La conférence de Manama (Bahreïn) est terminée depuis mercredi, mais ses effets se font toujours sentir au Liban. Selon certains médias, l’administration américaine aurait directement proposé au Premier ministre Saad Hariri des projets de développement dont le coût s’élèverait à près de 6 milliards de dollars, moyennant l’implantation des Palestiniens présents sur le territoire libanais et le maintien des déplacés syriens jusqu’à l’adoption d’une solution politique au conflit syrien, qui n’est pas en vue dans un proche avenir. Les sources proches du Sérail refusent de commenter cette information, sans la démentir ni la confirmer. Mais des parties diplomatiques libanaises ayant suivi de près les préparatifs puis le déroulement de la conférence de Bahreïn révèlent qu’en réalité, même les participants les plus proches de l’administration américaine n’étaient pas très convaincus du succès de cette conférence. Par exemple, le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi, directement concerné par le plan américain surnommé le « deal du siècle », ne ferait pas preuve d’un grand enthousiasme. En principe, le plan prévoit d’accorder de larges superficies dans le désert du Sinaï aux Palestiniens, en compensation des territoires qui leur seront arrachés en Cisjordanie en raison des colonies israéliennes. En même temps, les Égyptiens devront jouer un rôle majeur dans l’exécution du plan, en poussant les différentes organisations palestiniennes à se rallier autour de l’Autorité qui, elle, les représenterait dans le processus qui devrait commencer après la conférence de Manama. Il est même prévu de construire une sorte d’autoroute qui relierait Gaza à la Cisjordanie. Or, selon les parties libanaises qui suivent ce dossier, le président américain n’a évoqué aucune de ces questions avec le dirigeant égyptien, lors de la dernière visite effectuée par ce dernier à Washington en préparation de la conférence de Manama.
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Deux explications sont avancées à ce fait : soit le président Donald Trump ne prend pas très au sérieux les possibilités de réussite du fameux « deal du siècle » et préfère évoquer avec ses interlocuteurs du Moyen-Orient des sujets plus brûlants comme la tension avec l’Iran. Soit il a compris les réserves de M. Sissi sur certaines dispositions du « deal du siècle », et préfère par conséquent éviter le sujet pour ne pas braquer son interlocuteur, estimant que les développements le feront changer d’avis au bon moment. Cette même attitude s’est répétée avec le roi Abdallah de Jordanie, lui aussi opposé aux dispositions du « deal du siècle », dans la mesure où il ne reconnaît pas l’émergence d’un État palestinien viable et souverain et maintient un grand nombre de réfugiés palestiniens en Jordanie, remettant ainsi sur le tapis « la fameuse option jordanienne » si chère à l’ancien Premier ministre israélien Ariel Sharon (la Jordanie comme patrie de rechange pour les Palestiniens).
Ces deux pays arabes (l’Égypte et la Jordanie), ayant déjà des accords de paix avec les Israéliens, ont donc participé à la conférence de Manama, pour ne pas déplaire à l’administration américaine, mais sans trop y croire, selon les sources diplomatiques libanaises qui suivent le dossier. Toujours selon ces mêmes sources, le plan américain manque de réalisme et surtout de connaissance réelle de la place que représente malgré la crise économique, les erreurs des uns et des autres, les conflits et les divisions, la cause palestinienne pour les Arabes. D’autant que le plan ne prévoit que des sommes d’argent en contrepartie de concessions sur la terre et les droits. D’ailleurs, la conférence de Manama s’est à peine terminée que l’intérêt des médias est passé à la réunion du G20, beaucoup plus riche en développements politiques.
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Face à ces données, il est clair que même si des personnalités de l’administration américaine ont fait des propositions directes au Premier ministre libanais au sujet des Palestiniens et des déplacés syriens, selon la tactique habituelle basée sur la volonté de jouer sur les divergences internes, le Liban a toute la latitude de refuser, puisque des points plus importants dans le fameux plan américain ont été gelés par les parties concernées. Dans ce contexte, le volet libanais est un détail et ce n’est pas lui qui peut bloquer le plan, ou au contraire le débloquer. Pour cette raison, les sources précitées affirment que cela ne sert à rien de susciter une polémique interne sur cette question, puisque le blocage est venu d’ailleurs, des Palestiniens en premier lieu, et du manque d’enthousiasme des États arabes en second lieu. Par conséquent, la position du Liban n’est pas déterminante pour le maintien du processus.
Dans ce même contexte, la visite du secrétaire d’État adjoint américain David Satterfield, attendu à Beyrouth demain mardi, ne devrait pas permettre d’effectuer une grande percée dans le dossier du tracé des frontières maritime et terrestre. Selon les sources diplomatiques libanaises précitées, les dossiers sont liés et si le plan américain de solution pour le conflit arabo-israélien marque une pause, le volet libano-israélien pourrait aussi le faire, la région tout entière ayant actuellement d’autres priorités.
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commentaires (4)
Faudrait d'abord savoir qui est "refugie"? Ceux de 1948 ou TOUT leur descendants? Impossible de croire meme une secnde que les descendants des refugies de 1948 pourraient un jour retourner en Israel. Tant que cette utopie existe, le probleme du MO ne sera JAMAIS resolu. Vous imaginez que meme dans les territoires sous controle de la PA il y a encore des soisdisants refugies. Pourquoi ne sont-il pas consideres comme Palestiniens? Une affaire de gros sous, puisque pour chaque "refugie" inscrit sur la liste de l'UNRWA la PA recoit US$ 440,0/par mois et par refugie.... Donc ca suffit ce cinema!
IMB a SPO
16 h 21, le 01 juillet 2019