dégâts considérables

Concrètement parlant, les pires craintes des détracteurs de cette carrière en plein Jabal Rihane se sont confirmées. « J’estime qu’ils ont pu travailler trois jours environ avant d’avoir été arrêtés, précise M. Alawiyé, mais les dégâts que l’on a observés dans cette région verdoyante sont très conséquents, avec des cratères de plusieurs mètres de diamètre. »

Ce qui inquiète surtout l’Office du Litani, c’est l’impact que peut avoir une telle activité sur un fleuve souffrant déjà de nombreuses sources de pollution. Kamal Slim, expert en ressources aquatiques, explique à L’OLJ quelles en sont les implications. « Une telle carrière remue de grands stocks de sable, explique-t-il. En période de ruissellement, autrement dit quand la pluie tombe, ce sable va se retrouver en très grandes quantités dans l’eau et en impacter la biodiversité, sans parler de la qualité de l’eau, qui devient trouble. »

Tout en affirmant que « cet impact a heureusement une durée limitée, celle de la période de ruissellement, et ne se prolonge pas sur toute l’année », M. Slim déplore « les permis accordés à des carrières dans une région aussi belle et pittoresque que celle de Jabal Rihane ».

Pour sa part, Sami Alawiyé soupçonne que d’autres tentent de poursuivre leur activité de manière discrète. « Nous restons vigilants et donnerons l’alerte au moindre mouvement suspect », dit-il.

Cette affaire intervient quelques jours seulement après l’adoption du nouveau décret du plan directeur des carrières préparé par le ministère de l’Environnement, qui prévoit de déplacer l’essentiel des carrières vers la chaîne de l’Anti-Liban, tout en ouvrant la voie à l’importation de sable et de graviers.


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