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Liban - Repère

Qu’est-ce qui a motivé la « renaissance » de Linord ?

Le Conseil des ministres a débattu hier de la relance d’un vieux projet de développement du littoral nord de Beyrouth, étroitement lié depuis ses débuts à la réhabilitation du dépotoir de Bourj Hammoud.


Les travaux de remblai au niveau de la décharge de Bourj Hammoud. Photo d’archives/Hassan Assal

Un point quelque peu surprenant avait été glissé à l’ordre du jour de la réunion ordinaire du Conseil des ministres hier : la « réouverture » du dossier de Linord pour le développement du littoral nord de Beyrouth, proposée par le Conseil du développement et de la reconstruction (CDR).

D’après ce que l’on sait du déroulement de la réunion, il a été décidé de soumettre à nouveau ce projet à étude en vue d’une réactualisation. Une décision qui signe la remise sur le tapis d’un projet qui était pourtant tombé à l’eau vers la fin des années 90. Le projet Linord (Société libanaise pour le développement du littoral nord de la ville de Beyrouth) a vu le jour dans les années 80. Il comprend la récupération de terrains sur la mer et un plan de « développement » du littoral allant, en gros, du fleuve d’Antélias au fleuve de Beyrouth, sur une surface totale de 2,4 millions de mètres carrés. La surface ainsi développée viserait à accueillir de nombreux bâtiments résidentiels et de bureaux, ainsi que des espaces publics et des industries, entre autres. Les appels d’offres ont été lancés en 1997 par le gouvernement et le CDR, en parallèle à la fermeture et à la réhabilitation prévue de la décharge de Bourj Hammoud. Cette dernière n’a en fait été « réhabilitée » que très récemment dans le cadre de la construction de la décharge, conformément au plan d’urgence de 2016.

Le projet de développement visait à accueillir trois sortes d’activités : espaces récréatifs (au niveau de la marina de Dbayé et sur la superficie résultant de la réhabilitation de la décharge), centre d’affaires et de loisirs et centre industriel (notamment des usines de traitement des eaux vers le fleuve de Beyrouth).


Pourquoi ce retard dans sa réalisation ?
Durant les années 90, ce projet avait suscité des réserves, notamment de la part de la commission parlementaire des Travaux publics en 1996. Des réserves émises également à l’encontre du projet Élyssar (établissement public chargé du réaménagement de la banlieue sud-est de Beyrouth). Le président de l’époque de cette commission, le député Fouad es-Saad, avait alors indiqué que « la commission ne se prononcera pas au sujet de ces deux projets avant d’avoir étudié les éléments qui ont été portés à sa connaissance » (voir L’OLJ du 11 janvier 1996). M. Saad avait émis les réserves suivantes concernant Linord : « Les raisons justifiant sa création, dont le fait qu’il existe un dépotoir à Bourj Hammoud, ne sont pas convaincantes. » D’autres remarques avaient été formulées à la même époque par le député Nassib Lahoud (Metn, opposition) qui éclairent sur les raisons du scepticisme suscité par ce projet. M. Lahoud avait alors noté que « le décret-loi 5/1997 qui régit la création des sociétés foncières (et sur lequel le gouvernement s’est appuyé pour créer Linord) prévoit que de telles sociétés soient mises en place uniquement dans les régions ayant été détruites par la guerre ». Pour lui, « si l’on considère que la région du dépotoir de Bourj Hammoud a été endommagée à la suite d’incidents de sécurité, cela ne signifie pas que toute la région, qui s’étend sur quatre kilomètres, a été détruite par la guerre ». Il avait en outre constaté qu’aucun cahier des charges n’avait été élaboré avant le lancement de l’appel d’offres. Il ne comprenait, par ailleurs, pas pourquoi la société Linord obtenait 70 % des terrains gagnés sur la mer, alors que la part de l’État se limitait à 30 %, se demandant comment ces pourcentages avaient été établis avant qu’une étude de faisabilité n’ait été élaborée.

L’appel d’offres lancé par le CDR en 1997 attirera néanmoins deux consortiums, l’un international et l’autre formé de partenaires libanais. Mais en 1999, pour des raisons qui demeurent l’objet de spéculations jusqu’à aujourd’hui, le projet s’arrête brusquement. Cette année-là, le ministre de l’Information de l’époque, Anwar el-Khalil, se contente d’annoncer que « les deux consortiums ne sont plus intéressés ».


Lien avec les décharges…
Ce qui est clair, en revanche, c’est que l’histoire de Linord est étroitement associée à celle des dépotoirs côtiers et des décharges du littoral nord de Beyrouth.

En 2016, la création d’une décharge côtière à Bourj Hammoud-Jdeidé, dans le cadre du plan d’urgence pour sortir de la crise des déchets de 2015-2016, avait d’ailleurs réveillé le souvenir de Linord.Suite à une tournée des décharges dans le cadre d’un stage effectué en 2017 avec une compagnie libanaise, Élias Azzi, alors jeune ingénieur-étudiant en sciences environnementales à Stockholm et à l’École polytechnique, avait écrit, dans nos colonnes, le 29 avril 2017 : « Le plan national de gestion des déchets adopté en mars 2016 a été mis à mal un an plus tard (voir L’Orient-Le Jour du 22 avril) : les trois décharges prévues à Bourj Hammoud, Jdeidé et Costa Brava font face à des problèmes dus à l’inexactitude des études préliminaires et/ou à des décisions judiciaires. Le tri et le traitement des déchets n’ont pas progressé du fait que les travaux dans les usines en question n’ont pas été engagés (…).

«On en vient donc à se demander pourquoi rien n’est fait pour accélérer le démarrage des travaux à l’usine Coral (Beyrouth) ou pour trier les matières recyclables et les stocker temporairement, par exemple à proximité des décharges, au lieu de les y enfouir de manière irréversible. Quel intérêt peut-on avoir à remplir au plus vite les décharges au lieu de maximiser leur durée de vie et leur rentabilité financière? (…)

«Des éléments de réponse peuvent être trouvés dans l’histoire du Liban. Dans les années 1980, naissait un projet d’aménagement du littoral au nord de Beyrouth, connu sous le nom de Linord. Ce projet de remblais du littoral, s’étalant sur 200 hectares, de l’embouchure du fleuve de Beyrouth au remblai dit de“Joseph Khoury” à Dbayé (achevé en 1998), prévoyait d’accueillir des logements, des bureaux ainsi que des infrastructures publiques (dédoublement d’autoroute, usine de traitement des eaux usées).

«L’issue trouvée à la crise des déchets de 2015-2016 a donc marqué la reprise du projet Linord après deux décennies de veille : les décharges de Bourj Hammoud et Jdeidé sont les premières étapes avant que ne soient probablement remblayées les rives de Zalka et Antélias. Il convient de souligner que si les remblais prévus dans les années 1980 étaient des remblais conventionnels, il s’agit aujourd’hui principalement de nos déchets municipaux. » Des propos qui prennent tout leur sens alors que la décharge de Bourj Hammoud-Jdeidé est si proche de la saturation.



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INCOMPETENCE ET CORRUPTION TOUT AU LONG DE L,HISTOIRE.

LA LIBRE EXPRESSION

12 h 06, le 13 septembre 2019

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  • INCOMPETENCE ET CORRUPTION TOUT AU LONG DE L,HISTOIRE.

    LA LIBRE EXPRESSION

    12 h 06, le 13 septembre 2019

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