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Liban - Rencontre

Emmanuelle Lamoureux à « L’OLJ » : L’égalité homme-femme est inéluctable

À deux semaines de la conférence internationale Women Deliver 2019, qui se déroulera du 3 au 6 juin à Vancouver, l’ambassadrice du Canada évoque les enjeux de l’événement consacré à l’égalité entre hommes et femmes.

À l’ambassade du Canada lors d’une rencontre, Myriam Sfeir, directrice de l’AIW, et Emmanuelle Lamoureux, ambassadrice du Canada. Photo A.-M.H.

La ville canadienne de Vancouver accueillera du 3 au 6 juin prochain la conférence Women Deliver 2019 consacrée à l’égalité entre les genres, à la santé reproductive, aux droits et au bien-être des femmes et des filles dans le monde, avec pour objectif à long terme de réduire la mortalité des femmes dans le monde. Plusieurs représentants du Liban, journalistes, activistes, universitaires, influenceurs, personnalités politiques, parmi lesquelles un groupe de jeunes femmes leaders, sont invités à ce rendez-vous qui se veut la conférence internationale la plus importante du XXIe siècle. Avec non moins de 6 000 participants venus du monde entier et 100 000 participants virtuels en ligne, elle verra le concours notamment du Premier ministre canadien Justin Trudeau, de son épouse, Sophie Grégoire Trudeau, influenceure sur la question des droits des femmes, de la princesse Marie du Danemark et de la PDG de Women Deliver, Katja Iverson. Le rendez-vous concerne particulièrement le Liban, vu les progrès qu’il lui reste à faire en matière d’égalité entre les sexes. L’occasion pour l’ambassadrice du Canada, Emmanuelle Lamoureux, d’évoquer en exclusivité pour L’Orient-Le Jour les enjeux d’un tel événement. Et ce au cours d’une rencontre à l’ambassade du Canada, qui a vu la participation de Myriam Sfeir, directrice du Arab Institute for Women (AIW) de la Lebanese American University (LAU).



(Lire aussi : Vers un renforcement du rôle des chercheuses au Liban)


Aucun pays au monde n’a atteint la pleine égalité entre hommes et femmes

« Il n’y a pas un pays dans le monde qui peut se targuer d’avoir atteint la pleine égalité entre les hommes et les femmes », constate Mme Lamoureux. Et « selon les statistiques du Forum économique mondial, si on poursuit la tendance actuelle, la parité entre les genres sera atteinte dans le monde dans une période variant de 61 ans pour les pays les plus avancés en la matière, à 171 ans pour les moins avancés à ce niveau », compte tenu que selon les prévisions, certaines régions évolueraient plus vite que d’autres, ou feraient des progrès dans certains domaines plus que d’autres. Mais alors que « certains pays comme le Rwanda ont réalisé la parité sur le plan de la participation politique », on observe « plus globalement des lacunes dans les domaines économiques », et « la participation féminine aux conseils d’administration est infinitésimale dans la grande majorité des pays », note l’ambassadrice, mais aussi « dans les secteurs de la sécurité des pays, des négociations de paix, de la médiation, traditionnellement considérés comme masculins ». « Les études prouvent pourtant qu’impliquer les femmes dans ces secteurs mène à des sociétés plus pacifiques, à des accords de paix plus durables », assure-t-elle. C’est dire « le travail qu’il reste à faire » sur ce plan. « Or nous n’avons pas le luxe d’attendre 171 ans ni même 61 ans. »

D’où l’intérêt d’une conférence organisée par le mouvement international Women Deliver qui se réunit chaque trois ans pour « faire avancer la cause de l’égalité entre les genres », où les décideurs échangent idées et bonnes pratiques sur ces enjeux, créent des partenariats, organisent conférences et ateliers. Et si le Canada a pris la décision d’organiser cette conférence chez lui à Vancouver, c’est parce que les objectifs des organisateurs sont « très alignés avec ses priorités domestiques ». Des priorités qui consistent à « mettre en avant l’égalité des genres », en se penchant sur les droits des femmes et sur d’autres défis propres aux hommes comme la santé mentale. Le pays de l’érable « en tire fierté », précise Emmanuelle Lamoureux. « Le Premier ministre Justin Trudeau a annoncé en juin 2017 que le Canada serait l’hôte de cette conférence, indique-t-elle. Il a aussi annoncé une contribution de 20 millions de dollars canadiens sur trois ans pour faire avancer l’agenda fixé sur l’égalité des sexes. »


