La semaine écoulée s’est achevée sur l’air familier de l’expansionnisme iranien, entonné cette fois-ci en duo, presque en même temps, depuis Téhéran et Beyrouth. Comme s’il ne suffisait plus qu’on dise la chose en monophonie.
S’exprimant lors du prêche du vendredi dans la capitale iranienne, un ayatollah, Ahmad Alamolhoda, nous apprend ainsi que quelques millénaires après les Darius, Cyrus et autres Artaxerxès, « l’Iran, aujourd’hui, n’est pas que l’Iran et ne se limite pas à sa situation géographique. Le Hachd el-Chaabi en Irak, le Hezbollah au Liban, Ansarullah (les houthis) au Yémen, les Forces de défense nationale en Syrie, le Jihad islamique et le Hamas en Palestine sont tous l’Iran » …
Au Liban, Hassan Nasrallah lui fait écho : les attaques contre les installations pétrolières saoudiennes sont l’œuvre de « l’axe de la résistance » et montrent que ce dernier est « très fort », relève-t-il dans le discours prononcé le même jour. Et qui donc est à la tête de cet « axe de la résistance » ? Le guide iranien, Ali Khamenei, bien sûr, à la personne duquel le secrétaire général du Hezbollah faisait fièrement allégeance la semaine précédente. Et Nasrallah de repartir à l’assaut des monarchies du Golfe. « Je vous conseille de bien réfléchir. Une guerre contre l’Iran vous détruirait tous », lance-t-il.
Certes, tout cela n’est pas nouveau. Des responsables iraniens, souvent d’ailleurs bien plus importants que cet ayatollah peu connu, semble-t-il, ne rechignent guère à rappeler de temps à autre aux peuples de la région combien les bras de la Perse moderne sont longs pour les étreindre et ses crocs acérés pour les dévorer. D’autre part, la virulence verbale avec laquelle renoue ces jours-ci le patron du Hezbollah n’est pas nécessairement indicative d’un changement fondamental de politique vis-à-vis du gouvernement et de ses diverses composantes et, plus généralement, à l’égard des questions internes libanaises. Il faut constater que cette « escalade » dans la tonalité survient à un moment où le parti chiite se voit contraint de réagir à des événements extérieurs à sa volonté, suscités par d’autres. Ainsi, il y a d’abord l’affaire des drones israéliens dans la banlieue sud, à travers laquelle la formation de Hassan Nasrallah voit une tentative de l’État hébreu de modifier à son avantage le statu quo militaire. Et le parti de Dieu de faire savoir clairement que sa riposte n’irait pas au-delà d’un rétablissement de ce statu quo. L’épisode Amer Fakhoury, du nom de l’ancien responsable de la prison de Khiam, avec son lot d’embarras et le début de polémique qu’il a suscitée, notamment avec le CPL, suit. Face aux arguments juridiques imparables sur la prescription des principaux crimes qui sont reprochés à Fakhoury, Hassan Nasrallah paraît tétanisé, s’efforçant de répondre à la colère d’une partie de sa base en demandant qu’on fasse quelque chose, n’importe quoi, qui puisse contourner cette histoire de prescription. Et, last but not least, survient l’attaque menée par « l’axe de la résistance » – donc iranienne – contre les installations d’Aramco. Une agression qui met la région à deux doigts de la guerre et, ce faisant, réduit la marge de manœuvre du Hezbollah en tant que composante politique libanaise, et, au contraire, renforce son statut d’instrument iranien.
Cela signifie-t-il qu’il ne faut pas s’inquiéter de l’escalade en cours, même si elle est surtout verbale jusqu’ici ? Qu’il convient de temporiser, encore et toujours, face aux éternelles dérives dans lesquelles le parti-État entraîne le pays du Cèdre, sous prétexte qu’on n’y peut rien, que le compromis présidentiel l’exige et que le partenariat au sein du gouvernement le commande, sans parler des impératifs de la paix civile ?
La situation du Liban est de plus en plus grotesque : le pays est au bord de la faillite, ses banques s’essoufflent sérieusement, son économie est par terre, les sacrifices qui vont être demandés à la population dans le cadre de l’austérité sont énormes et nous supplions la terre entière de venir à notre aide en ayant l’air de ne pas vraiment comprendre ce qu’en échange on demande de nous. Et dans le même temps, nous nous érigeons en donneurs de leçons, notre diplomatie en est réduite à être une suite de shows pour émigrés, et nous laissons une milice semi-clandestine menacer des États qui sont les principaux donateurs du Liban.
À quoi sert un gouvernement (rectification : un pouvoir exécutif) s’il est incapable, non pas de régler ces contradictions, ces incongruités – ce serait peut-être trop lui demander –, mais même d’en faire le simple constat ?
commentaires (9)
Parmi les sourds-muets de la République topinambourienne, le ministre des Affaires étrangères. Tandis que la maison brûle des quatre côtés, il court comme un furet, aux frais de l'Etat, derrière un émigré électeur potentiel à Ushuaïa pour sa prochaine bataille électorale !!!
Un Libanais
17 h 20, le 23 septembre 2019