La députée sunnite de Beyrouth Roula Tabch Jaroudi s'est retrouvée au centre d'une nouvelle polémique sur les réseaux sociaux, après la diffusion jeudi d'une photo la montrant en train de boire un café avant l'heure de la rupture du jeûne du mois de ramadan, alors qu'elle était venue présenter ses condoléances à Bkerké après le décès du cardinal Nasrallah Boutros Sfeir.
Les détracteurs de la députée du Courant du Futur lui reprochent notamment son manque de respect à l'égard des musulmans et estiment qu'elle ne les représente pas. Certains vont même jusqu'à appeler à ce qu'elle soit démise de ses fonctions parlementaires.
"Je demande l'adoption d'un amendement de la loi afin de permettre aux citoyens de présenter un recours contre un député qui ne respecte pas les préceptes de la religion à laquelle il appartient, ou d'invalider sa députation s'il n'est pas digne de confiance. Ou bien que cette personne annonce renoncer à sa religion et se présente au nom des athées et des apostats", écrit cet internaute, avec le hashtag (mot-dièse) "Roula Tabch ne me représente pas".
Un autre internaute juge "inacceptable" la "mascarade qui a lieu actuellement avec Roula Tabch et le fait qu'elle se moque des musulmans pour la deuxième fois". Il prend ensuite à partie le Premier ministre, Saad Hariri, sur la liste duquel Mme Tabch s'était présentée aux élections : "Si vous voulez nommer une députée qui représente les sunnites, il faut qu'elle respecte cette confession, parce qu'elle ne se représente pas elle-même, elle représente toute la communauté". "Si elle ne respecte pas les musulmans, elle n'a pas le droit de les représenter".
Face aux messages critiquant la députée de Beyrouth, plusieurs personnes ont pris sa défense.
La journaliste Dima Sadek a notamment appelé les détracteurs de Mme Tabch à obliger les députés à "rendre des comptes sur leurs performances législatives" et à voir s'ils ont "mis en œuvre leurs promesses électorales". "Leur vie personnelle et leurs rites ne regardent personne !", a-t-elle ajouté, soulignant à l'adresse de ceux qui auraient élu la députée "pour qu'elle applique la charia islamique" qu'ils n'auraient de toute façon jamais dû voter pour elle étant donné qu'elle ne porte pas le voile. "La religion est une affaire personnelle !", a lancé Mme Sadek, affichant sa solidarité avec Roula Tabch.
.
D'autres internautes, dans des commentaires publiés notamment sur Facebook, ont regretté que les gens cherchent à savoir qui rompt le jeûne afin de les critiquer au lieu de s'intéresser aux personnes qui ont faim, afin de les nourrir.
Mme Jaroudi n'en est pas à sa première polémique. En janvier, la députée avait été vivement critiquée après avoir été bénie par un prêtre lors d'une messe pour la paix et la charité en la chapelle du couvent de la Mission de Vie, près d'Antélias, dans le Metn. Ce geste a été abondamment salué par certains internautes qui voyaient un geste de fraternité et de coexistence tandis que d'autres s'étaient interrogés sur sa véritable allégeance à l'islam.
Deux jours plus tard, elle s'était rendue à Dar el-Fatwa, où elle avait été reçue par le secrétaire général de l'instance religieuse sunnite, le cheikh Amine Kurdi, et un cadre administratif de l'instance, le cheikh Salaheddine Fakhri, sur directive du mufti de la République, Abdellatif Deriane, pour une explication sur les fondamentaux de l'islam et de ses préceptes. Dans un communiqué publié à l'issue de cet entretien, la députée avait exprimé son attachement à l'islam, indiquant qu'elle avait de nouveau prêté allégeance à cette religion en présence des deux dignitaires de Dar el-Fatwa et s'était "excusée auprès de Dieu".
Une députée sunnite de Beyrouth attaquée sur les réseaux sociaux après avoir été bénie par un prêtre
Le Liban, seul pays au monde doté d'une Journée nationale pour le dialogue islamo-chrétien
La subordination du politique au religieux au cœur de l’affaire Roula Jaroudi
commentaires (24)
Le député de Denniyé Sami Fatfat, insiste sur l'importance du respect de l'autre dans sa croyance et ses pratiques. Dieu a créé l'être humain, libre. Je suis libre de croire ou de ne pas croire au Ciel. Je suis libre de pratiquer ma religion comme bon me semble. Cela ne regarde que moi, nul n'a le droit de me regarder ou de me donner des ordres. Les Lumières ont passé, la Révolution de 1789 est passée et nous sommes en 2019. Allons en avant et non en arrière.
Un Libanais
19 h 31, le 18 mai 2019