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Idées - Commentaire

Gestion de l’eau au Liban : des efforts, de l’argent, des résultats décevants

Vue partielle du barrage de Chabrouh en avril 2014. Archives AFP

En raison de son emplacement dans le bassin est de la Méditerranée et de sa topographie montagneuse, le Liban reçoit une moyenne annuelle de précipitations estimée autour de 800 mm. L’hiver dernier, le Liban a connu des pluies torrentielles et violentes presque quotidiennement, dépassant la moyenne de presque 50 % (soit environ 1 200 mm sur l’ensemble de la saison). Cependant, malgré l’abondance des précipitations annuelles et l’investissement de plusieurs milliards de dollars dans le secteur de l’eau au Liban depuis 1990, les ressources en eau du pays demeurent limitées en quantité et en qualité en raison de la mauvaise gestion, du vieillissement des infrastructures et des investissements inadéquats dans un système confessionnel de partage du pouvoir, associés à la raréfaction des ressources en eau et aux effets des changements climatiques.

Les chiffres parlent d’ailleurs d’eux-mêmes : selon les données de la Banque mondiale et du ministère de l’Énergie, la connectivité aux réseaux de distribution d’eau ne dépasse pas les 79 % à l’échelle nationale ; celle aux réseaux d’égout, bien plus hétérogène, oscille entre 74 % pour Beyrouth et le Mont-Liban, et 35 % dans le Sud – pour un taux de génération d’eaux usées de 120 l par habitant/jour, ce qui donne une vague idée des volumes d’eaux usées potentiellement déversées dans la mer et les cours d’eau naturels ; le taux de pertes (techniques ou du fait de fraudes) au sein du réseau de distribution atteint le niveau impressionnant de 49 % ; et le rationnement de l’approvisionnement en eau constitue encore, près de trente ans après la fin de la guerre civile, une réalité quotidienne pour la plupart des Libanais.



(Lire aussi : Inauguration dans la Békaa d’un projet d’assainissement de l’eau)



Réformes inachevées
Depuis 1990, le Liban a investi en moyenne 0,5 % de son PIB annuel dans le secteur de l’eau (le seuil recommandé par la Banque mondiale étant de 0,8 %). Toute l’infrastructure de l’eau et de l’assainissement, gravement endommagée par la guerre civile, a été reconstruite avec une aide financière extérieure substantielle, principalement sous forme de prêts. L’assistance technique a généralement pris la forme de subventions, qui sont acheminées par l’intermédiaire du gouvernement via le Conseil du développement et de la reconstruction (CDR). La reconstruction des infrastructures matérielles et financières qui a eu lieu après la fin de la guerre civile a été rendue possible grâce à de lourds emprunts, principalement auprès de banques nationales et de donateurs extérieurs. Le secteur de l’eau en a bien profité et continue de recevoir une aide étrangère substantielle sous forme de subventions et de prêts, à des conditions favorables, d’une douzaine de donateurs occidentaux et arabes.

En 2000, le gouvernement libanais a commencé à mettre en place des mesures statutaires pour changer la situation et a lancé sa réforme pour le secteur de l’eau en adoptant un plan directeur pour l’eau en 1999 et en promulguant une série de lois et de décrets l’année suivante. Depuis, une série de conférences d’aide internationale (Paris I, II, III dans les années 2000 et la CEDRE l’an dernier) ont permis de recueillir plus de 24 milliards de dollars d’engagement pour financer des projets de développement, dont une part non négligeable a été destinée au secteur de l’eau et de l’assainissement, en échange de la relance de l’économie et de la modernisation de son système financier.

Cependant, entre Paris III et la CEDRE, et malgré la pression des partenaires internationaux, la réforme de la gestion du secteur a progressé lentement et bien en deçà des attentes, et ce malgré le lancement d’un vaste programme d’investissement dans la construction de barrages et de stations d’épuration en 2012. Sept ans plus tard, seuls 4 barrages (à Yammouné, Brissa, Manzoul et Qaysamani) et 9 larges stations d’épuration, sur les 9 et 20 respectivement prévus, ont été inaugurés. Bien que les investissements dans l’infrastructure de l’eau au Liban représentent en moyenne 100 millions de dollars par an depuis 1990, la tendance n’a pas toujours été constante. Entre 1990 et 1999, les efforts de reconstruction de l’après-guerre ont permis de dégager beaucoup d’argent pour le secteur de l’eau, tandis qu’entre 1999 et 2010, les investissements dans ce secteur ont ralenti. À partir de 2010, les fonds consacrés aux projets liés à l’eau ont commencé à affluer grâce aux conférences internationales des donateurs de la décennie précédente. Néanmoins, malgré tous ces efforts et cet argent, les résultats sont restés décevants.



