« Je peux rester des heures à laver, empaqueter et préparer pour la congélation 14 kilos de feuilles de pissenlit (hendbé) ou de mloukhiyé. Je travaille les ingrédients selon les saisons bien sûr et là je viens de terminer ma mouné de pesto. »
On le connaît icône du baladi (à ne pas confondre avec la danse du ventre classique), danseur fou qui transcende les modes, les interdits et les idées reçues. Le seul homme à s’adonner à cette pratique au Liban et au Proche-Orient. Alexandre Paulikevitch est aussi un féru de cuisine.
« La famille de mon père est d’origine austro-hongroise, arrivée au Liban au XIXe siècle, et ma grand-mère paternelle est italienne. C’est de mon père, Rudolph, que j’ai pris le goût des aliments raffinés. Le reste vient du côté de ma mère, Gina, originaire de Qobeyate, dans le Akkar », précise le danseur à qui l’on découvre, grâce à son compte Facebook, une autre passion, celle de la cuisine.
Ceux qui le connaissent uniquement en costume de scène, le visage maquillé et les boucles folles, le corps souple et sensuel, ont du mal à imaginer Alexandre Paulikevitch derrière les fourneaux ou avec sa famille de Qobeyate en train de préparer des feuilles de vigne farcies, du makdous, du debs el-remmane ou du concentré de tomate.
« Petit, j’allais dans les champs avec ma grand-mère cueillir des herbes sauvages et comestibles, mais je prenais vite la fuite, car j’avais peur des serpents ! Avec le temps, j’ai appris à les reconnaître, les choisir et les couper grâce à ma tante », se souvient-il.
Le goût des bonnes choses et de la nourriture saine l’a poussé à cultiver une dizaine de plantes aromatiques et de légumes sur sa terrasse d’Achrafieh.
« Le matin, rien ne vaut pour la santé une tartine de labné de chèvre, avec des tomates, des oignons verts, du basilic et de la menthe fraîchement cueillie », dit-il, vantant les mérites des ingrédients et des plats libanais. « Je me dis toujours que si je veux changer de carrière j’opterai pour la cuisine ! » avoue-t-il.
Un parcours coloré
Arrivé à Paris à dix-huit ans, le danseur suit durant trois mois des cours d’arts plastiques avant de s’inscrire en droit à la Sorbonne. Deux courtes années plus tard, il se réoriente vers l’École hôtelière de Paris, pour deux ans également. « J’ai gardé toutes mes notes et surtout un carnet où j’avais noté les astuces des grands chefs. Puis j’ai déménagé en confiant quelques boîtes à une amie qu’elle a rangées dans sa cave… et puis le ménage de la cave s’est fait ! » raconte-t-il. Puis un jour, comme dans une évidence, il lâche tout pour la danse, et suit des cours de théâtre et de danse à Paris VIII. La cuisine viendra à lui à la mort de sa mère en 2008, et son retour au Liban.
« La cuisine, en fait, est mon lien avec ma mère. En cuisinant, j’ai voulu la retrouver et cela m’a pris du temps de pouvoir reconstituer le goût de ses plats », confie-t-il, ajoutant d’un air moins sérieux : « Puis j’ai découvert le secret de ce goût : il fallait ajouter encore plus de beurre et de gras ! »
« La relation avec nos mamans passe dès le début par la nourriture. Ma mère préparait les plats que j’aimais, m’attendait en réchauffant à plusieurs reprises celui qu’elle avait préparé parce que j’étais souvent en retard. Elle témoignait surtout de l’amour qu’elle nous portait à ma sœur et à moi à travers la nourriture, poursuit-il. Aujourd’hui, quand je vois des mamans, j’aborde avec elles ce sujet. Pour moi, ce domaine leur appartient », dit-il. C’est d’ailleurs en y parlant autour de lui qu’Alexandre Paulikevitch a rassemblé des recettes de tout le Liban.
« Je viens d’avoir les recettes de la mjadara hamra et de la kammouné du Liban-Sud, de la maman d’une infirmière qui veille mon père à l’hôpital. »
Car depuis trois mois, le danseur est au chevet de son père, hospitalisé. Il y passe toutes ses nuits, rentre chez lui quelques instants et puis y retourne. Il arrive, durant ces heures passées à la maison, à concocter des plats ou à préparer sa mouné. La semaine écoulée était celle du pesto, car il était temps de cueillir le basilic planté à la terrasse !
« Je n’ai jamais appris à cuisiner en petite quantité. Même si je vis seul je prépare d’énormes marmites de ragoût ou de grands plats libanais. Il y a toujours des amis qui viennent, alertés par les photos que je poste sur Facebook, et je ne jette jamais des restes. Je suis un champion du recyclage des aliments et je n’ai aucun problème à consommer un même plat durant une semaine, jusqu’à la dernière bouchée... »
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commentaires (3)
D'après l'article https://www.lorientlejour.com/article/879394/le-pissenlit-une-mauvaise-herbe-aux-multiples-vertus.html le pissenlit c'est le «mokho bi ebbo» en libanais .
Stes David
13 h 04, le 25 juillet 2019