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À La Une - Egypte

Vers une contestation plus vive du régime de Sissi ?

Le déclencheur ? Mohamed Aly, un entrepreneur égyptien vivant en Espagne qui a publié de vives critiques contre le président égyptien et l'armée. "Mohamed Aly est venu de nulle part et est devenu un héros d'une certaine façon", estime Hassan Nafaa, politologue, professeur à l'Université du Caire.

Un homme tenant une pancarte demandant le départ du président égyptien Abdel Fattah al-Sissi, le 20 septembre 2019 au Caire. REUTERS/Amr Abdallah Dalsh

Les récentes manifestations en Egypte, aussi rares qu'inattendues, contre le régime ultra-répressif du président Abdel Fattah al-Sissi, pourraient-elles avoir fait reculer la peur et servir de prélude à une contestation plus vive ?



Que s'est-il passé ?

Après le derby de football cairote Al-Ahly contre Zamalek, des centaines de manifestants ont bravé vendredi soir au Caire et dans d'autres villes du pays l'interdiction de manifester contre le pouvoir et exigé le départ du président Sissi. Samedi soir, des manifestants sont descendus dans la rue à Suez (Est) pour la deuxième journée consécutive.

Tous les rassemblements ont été rapidement dispersés par les forces de l'ordre, qui ont fait usage de gaz lacrymogène et procédé à des dizaines d'arrestations.

Les appels à manifester et les hashtags tels que #Sissi_dégage s'étaient multipliés ces derniers jours sur les réseaux sociaux. Vendredi, des milliers d'internautes ont posté des photos et vidéos des manifestations.


(Lire aussi :  Affrontements lors de nouvelles protestations anti-Sissi à Suez)




Quel est le déclencheur ?

Les réseaux sociaux ont abondamment relayé ces dernières semaines les vidéos de Mohamed Aly, 45 ans, entrepreneur égyptien vivant en Espagne qui a publié de vives critiques contre M. Sissi et l'armée.

M. Aly a frappé juste en dénonçant le gaspillage d'argent public à un moment où les Égyptiens se remettent difficilement d'une sévère crise économique qui a affecté leur pouvoir d'achat, surtout depuis que le gouvernement a introduit des mesures d'austérité en 2016. M. Aly affirme dans une longue série de vidéos visionnées des millions de fois en Égypte, que l'armée égyptienne lui doit des millions de livres en échange de projets réalisés par sa société, Amlak Contracting. Dans l'une de ses vidéos, qui durent de 20 à 30 minutes chacune, M. Aly a déclaré : "Vous dites que nous (les Égyptiens) sommes très pauvres et qu'on devrait se serrer la ceinture (...). Vous jetez des milliards". Toutefois, ce dernier n'a fourni aucune preuve vérifiable de ses allégations accusant notamment l'armée, dont est issu M. Sissi, d'avoir "construit de nombreux projets ratés qui n'ont apporté aucun revenu aux gens".

"Mohamed Aly est venu de nulle part et est devenu un héros d'une certaine façon. Il a réussi à faire tomber le masque de Sissi", a dit à l'AFP Hassan Nafaa, politologue, professeur à l'Université du Caire.


(Lire aussi : Au Caire, les forces de sécurité déployées après de rares manifestations anti-Sissi)



Quelle réaction du pouvoir ?

 Des dizaines de personnes ont été arrêtées pendant et après les manifestations. Parmi elles figure l'avocate et militante des droits humains Mahinour el-Masry qui avait assisté à des interrogatoires de manifestants. Au moins 74 personnes ont été arrêtées, selon une source sécuritaire. Mais l'ONG Centre égyptien pour les droits économiques et sociaux a fait état de 356 arrestations depuis vendredi.

M. Sissi s'est envolé vendredi soir vers New York pour assister à l'Assemblée générale des Nations unies. Il n'a fait aucun commentaire public sur les manifestations. Mais la semaine dernière, il avait qualifié les allégations de M. Aly de "mensonges" qui ont pour but de "briser la volonté des Égyptiens et de leur faire perdre tout espoir et toute confiance en eux-mêmes".

De son côté, le service égyptien d'information d’État (SIS), chargé de réguler l'activité des médias étrangers, a appelé samedi les journalistes internationaux à ne pas "aller au-delà de la vérité" dans leurs reportages, mais sans mentionner directement les manifestations.

De leur côté, les médias égyptiens, largement pro-régime, se sont employés à minimiser les événements, la télévision montrant par exemple des images nocturnes montrant des voitures circulant sans encombres.


(Lire aussi : Le hashtag #Assez de Sissi inonde la toile)



A quelle suite s'attendre ?

L’Égypte vit sous état d'urgence depuis une série d'attentats en 2016-2017. Par ailleurs, les manifestations y sont sévèrement restreintes depuis que le président Sissi a renversé son prédécesseur islamiste Mohamed Morsi en 2013. Depuis lors, les autorités ont réprimé sans ménagement les dissidents, emprisonnant des milliers d'islamistes, ainsi que des militants laïcs et des blogueurs populaires.

"Ce qui s'est passé vendredi est un signe qui devrait préoccuper les autorités au pouvoir", estime l'analyste politique égyptien Mustafa al-Sayed. "Les gens sont venus manifester malgré le renforcement de la sécurité", a-t-il dit.

"Les manifestants qui sont descendus dans les rues n'avaient rien à voir avec la politique avant les vidéos de Mohammed Aly", a dit M. Nafaa. "Ils ont été choqués par les informations détaillées qu'il a données" et ont manifesté en se disent "on n'a rien à perdre".

Dans une nouvelle vidéo mise en ligne sur les réseaux sociaux samedi soir, Mohamed Aly a demandé aux Égyptiens de participer à une "marche du million" vendredi prochain sur toutes "les grandes places" du pays.



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