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Moyen Orient et Monde - Éclairage

Comment Kaïs Saïed a séduit la jeunesse tunisienne

Plus du tiers des électeurs entre 18 et 35 ans ont voté pour le professeur de droit constitutionnel de 61 ans.

Kaïs Saïed, le gagnant du premier tour de la présidentielle en Tunisie selon des estimations provisoires, le 15 septembre 2019, à Tunis. Mohammad Khalil/AFP

Kaïs Saïed, candidat indépendant qualifié au second tour de la présidentielle tunisienne, a réussi à rassembler derrière lui la jeunesse du pays. Ce professeur de droit constitutionnel de 61 ans, véritable outsider de ces élections, est arrivé en tête au premier tour du scrutin, dimanche 15 septembre, avec 18,6 % des voix. Chiffre plus évocateur : il a su convaincre 37 % des électeurs entre 18 et 35 ans, selon un sondage Sigma Conseil. Pourtant, alors que le taux de chômage chez les jeunes diplômés s’élève à 35 %, le candidat ne s’est pas illustré lors des débats par un programme économique clair. Il l’a fait plutôt en affichant une posture de personnage incorruptible et parfois conservateur.

Si son score auprès des étudiants peut surprendre, les raisons d’un tel succès ne manquent pas. Kaïs Saïed, issu de la société civile, prône la décentralisation des pouvoirs de l’État, la poursuite des objectifs de la révolution de 2011 et la lutte contre la corruption. Aux yeux des jeunes, il est l’antithèse de tout ce que représente la classe politique tunisienne. Déçus et usés par des années d’inaction politique, les jeunes semblent rassurés par la droiture du professeur de droit constitutionnel.Kaïs Saïed s’est d’abord démarqué durant la campagne par une diction atypique. Le professeur refuse de s’exprimer en dialectal et découpe ses syllabes, ce qui lui a valu le surnom de « Robocop ». « Cette manière de s’exprimer a sans doute rendu service au candidat lors des débats, car cela ne l’a pas fait apparaître comme trop superficiel, à l’inverse de bien d’autres candidats », estime Sarah Yerkes, chercheuse au Carnegie.


(Lire aussi : Présidentielle en Tunisie: de prison, Karoui se pose en "moderniste libéral")

Positions conservatrices

Avant que la majorité de la jeunesse du pays soit conquise, ce sont les étudiants de l’université de sciences politiques de Tunis qui, les premiers, ont été inspirés par Kaïs Saïed. « Sa personnalité phénoménale fait l’unanimité parmi les étudiants, c’est un genre de père toujours à la disposition de la jeunesse », affirme à L’OLJ Achref Karoui, étudiant tunisien. Alors que le cursus de droit rassemble un très grand nombre d’étudiants, le professeur s’est illustré par son accessibilité et son écoute du corps estudiantin. Il n’a d’ailleurs pas hésité à s’engager auprès des étudiants en 2013 lorsque l’État voulait que la police participe au règlement des différends de la faculté de sciences juridiques. « Les besoins des jeunes sont simples, nous voulons être libres, en paix et avoir un travail, mais les politiciens nous disent n’importe quoi », assène Achref Karoui. Dans ce climat de défiance envers les élus, le choix de Kaïs Saïed s’apparente à un vote sanction.

Ses jeunes électeurs, ayant aujourd’hui entre 18 et 35 ans, n’ont pas été en première ligne lors de la révolution de 2011, mais ils ont été marqués par cette période. « La jeunesse tunisienne a grandi avec la révolution, c’est donc une période qui signifie beaucoup pour elle et qui fait sa fierté », confie Walyeddine Messaoudi, chercheur en géopolitique, spécialiste de la Tunisie. La révolution, dont Kaïs Saïed défend farouchement les acquis, symbolise pour la jeunesse « la valorisation de sa voix et la défense de la liberté d’expression ». « Plus que de lui offrir son écoute, Kaïs Saïed redonne donc sa dignité à la jeunesse », ajoute Walyeddine Messaoudi.

La jeunesse, exaltée par l’évocation de la révolution, n’a pas accordé une attention particulière à ses prises de position conservatrices, notamment sur l’homosexualité et les différences d’héritage entre hommes et femmes. « La plupart des jeunes ne se sont pas focalisés sur ses prises de position sociales, mais sur sa capacité à protéger la révolution », affirme Sarah Yerkes. « Si Kaïs Saïed est conservateur concernant certains domaines de la vie publique, il reste un personnage neutre, fervent défenseur de la séparation entre la religion et l’État. D’autre part, ces positions correspondent à l’opinion d’une grande partie de la population et ne sont pas choquantes en Tunisie », ajoute-t-elle.


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Kaïs Saïed, candidat indépendant qualifié au second tour de la présidentielle tunisienne, a réussi à rassembler derrière lui la jeunesse du pays. Ce professeur de droit constitutionnel de 61 ans, véritable outsider de ces élections, est arrivé en tête au premier tour du scrutin, dimanche 15 septembre, avec 18,6 % des voix. Chiffre plus évocateur : il a su convaincre...

commentaires (2)

IL SEMBLE QU,IL DIT CE QUE LES JEUNES VEULENT ENTENDRE. PAS TRES CONNU EN TOUT CAS.

LA LIBRE EXPRESSION

13 h 58, le 24 septembre 2019

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Commentaires (2)

  • IL SEMBLE QU,IL DIT CE QUE LES JEUNES VEULENT ENTENDRE. PAS TRES CONNU EN TOUT CAS.

    LA LIBRE EXPRESSION

    13 h 58, le 24 septembre 2019

  • Article nul et inexact . Ce personnage triste et sec est appuyé par les secteurs les plus obscurantistes du pays , hélas, il ne pourra jamais se libérer de leurs pressions persistantes et devra creuser encore plus profond les trous islamistes où s'enfoncera la Tunisie sous sa présidence éventuelle . Nabil Karoui , injustement incarcéré , aurait bien plus de possibilités de moderniser la Tunisie ! Le combat est inégal malheureusement . La démocratie ne saurait bien fonctionner tant que l'un des deux candidats est incarcéré . Qu'on le libère d'abord .

    Chucri Abboud

    09 h 05, le 24 septembre 2019

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