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Portraits de collectionneurs

Karim Abillama : de pérégrination en pérégrination

Il est né dans une famille où l’art occupe une place privilégiée. De père collectionneur et artiste lui-même (ce dernier s’en défend modestement en se qualifiant d’artiste du dimanche) et de mère chineuse, le collectionneur avoue pourtant que tout est dans l’ADN.

Karim Abillama. Photo Anne Ilcinkas

En France durant la guerre libanaise, Karim Abillama passe son enfance à accompagner ses parents soit dans les galeries, soit aux puces. Il évoque tous ces souvenirs restés vivaces, ses flâneries à Drouot ou dans des galeries à Maastricht, où il commençait à flirter en silence avec l’art contemporain et moderne. « Certes, mon œil se formait, mais je suis persuadé que ce goût existait déjà dans mon ADN car qu’est-ce qui explique que mes trois autres frères, qui ont vécu la même enfance, n’ont pas acquis tout comme moi ce rêve de collectionneur ? À mon tour, j’ai trois enfants dont l’un deux seulement partage avec moi l’amour des œuvres d’art. D’ailleurs pour ses 18 ans il a refusé que je lui offre une voiture, mais a voulu par contre acquérir une toile qu’il a choisie lui-même et qu’il a revendue quelques années plus tard 7 fois plus cher.

Karim Abillama se souvient aussi qu’il regardait cet art conceptuel sans le comprendre encore, tout en se promettant de l’explorer. « J’ai appris, dit-il, que ce qui comptait pour qu’une œuvre, un objet ou une foire soient beaux, c’est qu’ils aient une âme. J’ai besoin que ça ait une histoire et que ça me touche. Idem pour les meubles qui doivent à mon avis dissimuler leur propre histoire personnelle. » « Par la suite, raconte-t-il encore, j’ai eu la chance d’aller aux États-Unis en compagnie de Toni Salamé auprès duquel j’ai beaucoup appris. À l’époque, j’écoutais, j’observais attentivement et je m’imprégnais longuement. »

Voyager et partager…

Karim Abillama se dit voyageur. Dans son esprit autant que dans son corps. Allant à la recherche de nouvelles civilisations, de rencontres inédites et des pensées nouvelles, il construit tel un architecte son propre parcours, toujours curieux de l’ailleurs. « Être collectionneur pour moi est devenu une seconde peau. » Directeur général à MitsuLift, son goût se nourrit néanmoins de sa carrière de par ses relations avec le Japon, qui lui insuffle le goût de l’épure et du minimalisme.

« Dans mes pièces, il n’y a pas de couleurs. J’aime ce qui est zen et calme car lorsque je suis chez moi, ces œuvres dont je m’entoure et qui habitent ma maison me procurent une bonne énergie. » Un champignon géant, signé Carsten Höller, artiste allemand établi à Stockholm, invite dès l’entrée à un intérieur peuplé de toiles, de sculptures de grands artistes internationaux choisies toutes avec amour. On retrouve ainsi plusieurs œuvres de John Baldessari, l’artiste conceptuel américain dont le travail consiste à explorer et à révéler les territoires imaginaires qui échappent aux normes préétablies et coercitives en utilisant principalement des photographies récupérées qu’il remodèle et recompose sous forme de séquences narratives ou en employant plusieurs médiums de l’art sur un même espace (peinture, sculpture et photo). Richard Prince, dont le travail s’apparente à celui de Marcel Duchamp et qui table sur l’appropriation est aussi un des artistes chers à son cœur. Une toile de Nabil Nahas datant des années 70, claire et lumineuse, trouve sa place dans cette maisonnée aux lignes pures et non surchargées. « Tout ce qui existe ici a été la suite d’un coup de foudre », précise Karim Abillama, pour qui l’art combine le voyage et l’émotion. « À travers mon parcours de collectionneur, j’ai appris à connaître d’autres zones d’intériorité, mais aussi diverses personnes passionnées comme moi avec qui je peux partager les émotions des découvertes, de l’acquisition et de la possession d’une œuvre ou d’un objet. » « Certes, comme dit mon père, collectionneur lui-même, il y a dans la trajectoire d’un collectionneur l’ennui qui intervient. À ce moment-là, il ne faut pas hésiter à se débarrasser de l’œuvre. Le singe, sculpture de François-Xavier Lalanne, était une de mes premières acquisitions, mais aujourd’hui, elle est à la vente aux enchères à Sotheby’s. Ce qui signifie que mon goût a évolué et que j’ai besoin d’autre chose. J’aime le mélange, mais surtout le ludique, et j’aime que le voyage soit heureux. Ainsi, je n’aurai jamais un coup de cœur pour les œuvres de Mona Hatoum ou un Anselm Kiefer, qui sont sombres. Il faut que les œuvres m’inspirent une joie de vivre. »

Le collectionneur est donc, à son avis, celui qui vit avec ses objets mais qui sait qu’un jour, ils auront un marché. Il est déjà conscient de cela en les achetant, même s’il ne les achète pas dans le seul but de les revendre. « Mes toiles et mes sculptures font partie de ma vie, elles traduisent ma personnalité et mon mode de vie, mais aussi témoignent de l’évolution de mon goût et d’un lendemain différent, voire meilleur. On pense toujours que les décisions qu’on prend dans la vie sont analytiques. Pour moi, elles ne sont qu’émotionnelles. » Des émotions que Karim Abillama ramène de ces voyages et qu’il aime partager avec sa famille et son entourage.

En France durant la guerre libanaise, Karim Abillama passe son enfance à accompagner ses parents soit dans les galeries, soit aux puces. Il évoque tous ces souvenirs restés vivaces, ses flâneries à Drouot ou dans des galeries à Maastricht, où il commençait à flirter en silence avec l’art contemporain et moderne. « Certes, mon œil se formait, mais je suis persuadé que ce goût...

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