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Moyen Orient et Monde - Éclairage

La famille sunnite toujours aussi divisée

Doha a exprimé des réserves sur les sommets de La Mecque.

Les rois et chefs d’État arabes invités aux sommets de La Mecque, la semaine dernière. Bandar al-Dandani/AFP

Comme une ambiance de lendemain de soirée… Le royaume wahhabite s’est-il félicité un peu trop vite du soutien quasi unanime de ses partenaires arabes face à l’Iran, après la tenue du sommet extraordinaire du Conseil de coopération du Golfe (CCG) et de celui de la Ligue arabe à La Mecque vendredi ? Le Qatar est apparu dimanche soir comme le trublion de la fête, après que son ministre des Affaires étrangères Mohammad ben Abderrahmane al-Thani a exprimé « des réserves » sur les sommets de La Mecque, affirmant que son pays n’avait « pas été consulté » pour les communiqués finaux, dont des dispositions sont « contraires à la politique étrangère de Doha ». Un communiqué évoque un « Golfe unifié », mais est-ce possible « avec la poursuite du blocus du Qatar ? », s’est-il interrogé. Piqué au vif, le camp pro-Riyad a tourné en dérision hier le rejet qatari des conclusions en question. Dans un tweet, le ministre d’État saoudien aux Affaires étrangères, Adel al-Jubeir, a répliqué : « Les pays annoncent leurs positions et leurs réserves selon les coutumes pendant des sommets, et non pas après les réunions. » Le ministre d’État émirati aux Affaires étrangères, Anwar Gargash, a pour sa part accusé Doha d’être « faible » face à des « pressions » dont il n’a pas divulgué l’origine. « Il me semble que la participation et l’accord pendant les réunions, puis le retour en arrière sur ce qui a été décidé, sont le résultat de pressions sur le faible qui manque de souveraineté, de crédibilité ou a de mauvaises intentions », a-t-il affirmé.

Doha a répondu présent à La Mecque, malgré sa mise au ban de ses pairs arabes depuis juin 2017 par l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, Bahreïn et l’Égypte, qui l’accusent de soutenir des mouvements islamistes radicaux et de se rapprocher de l’Iran. Une première rencontre à un haut niveau depuis deux ans qui ne laissait toutefois guère entrevoir un dégel prochain. Un moment de tensions a d’ailleurs été capturé par la caméra lorsque l’émir du Koweït a initié une poignée de mains expéditive entre le Premier ministre qatari et le roi Salmane. Le roi bahreïni, présent lors de la scène, prend aussitôt la poudre d’escampette en tournant le dos au Qatari. Au même moment, Mohammad ben Salmane, alias MBS, situé en arrière-plan, se fige comme une statue.


(Lire aussi : Le sommet islamique réaffirme sa "solidarité" avec le Liban)


Bagdad se détache

Cette scène n’est pas la seule qui a fait ombre au tableau. Ce n’est pas une mais trois invitations – le sommet de l’Organisation de la coopération islamique (OCI) a eu lieu samedi – qu’a lancées le royaume saoudien. Ces rencontres survenaient en pleine tension dans la région, exacerbée par les invectives échangées entre l’Iran et les États-Unis, ainsi que les sabotages de navires au large des Émirats arabes unis le 12 mai, puis les attaques au drone contre un oléoduc le 14 mai en Arabie saoudite, revendiquées par les rebelles au Yémen. L’occasion était trop belle pour Riyad qui cherche depuis des mois à resserrer les rangs dans le camp sunnite, et plus généralement dans le monde arabe. Si le royaume est sur la même fréquence que les Américains sur la question iranienne, il lui fallait rallier le plus d’États possible à son objectif numéro un. Il s’agissait également, à travers la rencontre de l’OCI, d’affirmer la position arabe sur la question palestinienne, avant la présentation d’un plan de paix américain jugé favorable à Israël. Le choix du plus haut lieu saint musulman, La Mecque, comme cadre à ces rencontres était propice à éviter les bisbilles, notamment en fin de ramadan. Le ton est apparu plus virulent, le roi Salmane appelant à « user de tous les moyens » pour dissuader l’Iran, pays producteur de pétrole et membre de l’OPEP comme plusieurs autres pays du Golfe. Le communiqué final du sommet arabe a d’ailleurs consacré dix de ses onze points à dénoncer les « ingérences » de la République islamique, son « comportent menaçant », son soutien aux rebelles houthis et ses « menaces » contre le trafic maritime. Contrairement au Qatar, l’Irak, qui a des relations étroites avec l’Iran et dont la population est majoritairement chiite, s’est détaché du peloton en désapprouvant immédiatement ce texte. Mais un autre personnage est venu jeter un froid dans ce bal des obligés, par un comportement des plus étranges également saisi par la caméra et interprété par Riyad comme une violation du protocole cérémonial. Le Premier ministre pakistanais Imran Khan, venu saluer le roi Salmane, s’est adressé à son traducteur et s’est éclipsé avant même d’obtenir la réponse de son hôte.

L’absence de l’autre prétendant au leadership du monde sunnite a également été remarquée. Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, n’ayant pas fait le déplacement, la délégation de la Turquie a été conduite par le ministre des Affaires étrangères, Mevlut Cavusoglu. Les relations diplomatiques entre Ankara et Riyad se sont tendues après le meurtre du journaliste saoudien Jamal Khashoggi en octobre 2018 au consulat de son pays à Istanbul, conduit par des agents venus de Riyad. Une manière également de rappeler que ni le roi Salmane ni le prince héritier n’avaient assisté au précédent sommet de l’Organisation de la coopération islamique en mai 2018 à Istanbul, où la Turquie s’était présentée comme le fer de lance de la cause palestinienne.


Repère

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commentaires (4)

On est la risée du monde, c’est honteux. Il faut qu’on en finisse de ces rois, princes et émirs de pacotilles afin de pouvoir réellement s’unir et prendre notre destin en main. Iyemak ya Abdel Nasser

Chady

03 h 15, le 05 juin 2019

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Commentaires (4)

  • On est la risée du monde, c’est honteux. Il faut qu’on en finisse de ces rois, princes et émirs de pacotilles afin de pouvoir réellement s’unir et prendre notre destin en main. Iyemak ya Abdel Nasser

    Chady

    03 h 15, le 05 juin 2019

  • PAS SEULEMENT LA FAMILLE SUNNITE REGIONALE MAIS CELLE DE CHEZ NOUS TOUT COMME LA FAMILLE CHRETIENNE DE CHEZ NOUS... ET C,EST CE QUI DONNE DES AILES A D,AUTRES !

    MON CLAIR MOT A GEAGEA CENSURE

    16 h 49, le 04 juin 2019

  • TYPIQUEMENT, LE MEME SCENARIO QUI FORTIFIE LA POSITION D'ISRAEL, ET DE L'IRAN . TYPIQUEMENT AUSSI LE MEME SCENARIO QUI FORTIFIE HEZBOLLAH AU LIBAN EN + DE SES QUELQUES ASSOCIES /AFFILIES

    Gaby SIOUFI

    13 h 52, le 04 juin 2019

  • Cette "famille sunnite"...a-t-elle été, ne serait-ce qu'une fois...unie...idem chez nous au Liban ? Faisant le bonheur d'Israël, des USA et de l'Iran chiite, ainsi que de leurs alliés, qui se frottent les mains et profitent à fond de cette division. Irène Saïd

    Irene Said

    10 h 34, le 04 juin 2019

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