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Portraits de collectionneurs

Abraham Karabajakian, le goût comme un muscle

Cofondateur de la collection KA avec Roger Akoury, qui comporte plus de 600 œuvres d’art contemporain moderne régional, le collectionneur a toujours acquis ses pièces à l’instinct, visant à mettre en lumière les artistes locaux…

Abraham Karabajakian et la collection KA. Photo Anne Ilcinkas

Au cœur de l’espace KA qu’il a cofondé avec Roger Akoury et sur les murs duquel s’empilent des décennies d’art moderne et contemporain libanais et international, Abraham Karabajakian a du mal à se remémorer d’un premier contact avec l’art, préférant avancer : « Du plus loin que je me souvienne, je retrouvais une forme d’art dans tout ce qui m’entourait. Et aujourd’hui, l’art contemporain nous prouve à juste titre qu’il y a de l’art dans tout et que tout peut être art. » C’est justement à l’instinct, en touche-à-tout inlassablement curieux, que le collectionneur – bien qu’il se méfie de ce terme –, fort aujourd’hui d’un ensemble de plus de 600 œuvres, a évolué dans un milieu dont il dit : « Je n’ai jamais aimé le mot collectionneur, qui va à l’encontre de ma démarche personnelle et sincère. Je crois qu’on devient collectionneur simplement dès lors qu’il n’y a plus de place sur nos murs, quelles que soient les toiles qui s’y trouvent ! »

Une « Princesse des Caraïbes »

Si, en grandissant, un ami de son père lui a permis « de faire mes premiers pas dans ce monde-là, notamment en m’introduisant aux univers d’Assadour et de Carzou qui avaient aussitôt trouvé un écho en moi », confie-t-il, Karabajakian devra attendre quelques années avant d’accrocher sa première lithographie, à l’issue d’un « coup de foudre » avec une Princesse des Caraïbes imaginée par le peintre yougoslave Kiro Urdin. « À partir de cette acquisition, dès que je me faisais un peu d’argent, je l’investissais dans l’art avec les moyens que j’avais, c’est-à-dire, au départ, sur des gravures et des lithographies à cause de mes restrictions budgétaires », raconte celui qui, en dépit d’une collection qui ne cesse de s’enrichir au bout de vingt ans à la faveur de voyages, de rencontres avec des artistes, n’a jamais réellement changé sa manière d’acquérir une pièce, c’est-à-dire « en suivant mon cœur, mon flair, et toujours en faisant fi de la signature au bas ou au dos de la toile ». Bien que l’affect ait toujours animé ce féru des œuvres qui trouvent un écho en lui, une association avec Roger Akouri s’impose en 2011 afin de « déployer notre pouvoir d’achat et surtout de mener à bien notre mission commune, qui est de souligner l’importance et surtout la richesse de l’art libanais et régional qui avait tendance à être sous-estimé », explique-t-il.

« On m’a pris pour un fou »

Alors qu’aujourd’hui, les artistes moyen-orientaux se voient essaimés dans les musées et galeries les plus prestigieuses du monde, Abraham Karabajakian se souvient qu’on « m’a pris pour un fou » au moment où sa collection commence à se mettre en place. Cela dit, fort d’une opiniâtreté dont il a inconstablement récolté les fruits aujourd’hui, l’homme d’affaires, qui, en parallèle, fait métier dans les assurances, parie sur des signatures qui à l’époque n’avaient pas la cote qu’elles ont aujourd’hui. Qu'est-ce qui faire sortir du lot une bonne œuvre ? « À mon avis, c’est un mélange de créativité et d’intelligence de la part de l'artiste. C’est un équilibre, un accord entre le beau et le bien-pensé », confie-t-il en insistant sur le fait que, « après, certainement qu’il entre une phase de recherche de ma part, de lecture, d’apprentissage à la faveur de visites de musées par exemple, de rencontres avec les artistes, qui me conduisent à m’imbiber de l’art, de le connaître mieux, comme une rencontre humaine, en somme. Parce que je suis convaincu que le goût est un muscle qui se cultive ». De ces rencontres humaines, comme il se plaît à les nommer, que ce soit avec des artistes en vie tels Huguette Caland, Etel Adnan ou Walid Raad, pour ne citer qu’eux, où des artistes défunts, à travers les histoires qu’apportent leurs proches, Chafic Abboud, Saliba Douaihy ou Paul Guiragossian par exemple, Karabajakian construit une collection de plus de 600 œuvres qui se concentrent entre les années 50 et 80. Un peu plus d’une centaine d’entre elles s’exposent de manière rotative dans l’espace KA, 900 m² dans le secteur de la Marina de Dbayé, laissant tour à tour Huguette Caland, Aref el-Rayes, Élie Kanaan, Assadour, Nabil Nahas, Chafic Abboud, Marwan Sahmarani, Saloua Raouda Choucair, Alfred Basbous, Saïd et Ayman Baalbacki de faire rêver ceux qui côtoient leur œuvres. Et surtout, permettre à Karabajakian de « revoir, à travers ces toiles, des rencontres, des moments, et surtout la liberté, l’intelligence et la créativité de l’homme qu’aucune intelligence artificielle ne réussira à égaler ».


Au cœur de l’espace KA qu’il a cofondé avec Roger Akoury et sur les murs duquel s’empilent des décennies d’art moderne et contemporain libanais et international, Abraham Karabajakian a du mal à se remémorer d’un premier contact avec l’art, préférant avancer : « Du plus loin que je me souvienne, je retrouvais une forme d’art dans tout ce qui m’entourait. Et...
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