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Économie - Transparence

Pourquoi les banques libanaises demandent-elles certaines informations aux Libanais du Canada ?

Une conséquence des engagements de Beyrouth en matière d’échange d’informations fiscales.

Le Liban doit être aujourd’hui capable de fournir des informations sur ses contribuables. astremska/Bigstock

Des banques libanaises ont récemment demandé à certains de leurs clients qui résident au Canada, mais détiennent toujours des comptes au Liban, de communiquer leur numéro de sécurité sociale canadien – le numéro d’assurance sociale ou NAS –, entre autres informations. Dans certains cas, les demandes ont été adressées via des formulaires d’autocertification de résidence fiscale.

« Nous ne sommes pas très à l’aise, d’autant plus qu’au Canada, on nous recommande généralement de ne pas partager notre NAS », explique à L’Orient-Le Jour une ressortissante libanaise installée au Canada, sous couvert d’anonymat. Sur les réseaux sociaux, plusieurs personnes concernées se sont interrogées sur la légalité de la mesure, certains la liant à la possible entrée en vigueur de nouvelles dispositions fiscales prévues dans le projet de budget 2019 – transmis la semaine dernière au Parlement et que la commission parlementaire des Finances et du Budget va commencer à examiner aujourd’hui. D’autres craignent de nouvelles taxes canadiennes.

Selon plusieurs sources bancaires contactées par L’Orient-Le Jour, les demandes d’informations évoquées par les membres de la diaspora libanaise au Canada s’inscrivent en réalité dans le cadre de procédures internes de mise à jour des fichiers clients des banques libanaises, qui sont tenues depuis quelques années de coopérer avec l’administration pour mettre en œuvre les engagements du pays en matière de transparence fiscale. « Dans le système anglo-saxon, le numéro de sécurité sociale est un des éléments centraux d’identification », souligne l’un des banquiers contactés. Un autre affirme que seuls les ressortissants libanais possédant des comptes au Liban supérieurs à un certain montant auraient été appelés à certifier leur résidence fiscale.


La MAC et le MCAA
Le Liban est tenu par une série d’obligations souscrites ces dernières années afin de mettre en œuvre les normes CRS (Common Reporting Standard, ou norme commune de déclaration) imposées par deux conventions multilatérales ratifiées par la loi n° 55 du 27/10/2016, signées par le Liban en mai 2017 et entrées depuis en vigueur : la Convention sur l’assistance administrative mutuelle en matière d’impôts (MAC), et l’accord multilatéral sur l’échange automatique d’informations fiscales (MCAA). Le Canada est également signataire de ces deux conventions.

Les autorités libanaises ont également dû voter plusieurs textes, avant et après la signature de ces conventions, qui lui ont permis de passer les premières étapes de l’examen des pairs du Forum mondial sur la transparence fiscale et d’échapper à une inscription sur la liste noire de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Cette liste répertorie les paradis fiscaux non coopératifs. Si les conventions sont en principe facultatives, les pays pointés du doigt s’exposent généralement à des sanctions.

Comme le souligne l’avocat fiscaliste et président de l’Association libanaise pour les droits et l’information des contribuables (Aldic), Karim Daher, le Liban doit être aujourd’hui capable de fournir des informations fiscales à n’importe lequel des pays participant à l’une ou l’autre des conventions, soit 128 pays et territoires rattachés pour la MAC (à la demande) et 27 partenaires de la MCAA (échange automatique) – du moins à l’heure actuelle en attendant un prochain élargissement à 60 juridictions pour cette dernière convention. Les textes sont entrés en vigueur en mai 2017, ce qui oblige les banques et institutions financières opérant au Liban à compiler les informations en leur possession sur les non-résidents à partir du 30 juin 2017 et de les envoyer à l’administration fiscale libanaise.


