Rechercher
Rechercher

Liban - Pots-de-vin

L’affaire de l’École militaire est aux mains de l’Inspection judiciaire

Le dossier, en suspens devant le tribunal militaire, a été transféré dans son ensemble sans viser aucun nom de magistrat, a assuré le ministre de la Défense Élias Bou Saab.

Élias Bou Saab et Samir Jisr lors de la conférence de presse au Parlement. Photo Ali Fawaz

L’affaire des pots-de-vin encaissés en 2016 par des officiers de l’armée pour faire entrer des élèves à l’École militaire a resurgi hier à travers le ministre de la Défense Élias Bou Saab, qui a affirmé avoir réclamé au ministre de la Justice, Albert Serhane, de déférer le dossier auprès d’une autre autorité que celle du tribunal militaire, devant lequel il est en suspens depuis près de deux ans, soulignant toutefois qu’il n’accuse aucun magistrat. Acquiescant à sa demande, M. Serhane avait désigné l’Inspection judiciaire pour examiner le dossier.

« J’ai envoyé une note au ministre de la Justice au sujet du dossier lié à l’entrée de certains élèves à l’École militaire, effectuée grâce au paiement de pots-de-vin à des officiers, lui demandant de transférer ce dossier à une autre autorité que le tribunal militaire, devant lequel il est toujours en suspens », a indiqué M. Bou Saab, lors d’une conférence de presse qu’il a tenue au siège du Parlement avec Samir Jisr, député du courant du Futur, à l’issue d’une réunion de la commission parlementaire de la Défense présidée par ce dernier, et articulée autour de la question des pots-de-vin. « L’affaire avait connu des développements devant le tribunal militaire, la commission spéciale d’enquête au sein de la Banque du Liban ayant émis un rapport selon lequel, sur une période de cinq ou six ans, un mouvement bancaire portant sur 19 millions de dollars a fluctué de manière injustifiée dans le compte d’une des personnes impliquées », a affirmé le ministre de la Défense, soulignant que depuis, « l’affaire est en suspens ». « J’ai donc demandé au tribunal militaire de m’envoyer le dossier (255 pages), et je l’ai moi-même transféré au département juridique du ministère de la Défense et à certains magistrats expérimentés », a-t-il précisé, notant que le service du contentieux au sein de son ministère a perçu « des fautes commises (par certains magistrats) au cours du procès », ce qui l’a conduit à demander le transfert de l’affaire devant une autorité compétente. « Après examen, le ministre de la Justice m’a informé qu’il a envoyé le dossier à l’Inspection judiciaire », a précisé M. Bou Saab. « À ceux qui demandent pourquoi j’interfère dans le tribunal militaire, je dis que la loi m’en donne le droit et que les prérogatives du ministre de la Défense à l’égard du tribunal militaire sont semblables à celles du ministre de la Justice sur les tribunaux civils », a-t-il dit au passage.


(Lire aussi : Chidiac dépose un plan de lutte contre la corruption)



Pressions ?

Interrogée par L’Orient-Le Jour sur les raisons pour lesquelles le ministre de la Justice a désigné l’Inspection judiciaire, une source militaire affirme que certains magistrats du tribunal militaire sont soupçonnés de ralentir, voire d’entraver le cours de la justice dans l’affaire de l’École militaire. Elle estime que ce torpillage serait dû soit à leur proximité avec les officiers accusés d’avoir reçu des pots-de-vin, soit aux pressions politiques qu’ils subissent en vue d’épargner les coupables.

Cette source affirme que dès sa prise en charge du commandement de l’armée, en 2017, le général Joseph Aoun avait pris des mesures disciplinaires à l’encontre des officiers coupables, les mettant à l’écart en leur interdisant de remplir leurs fonctions. Il avait ensuite transmis leur dossier à la police militaire, qui après avoir procédé à des investigations, l’a communiqué au tribunal militaire, supposé procéder à une enquête plus élargie. Une enquête qui visiblement n’a pas été complétée.

Une autre source informée indique à L’OLJ que parmi ceux qui ont reçu des gratifications pour faire entrer des postulants à l’École militaire, figurent aussi des officiers de l’armée et des Forces de sécurité intérieure à la retraite, ainsi que des civils. Il est vrai que des arrestations ont été effectuées en 2017, mais les personnes appréhendées ont été aussitôt remises en liberté. Cela serait dû à l’opposition entre les points de vue et jugements des différents magistrats en charge de l’affaire, estime la source, notant que beaucoup de temps mort s’est écoulé dans le traitement de la question, en raison justement de la différence dans les avis.

Mohammad Khawaja, député du groupe Berry et membre de la commission parlementaire de la Défense, affirme à L’OLJ que « c’est pour obtenir des éclaircissements sur cette question qui a fait couler beaucoup d’encre dans les médias, se transformant en une question d’opinion publique, que le président de la commission Samir Jisr a demandé au ministre de la Défense de venir expliquer sa démarche entreprise auprès du ministre de la Justice ». « De nombreuses informations médiatiques ayant rapporté que M. Bou Saab a soumis sa demande en mentionnant les noms de magistrats qui entravent le cours de la justice, celui-ci a démenti ces rumeurs et assuré qu’il a transmis le dossier dans son ensemble sans citer de nom ni juger personne », ajoute le député. On note à cet égard que les médias avaient diffusé notamment des noms qu’on dit proches du courant du Futur, en l’occurrence Ala’ el-Khatib, juge d’instruction, et Hani Hajjar, assistant du commissaire du gouvernement auprès du tribunal militaire, Peter Germanos, lequel est proche du Courant aouniste. « Suite aux assertions de M. Bou Saab, le président et l’ensemble des membres de la commission, toutes orientations confondues, ont été convaincus que le transfert de l’affaire à l’Inspection judiciaire n’est pas lié à une volonté de l’orienter dans une direction politique déterminée », indique M. Khawaja.


Pour mémoire

Adwan veut renforcer la lutte contre la corruption des juges

Contre la corruption, l’Inspection centrale met les bouchées doubles

« La corruption fait rage et personne ne fait confiance à l’État »

L’affaire des pots-de-vin encaissés en 2016 par des officiers de l’armée pour faire entrer des élèves à l’École militaire a resurgi hier à travers le ministre de la Défense Élias Bou Saab, qui a affirmé avoir réclamé au ministre de la Justice, Albert Serhane, de déférer le dossier auprès d’une autre autorité que celle du tribunal militaire, devant lequel il est en suspens...

commentaires (1)

19M de dollars????? Pour des places à l’école militaire???? Sur les comptes d’un seul des prévenus???? C’est pas un pot de vin, c’est un château d’eau de vin! Et ça ne peut que cacher autre chose. Une fortune de plus de 19M d’un officier de troupe? On gagne bien sa vie à l’armée, et dire que les militaires manifestent contre une réduction de leur pension! Bienvenue en absurdie.

Bachir Karim

08 h 57, le 23 juillet 2019

Tous les commentaires

Commentaires (1)

  • 19M de dollars????? Pour des places à l’école militaire???? Sur les comptes d’un seul des prévenus???? C’est pas un pot de vin, c’est un château d’eau de vin! Et ça ne peut que cacher autre chose. Une fortune de plus de 19M d’un officier de troupe? On gagne bien sa vie à l’armée, et dire que les militaires manifestent contre une réduction de leur pension! Bienvenue en absurdie.

    Bachir Karim

    08 h 57, le 23 juillet 2019

Retour en haut