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Économie - Infrastructures

La relocalisation, par le ministère de l’Énergie, de la future centrale de Selaata suscite la polémique

Le ministère devrait aborder ce dossier lors d’une réunion de la commission ministérielle lundi.

L’entrée de la localité de Selaata. Photo P.H.B.

Située dans le Liban-Nord, entre Batroun et Chekka, Selaata vit depuis quelques temps au rythme des annonces concernant le plan de réhabilitation du secteur de l’électricité dans le pays, dont la mise en œuvre est très attendue par les donateurs de la Conférence de Paris d’avril 2018 (CEDRE).

C’est en effet dans la région côtière où se situe cette petite localité de 600 habitants, située sur une des rares portions du littoral encore relativement épargnées par l’urbanisation, que le gouvernement veut ériger une des nouvelles centrales devant contribuer à compenser le déficit de production de courant d’Électricité du Liban, le fournisseur d’État. C’est également sur le même site que devrait être déployée l’une des trois unités flottantes de stockage et de transformation du gaz liquéfié (Floating Storage and Regazification Unit – FSRU en anglais). Les deux projets, pour lesquels des adjudications sont en cours – à des stades différents–, constituent un pan important du plan de réforme du secteur de l’électricité élaboré par la ministre de l’Énergie et de l’Eau, Nada Boustani, et adopté au printemps par le gouvernement.


Décision prise en août
Un premier site devant accueillir le FSRU et la centrale dans cette région avait été délimité par le cabinet britannique Mott McDonald. Ce dernier avait été désigné environ deux ans plus tôt par la Société financière internationale (SFI, le bras privé de la Banque mondiale), qui avait été alors nommée en tant que Lead Transaction Advisor par un décret du 20 juillet 2017, donc avant l’adoption du plan Boustani. Le gouvernement suivait alors les directives de l’ancien plan de réhabilitation du secteur élaboré par le prédécesseur de la ministre, César Abi Khalil, du même bord politique (Courant patriotique libre). Le site en question se situait à Hannouche, une zone rattachée à la municipalité de Hamate, au nord de Selaata.

Or, il y a une dizaine de jours, le chef de la municipalité de Selaata, Georges Salloum, a appris « par les médias » que le ministère, qui doit en principe faire approuver lundi par le gouvernement un décret fixant de manière définitive le site choisi, avait récemment relocalisé le site quelques encablures plus au sud, dans une zone beaucoup plus proche des zones résidentielles de Selaata. « La décision semble avoir été prise en août lorsque la ministre a commencé son repérage des sociétés intéressées à participer à l’appel d’offres pour la construction de centrales », souffle une source proche du dossier. Selon elle, le cahier des charges comportait plusieurs nouveautés. « La SFI n’était plus Lead Transaction Advisor ; c’est une société allemande, Fichtner, qui a été choisie directement par le ministère pour délimiter le nouveau site ; et la FSRU, qui devait être ancrée à 500 m au large du site de Hannouche, était désormais localisée dans le bassin du petit port industriel situé en aval de Selaata et qui est exploité par la Sociétés des huiles et dérivées (SHD), propriétaire de terrains dans cette zone », explique-t-elle. La source ajoute que la SFI aurait émis des réserves sur le choix du second site. Contacté par L’Orient-Le Jour, le bureau de la Banque mondiale au Liban n’a pas confirmé l’information.



(Lire aussi : Réforme de l’électricité : Boustani dévoile et défend le plan amendé)



Distance de sécurité
De son côté, Georges Salloum conteste et critique le choix du nouveau site, invoquant principalement le risque que fait peser le déploiement de la centrale et de la FSRU sur les riverains. « Il s’agit d’une centrale qui devrait fonctionner au gaz et il y a des distances de sécurité à respecter », martèle-t-il, évoquant « un rayon minimal d’un km pour une FSRU ». La source précitée invoque de son côté les conclusions d’un rapport réalisé en juillet 2017 par le cabinet EB International Consultung – et dont L’OLJ a pu consulter des extraits – qui déconseillait construire une centrale au gaz et une FSRU dans la zone du port.

M. Salloum, qui a rassemblé les différents griefs dans une décision signée par les membres du conseil municipal de Selaata, reproche également au ministère de ne pas avoir consulté ce dernier en amont, conformément à l’article 51 du décret-loi de 1977 sur les municipalités. Le texte impose en effet cette obligation dans plusieurs situations, notamment lorsque les décisions visées portent sur « les plans généraux d’orientation dans la zone municipale ». Le conseil municipal a un mois pour se prononcer sur le sujet à compter de la date de notification, un délai au-delà duquel son silence vaut consentement tacite. En cas de désaccord, le texte impose à au ministère concerné de demander au Conseil des ministres de trancher. « Si le ministère s’entête, nous demanderons au Conseil d’État de se prononcer sur la légalité du décret », promet M. Salloum.

L’élu estime de plus que les travaux vont provoquer la destruction de la plage publique de Selaata, fréquentée par des pêcheurs et des plongeurs. Il craint en outre que le déploiement des infrastructures prévues ne contraignent les sociétés situées dans le parc industriel de la localité, au sud du site, à déménager. « Elles emploient 500 personnes dont une trentaine d’habitants de Selaata », précise-t-il. M. Salloum s’interroge enfin sur la pertinence du choix du nouveau site sur le plan financier en indiquant « que le prix des terrains est plus élevé à Selaata, comparé à Hannouche » et rappelant « qu’EDL a déjà » 35 000 m² « de terrain dans cette dernière zone.


