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Les silences de la honte

Faut-il vraiment crier au scandale, ou se féliciter, au contraire, d’une démonstration de clarté aussi débridée, d’un tel dédain des formes, nuances et autres précautions de style, tout cela dans l’énoncé d’un credo milicien qui, déjà, ne laissait pas trop de place au doute ?

Ce n’est certes pas la première fois que Hassan Nasrallah fait étalage de son allégeance totale – politique, militaire et spirituelle – à l’Iran, comme il s’y consacrait mardi dernier, dans son discours pour la commémoration de la Achoura. Le chef du Hezbollah n’a jamais fait secret de sa détermination à lancer ses troupes dans la mêlée, si la maison mère venait à être agressée par Israël ou les États-Unis. Mais en clamant qu’il ne prenait d’ordre que du seul guide suprême de la révolution iranienne, cet homme habituellement maître de ses propos s’est livré à une provocation à tiroirs. Il a ratissé beaucoup trop large, faisant cette fois beaucoup trop de mécontents, et non des moindres, même s’ils ne peuvent même pas l’admettre. C’est là d’ailleurs que réside le véritable scandale.


Que cette obédience absolue à la République islamique d’Iran, affichée avec défi, puisse heurter nombre de citoyens aspirant à la primauté des institutions, c’est hélas de l’histoire ancienne. C’est cependant à ses propres ouailles – au sein d’une communauté chiite profondément attachée pourtant au sol national – que Nasrallah paraît imposer une acrobatique iranisation à outrance. Du coup, ôte-t-il enfin leurs dernières illusions à tous les autres qui, de bonne foi ou non, persistaient encore à ne voir dans la milice qu’un parti foncièrement libanais, dignement installé au Parlement comme au gouvernement, armé certes, mais seulement pour la bonne cause et œuvrant consciencieusement à l’édification de l’État ?


En fait, c’est bien au sommet de la hiérarchie étatique, superbement ignoré, occulté par son auteur, que le discours de la Achoura occasionne le plus de dégâts. Or aucun des trois pôles du pouvoir – alliés ou non au Hezbollah – ne trouve seulement à y redire : ni un président de la République qui se dit et se veut fort ; ni le président d’une Assemblée censée représenter la totalité du peuple ; ni enfin un chef de gouvernement accoutumé de longue date, il est vrai, à avaler couleuvre sur couleuvre.


Comme pour conjurer son assourdissant silence, c’est sur son souffre-douleur, la presse, que se rattrape le pouvoir : bel acte d’autorité en effet que cette enquête judiciaire engagée contre le quotidien Nida’ el-Watan qui saluait ironiquement, en manchette, l’avènement de la république de Khamenei.


Le titre que porte notre excellent confrère (en français « L’appel du peuple ») peut paraître un peu pompeux, et même un tantinet pompier ; il reste que ce sont bel et bien les sentiments d’une large partie de l’opinion qu’a fidèlement, et vigoureusement, traduits ce journal.


Et si l’État se décidait, lui, à mériter son nom ?


Issa GORAIEB

igor@lorientlejour.com

Faut-il vraiment crier au scandale, ou se féliciter, au contraire, d’une démonstration de clarté aussi débridée, d’un tel dédain des formes, nuances et autres précautions de style, tout cela dans l’énoncé d’un credo milicien qui, déjà, ne laissait pas trop de place au doute ? Ce n’est certes pas la première fois que Hassan Nasrallah fait étalage de son allégeance totale...