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Portraits de collectionneurs

Farouk Abillama : Je veux des toiles exceptionnelles !

Sa passion pour les grands maîtres libanais modernes, il l’a héritée de son père, l’émir Jihad Abillama, qui avait initié la collection. « Je suis tombé dans la marmite comme Obélix », dit Farouk Abillama. Aujourd’hui, sa collection de peintures et sculptures dépasse la centaine de pièces.

Farouk Abillama. Photo Anne Ilcinkas

L’environnement familial a été un facteur déterminant pour Farouk Abillama. « J’ai eu la chance d’avoir un père qui avait commencé une collection de peintures et sculptures des pionniers de l’art moderne libanais, tels que Youssef Howayek, César Gemayel, Moustafa Farroukh, Georges Cyr, Habib Srour, César Gemayel, Omar Onsi et Saliba Douaihy. Tout jeune, alors que les obus s’abattaient sur la ville, je voyais défiler les marchands d’art à la maison, proposant leurs pièces. Et pendant mon temps libre, je découvrais la vie de ces artistes et leurs peintures à travers les livres que nous avions dans la bibliothèque », se souvient le collectionneur.

L’engouement pour les grands maîtres libanais modernes ne l’a plus lâché. De témoin, il devient acteur, portant la collection de son père à une ambition supérieure. Celle-ci ayant pour vocation de grandir, il l’enrichit en permanence depuis deux décennies. « Quand j’ai débuté mon travail à Londres, je n’avais pas de grands moyens financiers ; j’achetais deux à trois tableaux par an, puis cinq, puis sept, et dix les années suivantes », raconte Farouk Abillama, qui, au fil des ans, devenait exigeant dans le choix de ses pièces. « Je voulais la haute qualité ; je voulais des toiles exceptionnelles. »

L’ensemble accumulé comprend aujourd’hui plus d’une centaine de toiles où figurent des œuvres allant des années trente au début des années quatre-vingt-dix, signées Yvette Achkar, Paul Guiragossian, Alfred Basbous, Farid Aouad et Jean Khalifé. On constate toutefois son gros appétit pour les différentes périodes de Saliba Douaihy (1910-1994), dont l’art lui procure un vrai ravissement.

Si certains artistes sont toujours très recherchés, en revanche d’autres sont tombés dans l’oubli, comme Youssef Howayek, Philippe Mourani ou Georges Sabbagh. « Les modes ont changé et le thème de leurs peintures n’intéressent pas la nouvelle génération des collectionneurs. Moi, par contre, je suis heureux de les avoir ; j’en cherche d’autres car certaines pièces sont absolument magistrales. » En un sens, le désintérêt des collectionneurs l’arrange car « le prix de ces toiles reste abordable ! ».

L’art trône dans toutes les pièces de la maison, tous les couloirs et même dans le WC des invités. Mais difficile de trouver la place pour toute la collection. Et comme ni le grenier ni la cave ne sont des lieux fréquentables pour une œuvre d’art, certaines sont accrochées chez des amis et des cousins. Une quinzaine d’autres ont été prêtées au musée Sursock « pour combler des manques qu’ils ont dans leurs collections ».

La maison des chats

Afin d’acquérir une œuvre qui fait défaut à sa collection, l’amateur n’hésite pas à entreprendre de longs déplacements. Il raconte la petite histoire d’une œuvre qu’il convoitait et qui était en possession d’un Libano-Américain de la deuxième génération installé dans le Massachusetts. Par les hasards de la vie, celui-ci apprend que le jeune émir Abillama est à la recherche d’une peinture de Saliba Douaihy de la période hard-edge. Il lui fait parvenir la photo, et après plusieurs contacts, et la confirmation que celle-ci était à vendre, la rencontre a lieu. « J’étais à New York pour du travail, j’ai pris le train pour le Massachusetts. On a déjeuné avec sa maman, une dame quasi centenaire sur chaise roulante et pratiquement aveugle qui dictait sa recette de « bemieh » à son aide guatémaltèque. Après le repas, mon hôte me lance : « Let’s go to the cats’ house to see the painting. » Je l’ai suivi en croyant qu’il avait accroché le tableau dans sa garçonnière. En fait, c’était réellement la maison des chats. Le studio comportait deux écrans diffusant des films pour les chats et tous les éléments pour assurer leur confort ; et sur un des murs était accroché le Saliba Douaihy. La scène était surréaliste. »

« D’un autre côté, la toile, qui émettait une atmosphère autrement vivante et prenante que sur la photo, m’a carrément envoûté. Et soudain, il me dit qu’il avait besoin de réfléchir avant de conclure la vente. J’étais venu spécialement pour sceller la transaction. J’avais fait quatre heures de train pour le Massachusetts, et maintenant j’allais refaire quatre autres pour rentrer à New York les mains vides. J’étais furieusement déçu en partant. Mais à peine le train rentrait-il dans le Grand Central Terminal que le téléphone sonne. Le monsieur me demande tout de go combien j’étais prêt à payer. Suite à ma réponse, il me lance : “Deal, elle est à vous, venez la prendre !” J’ai repoussé mon vol de Londres, et le lendemain rebelote pour huit heures de train. »

Aujourd’hui, cette œuvre a trouvé refuge dans une collection qui lui assurera sa pérennité.

Investissement temporel et humain

Tout le monde pense à tort que l’achat de tableaux est chose aisée. Or, constituer une collection nécessite un investissement non seulement financier, mais également temporel et humain. « Il y a un gros travail en amont à fournir pour savoir déjà quels sont les artistes que je devrais inclure dans ma collection. Faire une recherche approfondie sur leur œuvre et leur travail. Mais cette partie “académique“ est facile. Il faut ensuite recueillir les informations pour savoir où se trouve la pièce recherchée ; il faut que la personne soit prête à la céder ; il faut aussi que le prix au marché soit réaliste. Car ceux qui ont un Saliba Douaihy, par exemple, ce sont des gens qui avaient de l’argent à l’époque et qui en ont encore et ne veulent pas nécessairement le vendre et encore moins le brader. Heureusement qu’on trouve parfois certaines de ces œuvres dans les galeries et les maisons de ventes aux enchère où leur acquisition se réduit à une transaction rapide. »

Il convient d’ajouter que Farouk Abillama a aujourd’hui une maison de ventes aux enchères, et donc il n’achète plus de tableaux directement de chez les particuliers, « pour ne pas être en conflit d’intérêt », selon ses propres termes, et « assurer au plus grand nombre d’amateurs un accès à l’achat de l’œuvre. Si celle-ci m’intéresse, j’enchéris au cours de la vente, et si je gagne, je l’aurais achetée au plus offrant. Ni le vendeur ni les acheteurs potentiels ne se sentiront lésés. Et tout le monde sera satisfait ».

L’environnement familial a été un facteur déterminant pour Farouk Abillama. « J’ai eu la chance d’avoir un père qui avait commencé une collection de peintures et sculptures des pionniers de l’art moderne libanais, tels que Youssef Howayek, César Gemayel, Moustafa Farroukh, Georges Cyr, Habib Srour, César Gemayel, Omar Onsi et Saliba Douaihy. Tout jeune, alors que les obus...

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