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Nos Lecteurs ont la Parole - par Sylvain THOMAS

L’authentique chemin vers la béatitude et le ravissement

Le bonheur durable, l’état le plus rare, le plus prisé et le plus mal compris dépend, en réalité, du degré de maturité auquel un homme est parvenu, maturité qu’engendrent, en partie, les dures épreuves. Le bonheur suppose une certaine instruction ou une certaine formation. Il requiert, en effet, un esprit suffisamment meublé. Il est lié à l’aptitude au travail, à la faculté de s’intéresser spontanément au monde extérieur. Il est également lié au goût – franchement avoué –des loisirs et de la solitude.

Le rapport entre bonheur et maturité réduit à néant la thèse de nombreux adultes qui, prenant de l’âge, prétendent que le bonheur est lié à la jeunesse et diminue avec les années. En fait, passé vingt ans, on peut être heureux à n’importe quel âge. Les enfants sont rarement heureux ; s’ils connaissent des éclairs de joie, le fait d’être sans défense dans un monde d’adultes enclins à leur imposer des contraintes les maintient dans un état voisin de la mélancolie. Jusqu’à ce que leur personnalité se stabilise, ils sont généralement assombris par les doutes qui les assaillent et la confusion qui règne en eux.

Des adultes jeunes peuvent se dire heureux : c’est un mot commode pour mettre la vie privée et les états d’âme à l’abri des intrusions indiscrètes. Mais nombre d’entre eux commencent à sentir la fuite rapide du temps et s’en affolent, car ils prennent conscience de l’insuffisance de leur s réalisations. Se lamentant sur leurs fautes et sur leurs choix erronés, ils font la foire et se ruent dans les réceptions qu’ils organisent fébrilement, chantent, rient, boivent trop et parlent d’abondance pour ne pas dire grand-chose. À leurs yeux, la vieillesse est une catastrophe, l’ultime mauvaise plaisanterie liée à ce rêve nébuleux du bonheur.

Et cependant, sur toute la planète, des hommes et des femmes – ayant pour la plupart passé la trentaine – franchissent, sans le savoir, un cap et demeurent un beau matin pétrifiés devant ce miracle : ils sont heureux. Rien n’a changé dans leur maison, dans leur famille, rien n’est différent et pourtant, subitement, tout semble différent. C’est que la personnalité a acquis assez d’expérience pour juger sainement, assez de vigueur pour aimer ; elle a acquis un peu de lumière et de courage et beaucoup de lucidité à l’égard d’elle-même. Une sorte de déclic s’est produit qui est passé inaperçu : un bonheur stable et une béatitude soudaine sont nés.

Cet état est aisément reconnaissable. Une femme a fait, à cet égard, un rapprochement avec les vraies douleurs de l’enfantement, sur lesquelles on ne peut se méprendre : « Quand on attend son premier bébé, disait-elle, on se demande sans cesse quel genre de douleur cela peut constituer. Chaque fois qu’on sent une crampe ou un élancement, on se demande si c’est cela ! » Finalement on ressent une très grande douleur. Alors, aucun doute ne subsiste dans l’esprit ; on sait à n’en point douter que c’est certainement là cette douleur tant attendue. Une douleur qui va se métamorphoser en joie, plaisir et allégresse et exultation d’avoir donné la vie à un être et de lui ouvrir les portes du ciel et de l’éternité. Eh bien ! devenir heureux, c’est exactement la même chose. De temps à autre, au cours de la vie, on croit l’être ; mais que survienne le vrai bonheur, et on le reconnaît immédiatement.

Personne ne naît heureux. Le bonheur, selon les penseurs, n’est pas un don des dieux. On le construit soi-même avec ses ressources éthiques propres. On parvient à être heureux comme on parvient à aimer, en arrivant à s’estimer pour de bonnes raisons. Il est des gens vides et creux qui ne croient pas en leur valeur, qui n’ont pas le respect d’eux-mêmes. Ceux-là n’ont rien à donner, et ils sont profondément malheureux. Réduits à faire à leur entourage mille concessions pour se faire aimer et admirer, ils tremblent sans cesse d’être percés à jour.

Les gens malheureux s’en prennent rarement à eux-mêmes. Ils mettent en cause leur emploi, ou leur mariage, ou la médiocrité de leurs parents, ou la parcimonie du destin. La véritable raison est l’incohérence de leur vie. Incapables de donner, incapables de voir les choses en face, ils ne peuvent communiquer à leurs entreprises, travaux, jeux, amours la moindre chaleur. Passivement, ils attendent le miracle et, dans l’intervalle, ils essaient de détourner leur attention de l’abîme de vide et d’ennui qui est en eux. Il ne leur vient pas à l’esprit qu’ils pourraient améliorer leur sort en essayant de se reprendre et de se refaire une personnalité et ils ont toute leur jeunesse pour avoir le temps d’y remédier.


Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour.

Le bonheur durable, l’état le plus rare, le plus prisé et le plus mal compris dépend, en réalité, du degré de maturité auquel un homme est parvenu, maturité qu’engendrent, en partie, les dures épreuves. Le bonheur suppose une certaine instruction ou une certaine formation. Il requiert, en effet, un esprit suffisamment meublé. Il est lié à l’aptitude au travail, à la faculté de...

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