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Moyen Orient et Monde - Égypte

Manifestations inédites contre Sissi

De la place Tahrir au Caire à Alexandrie, en passant par Suez, al-Mahalla ou encore Mansoura, le départ du raïs était au cœur des revendications vendredi et samedi.


Des manifestants dans le centre du Caire le 20 septembre. STR/AFP

Vendredi 20 septembre 2019. Il est 22 heures au Caire. Le présentateur de la chaîne égyptienne DMC rapporte une information de la plus haute importance, sans ciller, à propos de… la « Journée internationale de la pizza ». La scène est surréaliste. Et pour cause : dans le même temps, la rue égyptienne est en ébullition et demande rien de moins que le départ du président Abdel Fattah al-Sissi.

Les images de manifestations ont inondé vendredi soir les réseaux sociaux alors que les Égyptiens sont descendus crier le même slogan repris en chœur : « Sissi dégage ! » De la place Tahrir au Caire à Alexandrie, en passant par Suez, al-Mahalla ou encore Mansoura, le départ du raïs est au cœur de manifestations rassemblant quelques dizaines de personnes à plusieurs centaines. Des affrontements ont également eu lieu tard, dans la nuit de samedi à dimanche, à Suez entre la police et des manifestants. Selon un protestataire interrogé par l’AFP, « il y avait environ 200 personnes » et les forces de sécurité « ont tiré du gaz lacrymogène, des balles en caoutchouc et des balles réelles », précisant qu’ « il y a des blessés ». L’ONG Egyptian Center for Economic and Social Rights avait dénombré 274 arrestations hier depuis le début du mouvement, incluant des mineurs.

La mobilisation de vendredi a surpris de nombreux Égyptiens alors que l’atmosphère semble rappeler celle qui a mené à la manifestation du 25 janvier 2011, qui avait donné naissance à la révolution égyptienne avant d’aboutir à la démission du président égyptien de l’époque, Hosni Moubarak. Mais dans l’Égypte du président Sissi, où tout opposant politique est catégorisé comme un « Frère musulman et un terroriste », manifester comporte d’énormes risques. « Sous Moubarak, on savait qu’on allait peut-être se faire arrêter, mais qu’on retournerait éventuellement chez nous. Sous Sissi, une fois qu’on est arrêté, c’est direction la prison », explique à L’Orient-Le Jour Yousra*, une Égyptienne qui réside au Caire.

Selon de nombreux observateurs, une grande partie des manifestants est composée de jeunes, qui n’étaient pas descendus dans la rue en 2011 et qui n’ont pas les mêmes appréhensions que la génération de l’époque, qui reste traumatisée par la tournure prise par les événements. « Nous sommes aussi beaucoup à ne pas être allés manifester vendredi car nous ne sommes pas sûrs de savoir qui est vraiment derrière tout ça ; il y a beaucoup de confusion et de spéculations », souligne Yousra. Aucune déclaration officielle n’a été faite par le régime au sujet des manifestations. Une vidéo a toutefois été mise en ligne sur les réseaux sociaux montrant de petits rassemblements pro-Sissi à New York, alors que le président égyptien s’y rendait pour participer à l’Assemblée générale de l’ONU qui doit avoir lieu aujourd’hui.


(Lire aussi :  Affrontements lors de nouvelles protestations anti-Sissi à Suez)


Projet pharaonique
Si le mouvement de protestation a éclaté dans la rue la semaine dernière, la colère gronde depuis plusieurs mois en Égypte face à un État de plus en plus autoritaire et une économie dont des pans entiers sont contrôlés par l’armée tels que l’agroalimentaire, l’immobilier ou encore le secteur de l’automobile. Le projet pharaonique de construction d’une nouvelle capitale à 45 kilomètres du Caire, nommée Sissi City, a également été décrié. Il s’élève à 45 milliards de dollars et l’armée devrait grandement en profiter.

Une série de vidéos publiées en ligne depuis le début du mois de septembre par Mohammad Aly, un entrepreneur égyptien, a toutefois accéléré la tendance. Depuis l’Espagne où il s’est exilé, ce quadragénaire s’en prend à l’armée à qui il réclame des millions de livres égyptiennes non payés suite à des travaux réalisés par sa compagnie de bâtiment Amlaak. « Ils m’ont pris tout mon argent et aucun d’eux ne m’a versé de compensation », rapporte-t-il dans l’une de ses vidéos sans fournir de preuves pour appuyer ses propos. L’armée a « construit de nombreux projets ratés qui n’ont apporté aucun revenu aux gens », dénonce-t-il.Visionnées des millions de fois, ses vidéos connaissent un succès fulgurant auprès de la population égyptienne, si bien que le président Sissi lui-même s’est vu contraint de répondre aux accusations de corruption au milieu du mois. « Ce sont des mensonges, et ils ont pour but de briser la volonté des Égyptiens et de leur faire perdre tout espoir et toute confiance en eux-mêmes », avait lancé le dirigeant égyptien lors d’un congrès de jeunes au Caire. Un discours qui n’aura pas suffi à calmer les tensions, alors que le hashtag #AssezdeSissi a inondé les réseaux sociaux peu après.


