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Liban - Qabr Chmoun

Après les accusations de Baabda, la riposte du PSP attendue aujourd’hui

Le chef de l’État accusé de « délaisser son rôle d’arbitre » et de « prendre parti ».

Le président de la Chambre, hier, en compagnie du chef du groupe parlementaire du Hezbollah à Aïn el-Tiné. Photo Hassan Ibrahim

Comme si l’affaire de Qabr Chmoun n’était pas déjà assez compliquée, il a fallu y rajouter une dose supplémentaire pour envenimer un peu plus le climat politique survolté. Les informations de presse inédites distillées dimanche soir par des « visiteurs de Baabda », selon lesquels l’ « embuscade tendue à Qabr Chmoun visait Gebran Bassil et non Saleh Gharib », constitue un tournant majeur dans cette affaire aux conséquences potentiellement désastreuses pour la stabilité du pays.

Ce rebondissement de dernière minute de la part du chef de l’État Michel Aoun, qui avait jusque-là fait preuve d’une certaine neutralité dans cette crise, a aussitôt fait réagir le Parti socialiste progressiste, qui a décidé de tenir aujourd’hui à midi une conférence de presse pour « mettre au clair certains faits ». La conférence de presse, que tiendra le ministre de l’Industrie Waël Bou Faour, sera l’occasion pour le parti joumblattiste de « révéler certains aspects inédits » dans cette affaire et de répondre aux accusations lancées depuis Baabda.

Même si les informations n’ont pas émané directement du chef de l’État, il n’en reste pas moins que ce revirement soudain dénote d’une volonté du président d’entrer directement en scène pour trancher un conflit qui, selon ses milieux, a assez duré.

Considéré jusque-là comme une affaire à caractère plutôt interdruze, l’incident qui oppose depuis plus d’un mois et demi le chef du PSP Walid Joumblatt à son rival Talal Arslane, chef du Parti démocratique, prend désormais l’allure d’un conflit druzo-chrétien, préludant un nouveau bras de fer autrement plus complexe.

Pour le Courant patriotique libre, si le chef de l’État est sorti de sa réserve, c’est tout simplement parce que « la situation ne supporte plus autant de jusqu’au-boutisme et de paralysie », allusion faite à la suspension des réunions du Conseil des ministres décidée par le Premier ministre Saad Hariri, qui veut éviter une implosion du gouvernement du fait de la polarisation créée autour de cet incident. Les sources aounistes justifient également ce changement de cap par le fait que M. Joumblatt ne s’est plus contenté de cibler Talal Arslane, mais s’est mis à lancer des attaques en direction du mandat et du président, ce qui, selon les mêmes sources, est « inacceptable ».

En avalisant de la sorte la thèse du « guet-apens » défendue depuis le début par le chef du Parti démocratique, mais dans une version édulcorée selon laquelle c’est le chef du CPL, et non le ministre d’État pour les Affaires des réfugiés, qui était visé, le chef de l’État a ainsi renversé la donne, contredisant ainsi la thèse défendue jusque-là par M. Arslane, qui persistait à dire que c’est Saleh Gharib qu’on a voulu tuer. Une contradiction que le CPL tente de dissiper en mettant en avant la nuance suivante : « L’embuscade était effectivement tendue contre M. Bassil, mais a fini par toucher Saleh Gharib ».



(Lire aussi : Joumblatt reste incontournable !, le décryptage de Scarlett HADDAD)



Parti pris
Pour le PSP, il n’est pas admissible que le président de la République délaisse de la sorte son rôle d’arbitre suprême en prenant partie dans ce conflit.

« Le chef de l’État a prêté serment pour veiller au respect de la Constitution et des institutions, et devrait par conséquent rester à égale distance des parties en s’abstenant de s’immiscer directement dans cette affaire. Son rôle est d’assurer le climat d’indépendance nécessaire à la justice et de s’abstenir de s’immiscer soit directement, soit indirectement par le biais de ministres qui lui sont affiliés », a indiqué le porte-parole du PSP à L’OLJ, Rami Rayess. Ce dernier faisait allusion aux récentes accusations lancées par le PSP et le chef des FL, Samir Geagea, au sujet de manœuvres destinées à désigner de nouveaux enquêteurs d’obédience aouniste au sein du tribunal militaire, qui planche actuellement sur le dossier.

M. Rayess s’est interrogé par ailleurs sur le timing des déclarations émanant de Baabda en se demandant « pourquoi le chef de l’État, qui n’avait rien dit à ce sujet pendant un mois et demi, a choisi de sortir de son mutisme à ce moment précis en court-circuitant le processus judiciaire en cours ».

Plus virulente encore, la réponse du député du bloc joumblattist Bilal Abdallah qui, dans un tweet corrosif, a dénoncé « une époque où le gouverneur, ses proches et sa cour deviennent arbitres, geôliers, enquêteurs, avocats et juges en même temps ». Marwan Hamadé s’est prononcé dans le même sens (voir par ailleurs).

Dans les milieux de Baabda, on affirme que le chef de l’État a tenté par tous les moyens de parvenir à une réconciliation qui était en tête de ses priorités et une composante de son initiative, qui tablait sur un triple processus, sécuritaire, judiciaire et politique. Or, poursuivent des sources officielles, lorsque les portes ont été fermées devant cette initiative et après que le président a usé de toutes ses cartes, il a estimé que la justice devait prendre son cours.

