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À La Une - Repère

Le nouvel appel au dialogue du pouvoir peut-il sortir l'Algérie de l'ornière ?

Si le blocage se poursuit, le pays est susceptible d'entrer "dans une phase plus tendue", selon une experte.

Un manifestant brandissant le drapeau algérien, lors d'une manifstation à Alger, le 2 juillet 2019. AFP / RYAD KRAMDI

Le président algérien par intérim, Abdelkader Bensalah, a proposé mercredi la création d'une instance de dialogue pour organiser la présidentielle, et promis que l'Etat et l'armée observeraient une "stricte neutralité" lors du processus. Voici quelques clés pour comprendre cette nouvelle offre.


Quelles sont les modalités du dialogue?

Dans son discours à la Nation, le président par intérim n'a pas donné de détails sur le calendrier. Tout juste sait-on que ce dialogue sera mené "en toute liberté et en toute transparence par des personnalités nationales, crédibles, indépendantes, sans affiliation partisane et sans ambition électorale".

Cet engagement fait écho à l'une des principales revendications de la contestation, qui réclame la formation d'institutions de transition indépendantes des personnalités du "système" en place depuis des décennies.

M. Bensalah, 77 ans, avait déjà appelé début juin la classe politique au dialogue pour trouver un consensus sur la présidentielle, une proposition rejetée par la contestation.

Cette fois, "l'Etat, dans toute ses composantes, y compris l'institution militaire", ne participera pas au dialogue et fournira simplement "les moyens matériels et logistiques", a promis le président par intérim.

Ahmed Sadok, chef du groupe parlementaire du principal parti d'opposition, le Mouvement de la société pour la paix (MSP, islamiste), évoque "un beau discours". Mais son parti dit "attendre" de voir comment l'offre va être mise en pratique.



Pourquoi maintenant?

Cette proposition intervient à la veille du 57e anniversaire de l'indépendance - qui coïncide avec le 20e vendredi de manifestation contre le régime - et alors que le pouvoir s'apprête à sortir du cadre constitutionnel: la période d'intérim de M. Bensalah s'achève le 9 juillet, au terme des 90 jours prévus par la Constitution.

Aucun potentiel successeur à Abdelaziz Bouteflika ne s'est présenté et la présidentielle prévue le 4 juillet -rejetée par les manifestants- a été annulée. Un tel cas n'est "pas du tout prévu par la Constitution", dit à l'AFP un juriste sous couvert d'anonymat.

Le pouvoir cherche donc une issue contrôlée à la crise. Via M. Bensalah, il a de nouveau demandé mercredi soir aux manifestants d'abandonner "les exigences irréalistes de nature à prolonger la situation actuelle".



(Lire aussi : Algérie : démission du président de l’Assemblée, visé par la contestation)



Qui gouvernera après le 9 juillet?

M. Bensalah a déjà annoncé que la "situation exceptionnelle" l'obligeait "à continuer à assumer la charge de chef de l'Etat jusqu'à l'élection" d'un nouveau président. Après le 9 juillet, il restera donc au pouvoir, mais "hors de tout cadre", souligne l'historienne Karima Dirèche, directrice de recherche au CNRS.

Pour la contestation et de nombreux observateurs, le président par intérim n'est toutefois pas le détenteur du pouvoir réel, assumé par le général Ahmed Gaïd Salah, chef d'état major de l'armée, remise au centre du jeu politique après être intervenue pour pousser M. Bouteflika à la démission.


(Lire aussi : Algérie : Arrestation d’un célèbre vétéran de la guerre d’indépendance)



Quelles sont les conditions préalables au dialogue?

Jusqu'à la "concrétisation" des annonces de M. Bensalah, "le doute persistera", affirme Noureddine Bekkis, enseignant en sociologie politique à Alger. Malgré "un discours positif avec une feuille de route raisonnable", le professeur déplore "l'absence de l'annonce des mécanismes et outils" pour lancer ce dialogue.

Abdelouahab Fersaoui, président de l'organisation citoyenne du Rassemblement Action Jeunesse (RAJ), insiste sur les conditions préalables. "Tout dépendra du choix des personnalités", ajoute-t-il, la contestation refusant celles du "système".

Il y a une crise de confiance vis-à-vis du pouvoir, renchérit le sociologue Nacer Djabi, pour qui le peuple, dont la mobilisation ne faiblit pas, attend "des noms". L'arrêt des interpellations de manifestants et l'autorisation pour la contestation de débattre à la télévision publique sont également des conditions préalables au dialogue, estime M. Djabi, qui a lancé mercredi un appel à manifester.


L'offre peut-elle changer la donne?

Les autorités ne peuvent tenir "longtemps" dans la configuration actuelle, estime Karima Dirèche. Selon elle, le pouvoir pensait que les trois mois d'intérim permettraient "de convaincre la contestation du bien-fondé d'élections rapides". Si le blocage se poursuit, l'Algérie est susceptible d'entrer "dans une phase plus tendue", prévient-elle. En cas de refus de la proposition de M. Bensalah, M. Gaïd Salah peut encore accepter "la mise sur pied d'une instance autonome pour prendre le relais de la présidence intérimaire", ajoute-t-elle. "C'est un scénario plausible: les autorités ont déjà lâché du lest et n'ont pas hésité à déchoir un président et son clan". Mais le système encore en place "n'a pas envie de négocier à n'importe quel prix", souligne l'historienne. Et, l'autre scénario, "c'est la violence", met-elle en garde.

Côté contestation, les observateurs "un peu avertis pensent que les marches ont montré leurs limites". "Il faut désormais trouver une solution politique". Mais reste à savoir "comment la feuille de route peut être négociée", conclut Karima Dirèche.



Pour mémoire

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