L’attentat terroriste qui a eu lieu à Tripoli le soir de la fête du Fitr a remis à l’ordre du jour la situation sécuritaire au Liban. S’il est vrai que la menace terroriste n’a jamais été totalement éliminée, les Libanais vivaient toutefois dans une certaine stabilité qui avait relégué les soucis sécuritaires au second plan.
Après cet attentat qui a secoué le pays, la question qui se pose est la suivante : y a-t-il désormais un plan pour déstabiliser le Liban ? La question est simple, mais la réponse l’est beaucoup moins. Au cours des dernières années, les milieux politiques et diplomatiques libanais assuraient que la stabilité du Liban était une nécessité internationale et qu’il y avait « un parapluie international » qui protégeait le pays. Pour certains, cette « protection internationale » du Liban était due à la présence d’un million et demi (et plus peut-être) de déplacés syriens au Liban qui, en cas de troubles dans ce pays, s’empresseraient de fuir vers l’Europe. C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles le ministre des Affaires étrangères a, à plusieurs reprises, ces derniers temps, menacé de laisser les déplacés tenter de partir vers l’Europe. Pour d’autres, elle était due au fait que le rapport de force interne au Liban serait en faveur du Hezbollah et que toute tentative de déstabilisation pourrait donc entraîner une plus grande mainmise de cette formation sur le pays.
Aujourd’hui, toutes ces données que l’on croyait stables sont remises en question. D’autant que l’attentat de Tripoli a relancé les vieilles rivalités et querelles entre les différents services de sécurité (celui des FSI, la Sûreté générale, les SR de l’armée et la Sécurité de l’État), sur fond de luttes confessionnelles. Le président de la République a bien essayé de colmater la brèche en réunissant à Baabda les principaux concernés en présence des ministres de la Défense et de l’Intérieur, mais les rivalités intestines demeurent. Selon un juge qui suit de près les dossiers sécuritaires, lorsque les enquêtes sur un même dossier menées par des services différents sont contradictoires, c’est que cela va plutôt mal. Surtout, cela peut faire croire aux terroristes qu’ils bénéficient d’un environnement favorable en jouant sur les tiraillements et les susceptibilités internes.
Cette attaque a rappelé aux Libanais la période noire entre 2011 et 2015, lorsque chaque service de sécurité travaillait dans une zone géographique et confessionnelle déterminée, qui était pratiquement interdite aux autres. Depuis l’élection de Michel Aoun à la tête de la République et son souci principal des questions militaires et sécuritaires, cette situation a changé, et au lieu de la rivalité entre les services, il a instauré une coopération efficace. Aujourd’hui, cet acquis est remis en question. Mais la question qui se pose est de savoir si le retour des rivalités et des tiraillements est une affaire purement interne ou bien s’il s’inscrit dans le cadre d’un plan général visant à déstabiliser le Liban pour affaiblir le Hezbollah et remettre en cause le statu quo actuel.
Selon une source diplomatique arabe en poste à Beyrouth, il est certain que l’approche des États du Golfe, principalement de l’Arabie saoudite et des Émirats arabes unis, a changé à l’égard du Liban. Il n’y a plus le même intérêt ni le même souci d’y investir et d’y envoyer leurs citoyens en dépit des promesses publiques faites en ce sens. Surtout que la nouvelle génération actuellement influente au sein du pouvoir dans ces deux pays n’a pas l’approche affective qu’avait la génération précédente à l’égard du Liban. Cette nouvelle génération ne voit plus dans le Liban qu’un pays qui abrite le principal instrument de la politique iranienne dans le monde arabe, à savoir le Hezbollah. Mais cela ne signifie pas pour autant que l’Arabie ou les Émirats préparent un plan pour déstabiliser le Liban. Tout simplement, ils ne s’y intéressent plus beaucoup. D’ailleurs, toujours selon la même source, ce désintérêt se répercute aujourd’hui sur la scène sunnite qui se sent affaiblie, ayant, tout au long des années précédentes, bénéficié d’un appui régional et arabe. Certaines figures sunnites cherchent aujourd’hui à défier le Hezbollah et à présenter le Premier ministre Saad Hariri comme étant trop faible pour affronter cette formation, mais elles ne parviennent pas à convaincre de leur capacité à modifier le rapport de force. Toujours selon la même source, même l’administration actuelle américaine, qui est déterminée à affaiblir le Hezbollah et qui a pris des sanctions économiques très sévères contre lui, sait aussi faire preuve de pragmatisme. Pour elle, la prédominance du Hezbollah reste préférable à un chaos total incontrôlé, qui entraînerait une mauvaise situation pour Israël. Car, en dépit des critiques et des accusations qui pleuvent sur le Hezbollah, la communauté internationale, notamment les pays participant à la Finul, est consciente du calme qui règne à la frontière sud du pays depuis 2006.
De son côté, l’Iran, qui est certainement en difficulté actuellement, n’a pas non plus intérêt à déstabiliser le Liban car cela mettrait le Hezbollah en difficulté non seulement auprès de ses alliés, mais aussi auprès de sa propre base populaire.
Toujours selon la source précitée, il n’y a donc pas à proprement parler un plan de déstabilisation du pays, la menace terroriste se résumant au plan B de Daech après la perte de son dernier bastion en Syrie.
commentaires (5)
IL NE FAUT PAS DE PLAN GENERAL OU PARTIEL... LES LIBANAIS ET LEURS ABRUTIS CORROMPUS EN TETE SONT LA POUR CA !
LA LIBRE EXPRESSION
15 h 07, le 18 juin 2019