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Culture - Évènement

Les frontières poreuses libanaises à la Quadriennale de Prague

Cette grand-messe de la scénographie, des arts de la scène et du théâtre se déroule cette semaine dans la capitale de la République tchèque. Le pays du Cèdre y participe pour la seconde fois. « L’Orient-Le Jour » a posé quelques questions à Hadi Damien, curateur et coordinateur national de la participation du Liban à cet événement.

L’exposition libanaise Decreased Reality dans le cadre de la Quadriennale de Prague, juin 2019.

Quelles sont les caractéristiques de la Quadriennale de Prague 2019 ?

La direction artistique de chaque édition de la Quadriennale de Prague définit une ligne artistique déclinée en plusieurs thèmes, selon les expositions et les projets au programme. Le thème arrêté pour cette année est Porous Borders, frontières poreuses, avec Transformation comme thème pour l’exposition nationale, et Imagination pour l’exposition des étudiants.

La Quadriennale se concentre essentiellement dans un seul méga espace : le Palais des expositions, sa plaza, les bâtiments annexes et le parc qui l’entoure. Un épicentre qui facilite les échanges et les flux entre les expositions et les projets au programme.

Les présentations du Liban sont proposées par une nouvelle équipe artistique. Les intervenants sont sollicités à travers un appel à participation selon les expositions et les projets définis par les organisateurs tchèques.


Comment se décline la représentation libanaise ?

L’exposition nationale est intitulée Decreased Reality (Réalité diminuée) dans laquelle nous présentons un paysage de mains levées portant des téléphones portables. Nous nous interrogeons avec la Quadriennale sur la pratique de photographier une performance en direct et toutes les questions que cette habitude soulève : droit à la propriété intellectuelle, éthique du spectacle et surtout la démotion de l’expérience du public qui abandonne la pluridimension du spectacle vivant et la réduit à l’espace bidimensionnel et étroit qu’est celui de l’écran du téléphone. Les visiteurs de la Quadriennale nous envoient leurs propres photos portables des performances auxquelles ils assistent à Prague et nous les incluons à notre exposition, marquant ainsi une migration de la performance des productions locales aux productions globales dans le cadre d’une exposition de pays. Et là, on se pose la question centrale : qu’est-ce qu’une exposition nationale dans le monde connecté et global qui est le nôtre? Que présente-t-elle ? Quel serait son discours ?

L’exposition des étudiants fait écho au concept de l’exposition qui disparaît. Elle fait penser au déconstructionnisme, à un concert d’oppositions, de signification et d’énoncés. L’exposition porte le manifeste Scenography without Content que nous avons marqué sur la structure de l’exposition en anglais, arabe, tchèque, espagnol et français.

L’exposition de l’espace de la performance présente « Le Dome », un espace du parc des expositions international Oscar Niemeyer à Tripoli, dans le nord du Liban, que Firas el-Hallak explore dans sa vidéo à travers son projet The Dome Sessions. Une exposition qui a reçu une mention spéciale à la Quadriennale et qui invite des artistes à s’y rendre pour donner leurs performances dans ce lieu exceptionnel.

Tous les jours à 18h30, Giorgio Bassil interprète Telephone Poles, une performance à deux dans laquelle il dénoue un long fil en coton cherchant le juste milieu, son équilibre que les interprètes mesurent avec une balance. C’est un moment de conversation sereine avec des inconnus que l’artiste rencontre à mi-chemin, cherchant l’équilibre avec un fil de coton.

Cynthia el-Hasbani, John Dave et Lori Kharpoutlian font partie des groupes de travail internationaux du projet 36Qº. Ils participent à la création de Blue Hour, un parcours immersif fait d’image, de son, de vidéo, de 3D mapping, de réalités augmentées, virtuelles et mixtes, et qui se donne dans une salle de hockey.

Quant à Nathalie Harb, elle présente ses interventions urbaines, notamment The Silent Room. Elle intervient sur le panel Scenography of Sound dans le cadre du programme PQ Talks. Elle parle de Beyrouth, de l’espace commun, du son et de comment son travail converse avec la ville.

Six étudiants des arts de la performance à l’Université Saint-Esprit de Kaslik rejoignent 14 écoles internationales autour du projet de design commun Ubu Roi, dans une exposition conjointe. Ils y sont pour trois jours de discussions et de critiques modérées par des praticiens de renom. Ils échangeront avec d’autres artistes et les visiteurs de la Quadriennale, examinant la pièce et leurs propositions de concepts.


Un programme très dense qui rappelle celui de la première participation du Liban à la Quadriennale de Prague en 2015. Outre la représentation à Prague, à quoi peuvent s’attendre les participants du Liban ?

La Quadriennale est une ruche, un espace d’échanges et de contacts. Il ne suffit pas d’y être, mais de s’y activer pour construire des ponts. C’est justement ce point qui motive ma participation au projet Emergence : Practice Exchange. On apprend les uns des autres, on invite des performances au Liban, comme dans le cadre du Dome à Tripoli par exemple, et on exporte nos productions. Il s’agit d’un échange continu, et le Liban a beaucoup à offrir, même s’il n’a pas la même infrastructure culturelle des autres pays.

Après la Quadriennale de 2015, le projet de costumes de Hans Harling a participé au Beirut Street Festival et au marathon de Beyrouth. Il a été invité par le festival Impact en Macédoine et a été documenté dans le livre Tribes. Nous avons également participé au symposium Transformations de la Quadriennale de Prague depuis 1995 et nous avons été publiés dans le livre qui l’a suivi. Ceci est un exemple des collaborations qui peuvent découler de la participation à des événements internationaux : Quadriennale de Prague, Jeux de la francophonie, etc.

Nous préparons, à partir de 2020, une exposition itinérante au Liban de ce que nous avons présenté à Prague ainsi que des collaborations entre le Liban et plusieurs autres villes à travers les artistes participant à la Quadriennale. C’est une façon de diffuser nos productions locales et de proposer d’autres expressions artistiques au Liban.


D’où l’importance de la participation du Liban à cet événement...

La Quadriennale de Prague n’est pas un événement de dix jours qui a lieu une fois les quatre ans, mais un programme continu, ponctué de ces dix jours. C’est une plateforme internationale qui coordonne des projets continus axés sur l’éducation à la scénographie, les expositions, les échanges, les publications, les commissions et les colloques internationaux. Elle accroît la visibilité, contribue à la mobilité internationale des artistes, favorise la communication et la collaboration internationales entre professionnels, crée des opportunités pour les étudiants et les jeunes artistes du monde entier. La plateforme favorise la pratique et la réflexion autour du métier et autour de ses connexions, ce qui se traduit par un impact majeur sur la conception de la performance et sur les méthodologies d’enseignement du spectacle vivant.

La participation du Liban place le pays dans cette conversation, mobilise les créateurs basés au Liban et motive les institutions. La taille de notre délégation (vingt personnes) en porte témoignage, surtout que chacun couvre ses propres frais de participation, ce qui favorise une représentation intéressée et concernée. Nous avons bénéficié du patronage du ministère du Tourisme, du concours de l’ambassade tchèque au Liban et de celui de Kremosyn qui m’ont aidé à couvrir une partie des frais de production de la participation du Liban.

*Photos, vidéos et documentations sur le site www.pq-lb.org


Pour mémoire 

Des photos, des costumes, des tribus, un ouvrage et... du fattouche

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