(Pour mémoire : Plusieurs responsables libanais expriment leur engagement en faveur des droits de la femme)



Augmenter de 5 % la participation économique des femmes

Maintenant qu’il a lancé les invitations à la classe politique libanaise, le gouvernement canadien attend les confirmations. Le fait que la date de l’événement coïncide avec la fin du mois du ramadan « n’exclut pas une participation libanaise officielle », fait remarquer la diplomate. « J’en serais ravie », fait-elle remarquer. Mais au-delà de cette présence qui serait certes « très appréciée », « le plus important est l’action que mènent les politiques, ici dans le pays ». Car l’égalité des genres nécessite « une volonté politique qui fasse toute la différence ». Emmanuelle Lamoureux se réjouit à ce propos de « l’engagement des autorités libanaises, menées par le Premier ministre Saad Hariri, d’augmenter de 5 % la participation des femmes dans le marché du travail ». C’était en février dernier, lors d’un partenariat entre les autorités libanaises, la Banque mondiale et l’ambassade du Canada. « Lorsqu’on voit une telle volonté, on ne peut que la soutenir », assure-t-elle, ajoutant que « ce sont les résultats qui comptent, au final ».

Le pays du Cèdre demeure certes largement à la traîne sur la question. Myriam Sfeir précise à ce titre que « les défis liés à l’égalité des sexes au Liban et plus particulièrement les droits des femmes, la violence dont elles sont victimes, les mariages précoces, leur participation à la vie politique, le harcèlement sexuel au travail… nécessitent des solutions urgentes, car les femmes sont en position de faiblesse ». L’universitaire sera présente à Vancouver, aux côtés de la directrice exécutive de l’AIW, Lina Abirafeh, qui organisera un débat sur « le pouvoir des communautés dans le monde arabe ». « Nous avons tellement à faire ! Et pour avancer, nous avons besoin de l’engagement des nouvelles générations. Malheureusement ces dossiers ne sont pas considérés comme prioritaires, déplore-t-elle. Sans oublier que tous les dossiers touchant à la religion sont tabous. »


Gagner de petites victoires

Emmanuelle Lamoureux reconnaît que « lorsqu’on parle de progrès en matière d’égalité des genres et qu’on regarde la situation actuelle, la région du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord ne figure pas en très bonne position ». Elle révèle en revanche qu’elle « aborde le dossier dans la très grande majorité de ses rencontres avec les personnalités politiques locales », et observe que nombre d’entre elles « montrent une réelle volonté de faire avancer les choses ». « Mais ce n’est pas évident, indique l’ambassadrice, il y a des normes sociales et des obstacles plus techniques auxquels ces personnalités politiques sont confrontées. » D’où la nécessité de « commencer par les objectifs les plus réalistes », quitte à « gagner de petites victoires », à constater « des progrès graduels ». « Chaque victoire, au niveau des lois ou des normes sociales, ne peut qu’avoir un impact positif sur les femmes », souligne-t-elle, faisant état notamment de l’engagement de l’ambassade du Canada auprès de l’ONG Teach for Lebanon, qui sensibilise les écoliers, « ces futurs parlementaires », à l’égalité des genres.

Car le dossier « prend de l’élan dans le monde », insiste la diplomate, notant « un momentum sur la question ». « Le train de l’égalité des genres a quitté la gare », dit-elle, invitant tous les pays encore réticents, parmi lesquels le Liban, « à prendre le train en marche, avant qu’il n’accélère et qu’il ne devienne trop difficile de monter dedans ». Emmanuelle Lamoureux salue au passage la France qui a pris la présidence du G7 après le Canada, et s’est engagée « à poursuivre l’objectif de mettre en avant l’égalité des genres », aux côtés d’autres Objectifs du millénaire pour le développement durable. « Nul ne peut s’opposer à l’égalité au sein d’une société, conclut la diplomate. La question ne fait même pas débat. »



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