(Lire aussi : Au Caire, les forces de sécurité déployées après de rares manifestations anti-Sissi)


Comme en Syrie ou en Chine
Depuis vendredi, le mouvement de contestation est quasiment passé sous silence dans les grands médias arabes. « J’ai le sentiment d’être en Syrie ou en Chine, personne ne mentionne ce qu’il se passe à la télévision. Pas d’interviews, pas de couverture médiatique, ça ne ressemble en rien à 2011 », confie Yousra. Seule la chaîne qatarie al-Jazeera couvre de manière continue les développements de la situation en Égypte, rappelant quelque peu l’attitude adoptée par la chaîne en 2011 qui lui avait valu des critiques des autres pays du Golfe, lesquels l’accusaient de soutenir les Frères musulmans. Le service d’information d’État égyptien a publié un communiqué hier dans lequel il avertit les médias internationaux et leurs correspondants que leur couverture médiatique des affaires égyptiennes au cours des dernières vingt-quatre heures a été surveillée.


(Lire aussi : Le hashtag #Assez de Sissi inonde la toile)


Dans une rare mention des événements, un présentateur de la chaîne égyptienne progouvernementale Sada Elbalad a cependant averti les manifestants samedi. « Un État de droit est un État de droit », martèle-t-il. « Celui qui ne s’est pas fait arrêter aujourd’hui se fera arrêter demain ou après-demain », menace-t-il avant de rappeler que « la place Tahrir est remplie de caméras, la moitié du pays est pleine de caméras ». De nombreux moyens de communication sont également verrouillés. Alors qu’il n’était pas possible d’accéder à l’application Signal hier, d’autres applications comme Messenger ou Wire fonctionnaient difficilement et des médias internationaux, à l’instar de BBC Arabic ou al-Hurra, ont été bloqués.

Des moyens qui pourraient s’avérer insuffisants pour dissuader les protestataires. Dans une nouvelle vidéo, Mohammad Aly a appelé les Égyptiens à descendre à nouveau dans la rue pour une « marche du million » vendredi prochain : « J’étais aussi surpris que vous de voir le nombre de personnes dans les rues (...) cette révolution du peuple (...). Nous devons nous unir (...) et nous organiser pour descendre sur les grandes places. Nous avons jusqu’à vendredi pour y arriver. »

*Le prénom a été modifié.



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commentaires (2)

Il est évident que tant el sissi ou un éventuel remplaçant joueront le jeu IMPOSÉ, ce genre de dictateurs sera toujours inatteignables. DEVINEZ POURQUOI ? IL Y A DES CORRUPTIONS ET DES TORTURES HALAL OU CASHER. D'AUTRES PAS.

FRIK-A-FRAK

15 h 31, le 23 septembre 2019

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Commentaires (2)

  • Il est évident que tant el sissi ou un éventuel remplaçant joueront le jeu IMPOSÉ, ce genre de dictateurs sera toujours inatteignables. DEVINEZ POURQUOI ? IL Y A DES CORRUPTIONS ET DES TORTURES HALAL OU CASHER. D'AUTRES PAS.

    FRIK-A-FRAK

    15 h 31, le 23 septembre 2019

  • Dénoncer la corruption sans aucune preuve sur hashtag par n’importe qui c’est plutôt facile vous ne croyez pas ? Delà à croire que les frères musulmans ont réussi leur coup en créant l’instabilité sécuritaire dans le pays des phraons il n’y a qu’un pas … Les touristes ne vont plus et ceux qui hésitent s’abstiennent d’y aller. l’homonyme de l’illustre Mohamed Ali a profité de ce patronyme pour se faire une place au soleil alors qu’il a été écarté dans l’ombre n’ayant surement pas réussi à consolider son affaire avec l’armée ou les décideurs comme il le déclare lui-même en dénonçant la dette que l’armée lui doit (sic). Il est peut-être temps que la stabilité revienne en Egypte pour le bonheur de tous les Egyptiens. Dans le cas contraire, devinez qui remplacera le Maréchal Président Sissi ? La réponse est toute trouvée . Un autre Militaire bien sûr !

    Le Point du Jour.

    12 h 48, le 23 septembre 2019

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