(Lire aussi : La Semaine de l’eau au Liban axée sur l’hydrodiplomatie)



Nouvelle dynamique ?
Une nouvelle dynamique politique semble enclenchée dans ce secteur au Liban depuis la formation du gouvernement Hariri II (décembre 2016) et les préparatifs de la CEDRE : en février 2017, cinq nouveaux directeurs ont été nommés à la tête des établissements de l’eau et à l’autorité du Litani; de nombreux projets liés à l’eau ont été intégrés au Programme d’investissement du capital (Capital Investment Program, CIP) visant à moderniser les infrastructures du pays présenté en avril 2018 à la CEDRE ; tandis que le même mois, le Parlement promulguait, après quinze ans de jachère, le code de l’eau (loi n° 77).

Les investissements dans le secteur de l’eau au Liban étant en grande partie financés par des dons et des prêts extérieurs, la CEDRE n’a pas fait exception : environ un tiers des 11,5 milliards de dollars promis à la conférence et conditionnés à la mise en œuvre de réformes structurelles sera consacré au développement de projets liés à l’eau et l’assainissement. Lors de la première réunion du nouveau gouvernement Hariri en mars 2019, une série d’autorisations de prêts déjà accordées pour le Liban par diverses organisations internationales ont été ratifiées par le Parlement. Il reste qu’à ce jour, et dans l’attente de l’adoption définitive du budget pour 2019, le gouvernement n’a toujours pas entamé les réformes requises par la communauté internationale pour assainir les finances publiques et lancer les projets d’infrastructures, au risque de compromettre le déblocage d’une grande partie des fonds promis.À cet égard, si le respect des engagements pris à la CEDRE et l’investissement rapide des fonds débloqués constituent la principale voie d’amélioration du secteur à court terme, l’amélioration de ce secteur dans une optique de développement à long terme devrait avoir une portée plus globale, et notamment inclure l’intensification de la sensibilisation des usagers pour éviter au maximum les gaspillages, et la valorisation des ressources non traditionnelles telles que les eaux usées.


Ingénieur agricole, doctorant en droit de l’eau à l’Université de Dundee (Écosse), auteur d’une thèse sur les lois et la réforme administrative de l’eau au Liban.



Pour mémoire

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Bisri, son barrage, ses réserves naturelles et... la « corruption » autour


En raison de son emplacement dans le bassin est de la Méditerranée et de sa topographie montagneuse, le Liban reçoit une moyenne annuelle de précipitations estimée autour de 800 mm. L’hiver dernier, le Liban a connu des pluies torrentielles et violentes presque quotidiennement, dépassant la moyenne de presque 50 % (soit environ 1 200 mm sur l’ensemble de la saison). Cependant,...

commentaires (2)

C'est un sujet très intéressant et il y a aussi une dimension d'archéologie; beaucoup de villages au Liban ont des jolies sources d'eau, résultat je pense souvent de constructions dans le passé, avec une très belle architecture. Je me demande s'il existe des tunnels style "qanaat" construits par les phéniciens, perses et les romains pour l'extraction des eaux, cfr. le livre fameux de hydrologie 'L’E STRAZIONE DELLE ACQUE NASCOSTE' ISBN-10: 88-88479-16-3 traduction de l'arabe ou du perse du mathématicien Abu Bakr Muhammad ibn al-Hasan al-Karaji, un ingénieur qui a écrit un livre sur hydrologie dans le Xième siècle à Bagdad. C'est probable qu'au Liban on a creusé des tunnels pour transporter l'eau d'un coté des montagnes vers l'autre par exemple à l'époque romaine, comme on a aussi construits des aquaducts (à coté de la rivière Beyrouth par exemple).

Stes David

08 h 10, le 10 juin 2019

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Commentaires (2)

  • C'est un sujet très intéressant et il y a aussi une dimension d'archéologie; beaucoup de villages au Liban ont des jolies sources d'eau, résultat je pense souvent de constructions dans le passé, avec une très belle architecture. Je me demande s'il existe des tunnels style "qanaat" construits par les phéniciens, perses et les romains pour l'extraction des eaux, cfr. le livre fameux de hydrologie 'L’E STRAZIONE DELLE ACQUE NASCOSTE' ISBN-10: 88-88479-16-3 traduction de l'arabe ou du perse du mathématicien Abu Bakr Muhammad ibn al-Hasan al-Karaji, un ingénieur qui a écrit un livre sur hydrologie dans le Xième siècle à Bagdad. C'est probable qu'au Liban on a creusé des tunnels pour transporter l'eau d'un coté des montagnes vers l'autre par exemple à l'époque romaine, comme on a aussi construits des aquaducts (à coté de la rivière Beyrouth par exemple).

    Stes David

    08 h 10, le 10 juin 2019

  • L,INCOMPETENCE DE NOS ABRUTIS EN TOUT EST CRIANTE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 00, le 09 juin 2019

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