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À La Une - conflit

Recrutés en ligne, formés en Syrie, jugés en Irak: premiers "aveux" de Français

Des extraits d'interrogatoires, présentés comme des "aveux", ont été rendus publics lundi par le Conseil supérieur de la magistrature irakien.


Un employé du gouvernement recouvre de peinture un drapeau du groupe Etat islamique, le 5 août 2014, en Indonésie. Photo d'illustration AFP.

Radicalisés sur internet, partis en Syrie en famille ou même ancien soldat: des "aveux" de jihadistes français transférés en Irak révèlent les parcours d'hommes qui encourent jusqu'à la mort pour avoir rejoint le groupe Etat islamique (EI).

Ces extraits d'interrogatoires, présentés comme des "aveux", ont été rendus publics lundi par le Conseil supérieur de la magistrature irakien, alors que les défenseurs des droits humains dénoncent régulièrement des risques de torture durant les interrogatoires en Irak et des procès inéquitables. Celui qui semble avoir donné jusqu'ici le plus d'informations est un Français de 33 ans, que le Conseil ne nomme pas dans son communiqué.

Le texte indique néanmoins qu'il est converti à l'islam et a vécu à Figeac (sud-ouest de la France), avant d'être arrêté avec son frère en Syrie.

Fin 2017, la milice kurde syrienne des YPG, qui constitue l'épine dorsale des forces antijihadistes en Syrie, avaient indiqué avoir arrêté Kévin Gonot, 33 ans, et Thomas Collange, 31 ans, deux demi-frères originaires de cette commune selon des informations de presse. La mère et l'épouse de l'accusé ont également été, assure-t-il, arrêtées à Raqa (nord), ancienne "capitale" syrienne de l'EI, tandis que son père y a été tué.



(Lire aussi : En Syrie, la fuite de Lise, femme d’un jihadiste français « machine de mort »)

Propagande par l'image

A ses interrogateurs, ce Français, ancien chauffeur d'un camion de nettoyage selon ses dires, a indiqué avoir été recruté par un "ami" rencontré lors de voyages linguistiques en Egypte. "Il voulait aller combattre en Syrie et m'a convaincu, notamment en me montrant des vidéos de combat", dit-il dans les comptes rendus d'interrogatoire.

Entré en Syrie illégalement via la Turquie, comme l'ensemble des jihadistes français cités dans ce document, il a, comme plusieurs autres, d'abord rejoint le groupe jihadiste du Front al-Nosra en Syrie (ex-branche d'el-Qaëda) avant de prêter allégeance au "calife" autoproclamé Abou Bakr al-Baghdadi. Un temps "traducteur et professeur d'arabe pour les combattants étrangers", il a ensuite pris les armes à Homs, dans l'ouest de la Syrie, puis à Mossoul dans le nord de l'Irak.

De 2014 à 2017, le territoire contrôlé par l'EI s'étendait à cheval sur les deux pays, sur une zone vaste comme la Grande-Bretagne. C'est le même parcours que décrit un autre Français, présenté comme "d'origine algérienne, né en France, âgé de 29 ans et ayant fréquenté la faculté de psychologie en France".

Lui non plus n'est pas identifié par la justice irakienne qui entend obtenir des détails de ces Français, qui ne sont "pas des hauts commandants" mais constituent "une mine d'information sur la structure de l'EI en Europe", expliquait récemment à l'AFP le spécialiste des mouvements jihadistes Hicham al-Hachémi.

"J'ai décidé de rejoindre l'EI à travers les réseaux sociaux et les images qu'il diffusait", a notamment affirmé ce Français de 29 ans aux enquêteurs irakiens, qui se considèrent compétents pour juger les jihadistes passés par leur territoire, même capturés en Syrie.

L'Irak prévoit la peine capitale pour toute personne ayant apporté une aide à une organisation extrémiste, même sans avoir combattu.


(Lire aussi :Accusé d'être une "voix" de l'EI, un jihadiste français capturé à Raqqa)


"Peur des espions"

Le communiqué précise que tous les Français transférés de Syrie --13 selon les autorités irakiennes, 14 selon le communiqué de la justice-- se sont mariés en Syrie, certains avec plusieurs épouses, et ont eu des enfants. Un autre "Français de 37 ans" transféré de Syrie en Irak par la coalition internationale antijihadistes conduite par les Etats-Unis est cité: "d'origine tunisienne, il a servi dans l'armée française et résidait à Toulouse" (sud-ouest).

C'est de là que venaient aussi les frères Fabien et Jean-Michel Clain qui ont revendiqué les tueries du 13 novembre 2015 ayant fait 130 morts à Paris. Jean-Michel Clain a été tué en Syrie, après la mort de son frère Fabien, a déclaré son épouse Dorothée Maquere à l'AFP.

L'homme de 37 ans originaire de Toulouse affirme avoir servi dans l'armée française entre 2000 et 2010, notamment "en Afghanistan en 2009". Rentré en France et sorti de l'armée, il dit avoir eu "envie de vivre ailleurs". Après "des recherches sur les réseaux sociaux et sur les sites de l'EI et du Front al-Nosra, je me suis installé en Belgique où un ami m'a encouragé à rejoindre l'EI", assure-t-il. Passé par le Maroc, il indique s'être marié "avec une fille rencontrée sur les réseaux sociaux et qui voulait aller en Syrie".

Après "des formations religieuses et militaires à Alep (nord de la Syrie), j'ai prêté allégeance devant un chef de l'EI au visage masqué à Mossoul", poursuit-il dans les compte-rendus d'interrogatoire. "Les chefs avaient peur d'être reconnus ou identifiés par les combattants étrangers car ils redoutaient qu'ils soient des espions".

L'Irak a déjà condamné trois Français à la perpétuité, dont un affirme avoir été capturé en Syrie, et une centaine d'étrangers à la peine de mort.

Les derniers jihadistes de l'EI sont retranchés dans un réduit dans l'est de la Syrie, sous l'assaut de forces antijihadistes soutenues par la coalition qui veulent donner le coup de grâce au "califat".


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