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Portraits de collectionneurs

Mazen Soueid : regarder, se délecter puis acquérir

Collectionner des œuvres d’art n’est pas réservé à une élite. Plus que jamais, l’art est accessible à tous. Cela exige deux choses : de la passion et un brin d’obsession, les deux lignes directrices de Mazen Soueid, docteur ès économie et grand collectionneur d’art syro-libanais.

Mazen Soueid. Photo Anne Ilcinkas

Collectionner, c’est d’abord visiter les ateliers des artistes, les musées et les galeries en prenant son temps, mais le plus important est de savoir regarder. Voilà ce que Mazen Soueid et son épouse Loulia Berbir ont le plus de plaisir à faire. Regarder, se délecter pour ensuite acquérir. « Quand je regarde certaines de mes toiles, il m’arrive d’avoir des palpitations de bonheur, et lorsque je pars en voyage, il me tarde de rentrer pour les revoir, certaines fois pour leur présenter une nouvelle venue qui ne va pas tarder à les rejoindre sur les cimaises de mon appartement. Pour moi, collectionner n’est pas investir. Je ne pense jamais profit et ne collectionne pas dans l’espoir d’épargner, sinon je risque de m’égarer, dit ce collectionneur aguerri. Lorsque vous êtes entouré de belles choses, vous avez tendance à être en accord avec le monde, paisible et créatif. L’art a un rôle important à jouer au Liban et au Moyen-Orient, il rapproche et réconcilie. »

Quand l’amateur devient collectionneur

Lorsqu’on pénètre dans l’appartement de Mazen et Loulia Soueid, l’œil est tout de suite happé par une grande toile qui représente une femme assise, le pinceau à la main, visiblement à l’oeuvre. Elle est entourée d’œuvres (et ceci est une caractéristique propre à la technique de Mohammad el-Rawas, celle de mélanger les époques et les genres) faisant référence aux grands maîtres de l’école flamande, impressionniste ou moderne. Il s’agit de Loulia Soueid en train de peindre son époux.

Né à Beyrouth en 1974, Mazen Soueid est scolarisé au collège Carmel St-Joseph et a grandi dans une maison où l’art a toujours trouvé sa place. « Toute ma vie, j’ai observé mes parents revenir avec les mains pleines d’objets d’art de leurs voyages à travers le monde. Ce n’était pas certes de grandes œuvres, mais ils encourageaient les artistes et aimaient conserver un souvenir de chacune de leurs pérégrinations. Au département culturel de la revue al-Ousbouh el-arabi où tous deux travaillaient, il leur arrivait de côtoyer des artistes qui à leur tour les remerciaient en leur offrant une de leurs œuvres. Petit à petit, les murs de notre appartement se laissaient habiller de couleurs. Plus tard, mon père m’encouragera à acheter des œuvres d’art et des objets d’artisanat locaux. » Mazen Soueid obtient son bac et s’inscrit à l’Université américaine de Beyrouth (AUB) pour un cursus en économie, qu’il complétera avec un PhD aux États-Unis. Il rejoint le Fonds monétaire international (FMI) à l’âge de 20 ans et commence à construire sa première collection sur la base de ses voyages dans les pays en développement. Du Laos au Cambodge, en passant par le Vietnam et le Venezuela, pas une seule région n’échappait au regard fouineur du collectionneur. Une fois ses journées de travail achevées, il se lançait à la recherche du coup de cœur qui l’attendait. En 2006, il quitte définitivement les États-Unis et rentre s’installer au Liban. Sa mère l’encourage à regarder du côté des artistes libanais. « Elle voulait que je soutienne l’art libanais et m’a amené à rencontrer Mohammad el-Rawas. » En 2007, Mazen Soueid rencontre sa future épouse. Sa mère était elle-même artiste peintre. L’aventure allait continuer, mais à deux…

Mon Madi préféré ? Impossible de choisir !

« Les deux premières pièces que j’ai achetées sont le résultat de ma visite à Mohammad el-Rawas, dont l’une s’intitulait The Couple. Une amie, grande connaisseuse, m’introduit auprès des artistes libanais comme Hassan Jouni et Hussein Madi. » La découverte de Hussein Madi fut un moment de grande révélation dans la vie du collectionneur. Aujourd’hui, outre le fait de posséder plus de 30 pièces entre toiles, dessins et sculptures du grand maître, il se plait à écouter sa philosophie de l’art, qui rejaillit sur ses toiles. « Une philosophie principale qui consiste à prouver que l’univers entier est composé d’un seul élément qui peut tout contenir : un oiseau, une femme, une montagne, une feuille d’arbre, le Soleil et la Lune. Dans ses œuvres, je lis le temps qui passe, je lis la vie qui reprend son cours, j’apprécie son coup de brosse, ses compositions réfléchies, ses courbes et les lignes qui les traversent. Ses femmes sont sensuelles, elles représentent la vie, la mort, l’amour et le sexe.… »

« Si j’étais contraint de quitter mon appartement à la hâte (à Dieu ne plaise) et qu’il fallait sauver deux pièces de ma collection ? J’emporterai une toile de Madi sous le bras et une sculpture dans les mains. »

Aujourd’hui, la collection des Soueid comprend des œuvres d’Ayman Baalbacki, de Abed el-Kadiri, de Youssef Nabil, mais aussi d’Arman et d’autres artistes modernes et contemporains. Son rêve ? Ouvrir un jour un espace polyvalent pour instruire et rassembler autour du beau et de l’immuable.

Collectionner, c’est d’abord visiter les ateliers des artistes, les musées et les galeries en prenant son temps, mais le plus important est de savoir regarder. Voilà ce que Mazen Soueid et son épouse Loulia Berbir ont le plus de plaisir à faire. Regarder, se délecter pour ensuite acquérir. « Quand je regarde certaines de mes toiles, il m’arrive d’avoir des palpitations de...

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