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Nos Lecteurs ont la Parole - Maya DE FREIGE

Le cinéma d’une nation ne peut être uniquement l’œuvre du secteur privé

Photos D.R.

Le cinéma libanais est mis à l’honneur par la France. Des films libanais sont régulièrement sélectionnés dans les festivals français les plus prestigieux en France ; en 2016, l’État français a souhaité signer un accord de coopération ambitieux avec le Liban, témoignant ainsi du caractère stratégique d’une collaboration avec notre pays. Il est important que le Liban maintienne sa place parmi les priorités et les orientations de ses partenaires français, notamment du Centre national du cinéma et de l’image animée. En effet, une part non négligeable de nos films sont coproduits avec la France.

Aujourd’hui, à travers la distinction de chevalier des Arts et des Lettres qui m’a été décernée au nom du ministre français de la Culture, M. Franck Riester, la France honore la Fondation Liban Cinéma et reconnaît par là l’importance de cette structure pour le développement de l’industrie.

J’aime bien à penser que cette distinction rejaillit aussi sur l’ensemble d’un secteur artistique en plein essor, mais aussi d’une industrie émergente destinée à progresser malgré la cruelle quasi-absence des pouvoirs publics de mon pays.

Les réalisateurs libanais, les scénaristes, les équipes techniques, les producteurs, les distributeurs et les exploitants de salles constituent un réseau de professionnels hors pair qui portent haut ce que notre pays peut dire de lui, les récits qu’il déroule, les Mémoires qu’il imprime. Cette industrie souffre néanmoins. Elle s’essouffle. La Fondation Liban Cinéma, qui coopère avec le ministère libanais de la Culture pour soutenir la créativité filmique et contribuer à sa promotion, fait ce qu’elle peut pour remplir au mieux cette belle mission. Elle le fait sur fonds essentiellement privés. Ce n’est pas assez.

Le Liban produit de l’intelligence. Il produit de la passion. Nos films sont vus dans le monde entier, mais restent peu nombreux. Nous pouvons faire plus. Nous devons faire mieux. Les autorités publiques libanaises ne sauraient se contenter de la situation actuelle. Elles ne peuvent pas se tenir plus longtemps quasiment en marge d’un secteur industriel et créatif aussi crucial. Elles peuvent accompagner le mouvement par une politique publique fondée sur une vision stratégique et une politique budgétaire assumée. Il n’est pas ici question d’inventer un nouvel impôt en faveur du cinéma libanais mais de faire évoluer dans le bon sens l’environnement législatif.

S’il nous faut contribuer à l’effort collectif de réduction des déficits publics, les talents libanais doivent prendre toute leur place au centre de l’écosystème mondial du film. Pour cela, il faut de l’audace et une vision, portées par l’initiative publique: il nous faut revoir la politique de taxes sur les contrats d’artistes ; revoir à la baisse les tarifs des visas pour ces derniers, devenus prohibitifs ; mettre en place une exemption d’impôts pour les mécènes ; orienter un faible pourcentage des recettes nettes des billetteries vers le secteur créatif du cinéma libanais. Cela profitera grandement aux exploitants de salles. Les films étrangers et libanais montrés au Liban doivent financièrement contribuer à l’augmentation du nombre et de la qualité de nos films nationaux et favoriser ainsi une plus grande affluence dans les salles obscures du public libanais avide d’histoires écrites et tournées par des Libanais. Nos exportations et la distribution renforcée du cinéma libanais généreront un chiffre d’affaires plus important, des emplois, des recettes fiscales et, surtout, de la visibilité pour notre Liban si présent au-delà de nos frontières.

L’absence de l’État dans ce secteur comme dans le secteur des industries culturelles et créatives en général n’est pas une fatalité. Mais rester absent serait une erreur fatale pour nos industries de l’art et du spectacle. La Fondation Liban Cinéma se tient naturellement à la disposition des autorités publiques pour inventer avec elles l’avenir. Il y a urgence.

Présidente de la Fondation Liban Cinéma

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour.

Le cinéma libanais est mis à l’honneur par la France. Des films libanais sont régulièrement sélectionnés dans les festivals français les plus prestigieux en France ; en 2016, l’État français a souhaité signer un accord de coopération ambitieux avec le Liban, témoignant ainsi du caractère stratégique d’une collaboration avec notre pays. Il est important que le Liban maintienne...

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