Hier, les quatre prévenus remis à la justice par le chef du PSP dans le cadre de cette affaire ont comparu devant le juge d’instruction près le tribunal militaire, Marcel Bassil, qui vient de se saisir de l’affaire. Ils n’ont toutefois pas été interrogés par le juge, ayant demandé un délai supplémentaire pour désigner un avocat de défense. Le juge leur a accordé vingt-quatre heures avant d’émettre à leur encontre des mandats d’arrêt.

En attendant que se décante le processus judiciaire, la guerre des tranchées se poursuit, ainsi que le débat autour de la pertinence d’une réunion du Conseil des ministres que continuent de réclamer à cor et à cri le CPL et le Hezbollah, faisant valoir l’urgence de remédier à la situation économique de plus en plus précaire. Le député du Hezbollah Hassan Fadlallah s’est demandé hier qu’est-ce qui empêchait le gouvernement de se réunir et de débattre de cet incident, rappelant que l’exécutif doit mettre les bouchées doubles pour pouvoir régler les problèmes financiers, économiques et sociaux.



(Lire aussi : Geagea met en cause la transparence de la procédure suivie au tribunal militaire)



Concomitance
Pour sa part, Walid Joumblatt a maintenu sa position initiale consistant à traiter de manière concomitante l’affaire de Qabr Chmoun et celle de Choueifate, qui s’était soldée par la mort, aux mains de partisans de Talal Arslane, d’un membre du PSP à la suite d’une série de provocations et d’accrochages sur fond des dernières législatives. Ce serait en tous les cas la solution que tenterait de négocier le président du Parlement, Nabih Berry, en vue d’une issue à la crise. Selon des sources informées, en mettant sur un pied d’égalité les deux affaires qui seraient traitées par la même instance judiciaire, on parviendrait ainsi à une neutralisation des crimes imputés de part et d’autre, une issue médiane destinée à calmer le jeu.

Après avoir rencontré le chef du groupe parlementaire du Hezbollah, Mohammad Raad, le président de la Chambre, Nabih Berry, qui s’abstient à ce jour de divulguer quelque détail que ce soit sur son initiative, s’est contenté de qualifier la situation de « dangereuse ». À son tour, Mohammad Raad a indiqué que la solution est à rechercher dans « les prières ».

Selon une source proche du Hezbollah, M. Berry joue comme d’habitude au pompier. Dans cette affaire, « il est clair qu’il ne veut pas voir Walid Joumblatt encerclé ou brisé ». Et de conclure : « Personne ne veut aller jusqu’au bout. Mais, en attendant un règlement, chaque partie essaye de conforter sa position et de se donner plus de poids. »




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Comme si l’affaire de Qabr Chmoun n’était pas déjà assez compliquée, il a fallu y rajouter une dose supplémentaire pour envenimer un peu plus le climat politique survolté. Les informations de presse inédites distillées dimanche soir par des « visiteurs de Baabda », selon lesquels l’ « embuscade tendue à Qabr Chmoun visait Gebran Bassil et non Saleh Gharib »,...

commentaires (5)

nouveau scenario tel qu'emis par baabda.Bravo ! serait ce que "on" aurait craint une solution au probleme dit inter druze qui ne leur("on") sied pas ?

Gaby SIOUFI

12 h 33, le 06 août 2019

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Commentaires (5)

  • nouveau scenario tel qu'emis par baabda.Bravo ! serait ce que "on" aurait craint une solution au probleme dit inter druze qui ne leur("on") sied pas ?

    Gaby SIOUFI

    12 h 33, le 06 août 2019

  • Grosse surprise en effet. Une surprise très mauvaise. Est ce qu'il s'agit d'une diversion pour apaiser les tensions entre Joumblat et Arslane ? Est ce qu'il s'agit d'une accusation dans le but de charger d'avantage le camp joumblatiste ? Une chose est sûr et à craindre... 1-le président Aoun intervient et accuse une partie au détriment d'autres alors que la justice ne s'est même pas encore prononcé (c'est grave pour la democratie) 2- le président garant de la paix sociale, des libertés et de la défense des libanais, garant de l'équité entre les communautés, se montre soudain comme un parti prenant ... Y'a-t-il encore un pilote dans l'avion ? L'état s'affaiblit jour après jour. C'est inquiétant.

    Sarkis Serge Tateossian

    10 h 57, le 06 août 2019

  • PARTI PRIS AU SOMMET QUI ENVENIME ENCORE PLUS LA SITUATION ET MET EN DANGER LA SECURITE ET LE BUDGET. CHOU HAL BALAD !

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 38, le 06 août 2019

  • Il y a un dicton libanais qui dit en substance: il m’a frappé et il a pleuré, il m’a devancé pou4 m’accuser.” Tout au cours de notre histoire nous avons pratiqué les Druzes, nommément M. Joumblatt au cous de ces dernières années, mais vu les imbroglios de cette affaire, heureux celui qui pourrait en démêler l’écheveau. Georges Tyan

    Lecteurs OLJ 3 / BLF

    07 h 53, le 06 août 2019

  • Alors que l'enquête a conclu qu'il n'y avait pas eu tentative d'attentat, non seulement on désigne de nouveaux enquêteurs, mais en plus, on leur précise d'avance quelles doivent être leurs conclusions! Bravo pour l'indépendance de la justice!

    Yves Prevost

    07 h 04, le 06 août 2019

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