La moitié des 12 Français transférés de Syrie en Irak ont été condamnés à mort en trois jours pour avoir rejoint le groupe Etat islamique (EI), Paris assurant "multiplier les démarches" pour éviter la peine capitale à ses ressortissants.
Brahim Nejara, 33 ans, accusé par le renseignement français d'avoir facilité l'envoi de jihadistes vers la Syrie, et Karam El Harchaoui, qui aura 33 ans jeudi, ont été condamnés à mort mardi par un tribunal de Bagdad, après avoir été transférés fin janvier de Syrie, où ils étaient détenus par une alliance arabo-kurde antijihadistes. Dimanche et lundi, Kévin Gonot, Léonard Lopez, Salim Machou et Mustapha Merzoughi avaient aussi été condamnés à la mort par pendaison.
Tous ont 30 jours pour faire appel, et l'avocat français de Léonard Lopez a déjà annoncé qu'il le ferait.
"Eviter la peine de mort"
Six autres Français transférés de Syrie seront jugés dans les prochains jours en Irak, où quiconque ayant rejoint une organisation "terroriste" - qu'il ait ou non combattu - est passible de la peine de mort.
Mardi, le chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian, a assuré sur France Inter que Paris "multipli(ait) les démarches pour éviter la peine de mort" aux Français.
Bagdad a déjà condamné plus de 500 étrangers de l'EI - hommes et femmes -, mais aucun n'a jusqu'ici été exécuté. Deux jihadistes belges ont écopé de la peine de mort, tandis qu'une Allemande condamnée à la peine capitale a vu sa sentence commuée en peine de prison à perpétuité en appel.
Cette série de verdicts relance le débat sur l'épineuse question des jihadistes étrangers : le retour dans leur pays d'origine suscite un vif rejet dans l'opinion publique en Europe, où des Etats comme la France refusent dans le même temps la peine de mort et tout retour - et jugement - de ses ressortissants affiliés à l'EI.
(Lire aussi : A Bagdad, propagande, "CV vidéos" et "pardon" aux procès des Français de l'EI)
Les défenseurs des droits humains dénoncent "de vrais risques de torture" et "aucune garantie pour des procès équitables" en Irak, 12e pays le plus corrompu au monde.
Dans un communiqué transmis à l'AFP, le collectif "Familles unies", qui défend des familles de jihadistes, a demandé "au gouvernement français de "tout faire pour arrêter ce funeste enchaînement de condamnations à mort, inédit dans notre histoire récente" et de "juger les ressortissants français sur notre sol". Les familles dénoncent des "parodies de justice", avec des "procès sans témoins expédiés à la va-vite (...) où les aveux peuvent avoir été extorqués sous la torture, et où les droits de la défense sont inexistants".
En 2018, l'année qui a suivi la déclaration de la "victoire" sur l'EI en Irak, au moins 271 peines capitales ont été ordonnées - quatre fois plus qu'en 2017 -, selon Amnesty International. Mais, dans les faits, Bagdad - parmi les cinq pays ordonnant le plus de peines de mort - n'a exécuté que 52 personnes, contre 125 en 2017.
Au juge, Brahim Nejara a raconté être "parti de France en Syrie avec (sa) voiture en 2014", date à laquelle le "calife" autoproclamé de l'EI a appelé ses partisans à lui prêter allégeance.
(Pour mémoire : Qui sont ces Français que l'Irak va juger pour appartenance à l'EI?)
La veille, déjà, deux autres Français avaient juré ne pas avoir participé à ce rituel d'allégeance. L'un d'eux, Mustapha Merzoughi, a, malgré ce démenti, été condamné à la peine de mort.
Karam El Harchaoui, visiblement très stressé à la barre, s'est lui dit "innocent". "Je ne suis pas entré en Irak et je n'ai participé à aucun combat ni en Syrie ni en Irak", a clamé ce Français d'origine marocaine, crâne et barbe rasés, qui a expliqué avoir pris la route de la Syrie depuis Bruxelles où il était chômeur. En Syrie, il a épousé successivement deux ressortissantes belges.
Les procès de Yassine Sakkam, 29 ans et l'un des Français de l'EI les plus médiatisés, et de Mohammed Berriri, le benjamin de ce groupe de 12 Français (24 ans), sont fixés à mercredi.
Fodil Tahar Aouidate, qui a affirmé avoir été frappé par ses interrogateurs, comparaîtra de nouveau le 2 juin, un examen médical ayant été requis. La prochaine comparution de Vianney Ouraghi, Bilel Kabaoui et Mourad Delhomme a été fixée au 3 juin.
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