Région protégée
La source précitée juge, de son côté, que le ministère pourrait s’exposer à devoir payer un montant extrêmement élevé en expropriations en s’obstinant à choisir ce second site, dans la mesure où il sera contraint de se conformer aux standards internationaux de sécurité et donc relocaliser toute ou partie de la population de Selaata en dehors d’un certain rayon autour de la centrale.

Le ministère de l’Énergie s’est, pour sa part, montré assez peu sensible aux arguments du conseil municipal de Selaata. Il s’est expliqué dans un communiqué publié hier en réponse à un article sur le sujet publié par le quotidien an-Nahar et reprenant l’essentiel de l’argumentaire de M. Salloum. S’agissant de l’opportunité du changement de site sur le plan financier, le ministère a contredit d’une part l’élu en assurant que le prix des terrains à Selaata est « 25 % plus cher » qu’à Hannouche. Aucune des deux parties n’a cependant communiqué les prix exacts des terrains dans chacune des deux régions. Le ministère a ensuite signalé que les propriétés détenues par EDL à Hannouche étaient dispersées et qu’elles n’étaient pas toutes incluses dans le périmètre du premier site, invitant ses détracteurs à prendre ce paramètre en compte avant de tirer des conclusions.

Sur le plan de la sécurité, le ministère semble considérer que les distances sont suffisantes en n’évoquant le sujet que brièvement, indiquant par exemple que la région n’avait jamais connu d’incidents majeurs, même pendant la guerre civile, et écartant le risque, évoqué à L’OLJ par M. Salloum, que les installations puissent être la cible d’attaques. Le ministère a enfin indiqué qu’il avait été contraint de relocaliser le site car la région de Hannouche est protégée par le ministère de la Culture en raison de la présence de plusieurs « vestiges ».

Le ministère devrait en principe aborder la question du choix du site lors de la réunion de la commission ministérielle dédiée à la réforme de l’électricité qui doit se tenir lundi, juste avant la réunion du Conseil des ministres. « Les personnes à l’origine de la relocalisation ont sans doute leurs raisons. À vue d’œil, le site de Hannouche semble moins accessible que celui de Selaata, et l’espace disponible le contraindrait sans doute à devoir financer le déploiement d’une FSRU au large, ce qui coûte un peu plus cher que de le placer sur la côte. Mais cela restera une économie mineure pour un chantier de cette taille, sans compter une éventuelle facture liée aux expropriations des résidents qui se retrouveraient trop près de l’installation », analyse la source précitée pour conclure.

Située dans le Liban-Nord, entre Batroun et Chekka, Selaata vit depuis quelques temps au rythme des annonces concernant le plan de réhabilitation du secteur de l’électricité dans le pays, dont la mise en œuvre est très attendue par les donateurs de la Conférence de Paris d’avril 2018 (CEDRE). C’est en effet dans la région côtière où se situe cette petite localité de 600...

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"L’élu estime de plus que les travaux vont provoquer la destruction de la plage publique de Selaata, fréquentée par des pêcheurs et des plongeurs." Quoi? Quelqu’un peu m’expliquer comment on peut toucher des commissions et s’en mettre plein les poches avec des pêcheurs et des plongeurs? Non? Personne? Ben voilà, CQFD. Déjà qu’il ne reste plus rien à voler dans le pays, alors "faute de grives on mange des merles" comme on dit. On ne va quand même pas tuer dans l’œuf le peu d’opportunités qui reste à nos chers "élus". Haram, ils le méritent tellement. RESSAISISSEZ-VOUS NOM D’UNE PIPE! Et commencez par fermer et déplacer la centrale de Zouk, qui cause chaque année des milliers de cancers à la population environnante au vu et au su de tous, vers une zone moins (sur)peuplée. Par exemple sur le site de l’une (ou plusieurs) carrières illégales. Faire d’une pierre deux coups, et regagner l’estime du peuple ça ne vous dit rien? Non? Gagner ne rime qu’avec argent? Ben voyons.

Gros Gnon

09 h 02, le 21 septembre 2019

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Commentaires (2)

  • "L’élu estime de plus que les travaux vont provoquer la destruction de la plage publique de Selaata, fréquentée par des pêcheurs et des plongeurs." Quoi? Quelqu’un peu m’expliquer comment on peut toucher des commissions et s’en mettre plein les poches avec des pêcheurs et des plongeurs? Non? Personne? Ben voilà, CQFD. Déjà qu’il ne reste plus rien à voler dans le pays, alors "faute de grives on mange des merles" comme on dit. On ne va quand même pas tuer dans l’œuf le peu d’opportunités qui reste à nos chers "élus". Haram, ils le méritent tellement. RESSAISISSEZ-VOUS NOM D’UNE PIPE! Et commencez par fermer et déplacer la centrale de Zouk, qui cause chaque année des milliers de cancers à la population environnante au vu et au su de tous, vers une zone moins (sur)peuplée. Par exemple sur le site de l’une (ou plusieurs) carrières illégales. Faire d’une pierre deux coups, et regagner l’estime du peuple ça ne vous dit rien? Non? Gagner ne rime qu’avec argent? Ben voyons.

    Gros Gnon

    09 h 02, le 21 septembre 2019

  • A TOUT PROJET DES CONTESTATIONS. OU BIEN LES PROJETS NE SONT PAS BIEN EGTUDIES OU LES CONTESTATIONS SONT FAITES RIEN QUE POUR CONTESTER. L,ABERRATION DANS LES DEUX CAS EST GRANDE.

    LA LIBRE EXPRESSION

    07 h 07, le 21 septembre 2019

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