Conventions bilatérales
Cette dernière ne peut en revanche, pour le moment, pas réclamer d’informations dans le cadre de l’échange automatique aux pays partenaires sur des ressortissants libanais et/ou étrangers établis fiscalement sur son territoire (selon sa propre définition de la résidence fiscale ou le critère conventionnel en cas de présence d’une convention bilatérale tendant à éviter les doubles impositions). Quant à l’échange sur demande, il lui est accessible, mais uniquement avec les pays signataires de la MAC ou ceux avec lesquels des conventions fiscales bilatérales – définissant par exemple les règles applicables pour éviter la double imposition, ou les critères pour la résidence fiscale – sont ratifiées par le Parlement. Il n’existe actuellement pas encore de telle convention dûment ratifiée entre le Liban et le Canada. Un projet de convention est toutefois dans les tuyaux.

« Concrètement, le secret bancaire ne s’applique donc plus pour les Libanais non résidents ou les résidents étrangers, peu importe leur nationalité, ayant des comptes au Liban. Les textes en vigueur imposent aux banques libanaises de collecter l’ensemble des données de leurs clients et les transmettre au ministère des Finances avant le 30 juin de chaque année afin que ce dernier les fasse suivre automatiquement dans le cadre du MCAA aux pays partenaires dans un premier temps, mais aussi, à l’occasion, aux pays qui en formulent la demande dans le cadre du MAC si les conditions définies par la loi n° 55/2016 sont réunies », précise Me Daher. Il rappelle en outre que le contrôle des pairs du Forum mondial sur la conformité du Liban aux standards internationaux en matière de transparence fiscale, de lutte contre le blanchiment d’argent et de financement du terrorisme suit son cours avec succès. Le pays a déjà été jugé conforme sur le plan législatif et réglementaire en 2016, et l’OCDE est déjà engagé dans son évaluation, qui doit lui permettre de vérifier que les textes adoptés par le pays autorisent effectivement un accès facile aux informations demandées dans le cadre de la MAC et du MCAA.

Une troisième phase de contrôle de l’OCDE est prévue pour mesurer la fiabilité du pays en matière de protection de la confidentialité des données sur le plan procédural et technique, ce qui lui permettra de recevoir des informations fiscales sur des ressortissants étrangers et libanais résidant sur son territoire, selon les modalités prévues par le MCAA.

À noter que le Liban applique par ailleurs, depuis 2014, la Fatca (Foreign Account Tax Compliance Act) américaine qui impose aux banques de transmettre à l’Internal Revenue Service (IRS) des informations sur des comptes détenus à l’étranger par des ressortissants américains.

Des banques libanaises ont récemment demandé à certains de leurs clients qui résident au Canada, mais détiennent toujours des comptes au Liban, de communiquer leur numéro de sécurité sociale canadien – le numéro d’assurance sociale ou NAS –, entre autres informations. Dans certains cas, les demandes ont été adressées via des formulaires d’autocertification de résidence...

commentaires (2)

Pour ceux qui n’ont rien à se reprocher, ce n’est qu’un papier de plus à signer à la banque

Chady

11 h 17, le 04 juin 2019

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Commentaires (2)

  • Pour ceux qui n’ont rien à se reprocher, ce n’est qu’un papier de plus à signer à la banque

    Chady

    11 h 17, le 04 juin 2019

  • Eh oui, tous les canadiens d’origine Libanaise le savent depuis quelques années: le gouvernement canadien est après eux, surtout depuis le boycottage du Hezbollah, mais aussi sa lutte contre d’énormes évasions fiscales au Liban qui était considéré il n’y a pas longtemps, un des paradis fiscaux et où le blanchiment d’argent est maître... Donc, depuis que le Liban a ratifié les traités décrits dans l’article, le gouvernement canadien en profite et oblige les Libanais d’origine de faire une déclaration de patrimoine et de fortune à l’étranger obligatoire, car avec cette histoire de NAS qu’il impose aux banques, lui permet d’avoir le droit de demander tous les renseignements fiscaux que les banques et le gouvernement Libanais possèdent sur les non-résidents fortunés...et pas de pitié pour celui qui se fait attraper. Et voilà, les Libanais du Canada vont, les premiers avoir à répondre au fameux « min ayna laka haza ? », ironie du sort, eux qui avaient souvent quitté le pays excédés surtout par l’énormité de la corruption ambiante!

    Saliba Nouhad

    15 h 20, le 03 juin 2019

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