Rechercher
Rechercher

Liban - Anniversaire

7 mai : la lutte pour le monopole des armes, suite sans fin...

Onze ans après « l’invasion de Beyrouth », où en est le combat pour la normalisation du statut du Hezbollah ?

Des éléments armés lors des événements du 7 mai 2008. Photo tirée du compte Twitter de Nadim Gemayel

7 mai 2008-7 mai 2019. Onze longues années se sont écoulées depuis ce mercredi « noir » qui a cristallisé la lutte « souverainiste » entre le 8 et le 14 Mars. Onze années au bout desquelles l’épineuse problématique des armes du Hezbollah, enjeu majeur du conflit en question, est plus que jamais d’actualité, même si une stratégie nationale de défense semble encore loin de voir le jour.

Dans la mémoire collective, la journée du 7 mai 2008 marque ce que les milieux du courant du Futur appellent « l’invasion de Beyrouth » par les éléments armés du Hezbollah. Dans une optique politique, cette date marque l’apogée de la lutte entre la logique de recouvrement par l’État de ses droits régaliens, brandie par le 14 Mars, et le Hezbollah, attaché au maintien de son arsenal illicite et de son statut de « résistance » autonome. C’est sous cet angle qu’il convient d’analyser le contexte politique particulièrement tendu dans lequel sont survenus les événements du 7 mai.

À l’époque, une faille au niveau de la sécurité de l’aéroport international de Beyrouth (AIB) est découverte. Le leader du PSP, Walid Joumblatt, fer de lance du mouvement souverainiste, monte alors au créneau pour réclamer le limogeage de Wafic Choucair, alors directeur du service de sécurité de l’AIB et proche du Hezbollah. Une décision que le cabinet Siniora parvient à prendre à l’issue d’une longue séance du Conseil des ministres, le 5 mai 2008. Le gouvernement considère également alors le réseau de télécoms du Hezbollah comme « illégal » et décide d’en venir à bout. Réagissant à ces deux décisions gouvernementales, le parti de Hassan Nasrallah s’empare par la force des quartiers ouest de Beyrouth. Des affrontements meurtriers entre chiites et druzes se déroulent également dans la Montagne. Il s’agit de la toute première fois où le parti chiite utilise ses armes aussi massivement sur la scène locale. Le conflit prend fin avec la conclusion, par les protagonistes, de l’accord de Doha, le 21 mai. L’abandon des deux mesures gouvernementales puis l’accession de Michel Sleiman, alors commandant en chef de l’armée, à la présidence de la République (25 mai), en sont les premières concrétisations.


La realpolitik de Hariri

Où en est-on onze ans après les événements sanglants du 7 mai 2008, journée « honteuse » pour les partisans du 14 Mars, comme l’a qualifiée Nadim Gemayel, député Kataëb de Beyrouth ?

Depuis 2008, la scène locale libanaise a connu d’importants changements. Le débat sur les armes du Hezbollah est passé par différentes phases successives. En 2011, le parti chiite provoque la chute du premier gouvernement du leader du courant du Futur, Saad Hariri, et mène son allié, Nagib Mikati, à la présidence du Conseil, avec le soutien de Walid Joumblatt. Mais le clivage demeure entier entre les composantes restantes du 14 Mars et celles du 8 Mars.

En 2014, à l’ouverture du procès des assassins de son père Rafic devant le Tribunal spécial pour le Liban, Saad Hariri opère un changement majeur. Sans abandonner l’objectif de désarmement du Hezbollah et de normalisation de son statut, il opte pour une realpolitik axée essentiellement sur l’idée qu’il faut à tout prix préserver la stabilité du Liban. C’est cette orientation qui le conduira progressivement à mettre la question des armes au congélateur, puis à conclure en 2016 le compromis présidentiel qui permettra l’arrivée du chef du CPL, Michel Aoun, à Baabda. Interrogé par L’OLJ, Moustapha Allouche, ancien député et membre du bureau politique du Futur, explique que son parti « n’avait pas d’autre choix ». « L’alternative était de plonger le pays dans une guerre civile, dont personne ne veut. » Il reconnaît, toutefois, en le déplorant, que la question des armes illégales ne sera pas réglée prochainement.

Mais la realpolitik de Saad Hariri a laissé des insatisfaits dans l’orbite souverainiste. Farès Souhaid, président du Rassemblement de Saydet el-Jabal, souligne à L’OLJ que « le Liban n’a pas tiré profit de ce choix. Bien au contraire. Il n’a fait qu’ajourner l’édification d’un État en bonne et due forme, et aggravé le clivage entre les confessions », ajoute-t-il, estimant que « la realpolitik a fait fi de la Constitution en vigueur ».

Par ailleurs, lors d’une conférence de presse conjointe avec le président de l’Initiative nationale, Radwan el-Sayed, M. Souhaid a constaté que le 7 mai 2008 a marqué le début de la mainmise du Hezbollah sur le pays. Il a ensuite exposé tous les aspects de cette mainmise, avant d’estimer que le Liban a besoin d’un « front de salut national parce que le parti qui s’est arrogé, le 7 mai 2008, le droit d’édifier un État à sa mesure a échoué ». Il a plaidé pour la coexistence, et le respect de la Constitution, de l’accord de Taëf et des résolutions internationales.

Face aux arrangements locaux, la communauté internationale s’est au contraire employée, au fil de ces onze ans, à resserrer l’étau autour du Hezbollah. Les sanctions américaines contre le parti et son sponsor iranien, à la faveur de la politique de Washington au Moyen-Orient, principalement axée sur la confrontation directe avec Téhéran et ses alliés régionaux, en est la dernière illustration. Déjà, en 2008, la Grande-Bretagne classait l’aile militaire du Hezbollah organisation terroriste. L’Union européenne a rejoint Londres dans ce classement quelques années plus tard. Et en février dernier, le gouvernement britannique est monté d’un cran pour abolir la distinction entre ailes militaire et politique et désigner l’ensemble du Hezbollah comme « terroriste », à l’instar de Washington.

Sur le plan régional, et dans la foulée de l’engagement du Hezbollah dans le conflit syrien aux côtés du régime de Bachar el-Assad, les pays membres du Conseil de coopération du Golfe ont eux aussi décidé, en mars 2016, de classer la formation de Hassan Nasrallah dans les rangs des organisations terroristes. À cela s’ajoutent les appels lancés par l’ONU au Liban pour procéder au désarmement du Hezbollah, comme l’a réitéré le secrétaire général de l’organisation, Antonio Guterres, dans son tout dernier rapport concernant l’application de la résolution 1701 (2006) du Conseil de sécurité, publié la semaine dernière.


La stratégie de défense

Avant les élections législatives de mai 2018, le chef de l’État avait promis de parrainer, après la tenue du scrutin, une table de dialogue national qui plancherait sur l’examen de la question des armes du Hezbollah et la mise en place d’une stratégie nationale de défense. Un an plus tard, M. Aoun n’est pas parvenu à remplir cet engagement. Son ministre de la Défense, Élias Bou Saab, a résumé la situation la semaine dernière en déclarant, lors d’une tournée sur la frontière libano-israélienne, que la stratégie de défense sera élaborée quand Israël n’aura plus de visées sur le Liban... Une façon de renvoyer cette question aux calendes grecques puisque, le cas échéant, le Liban n’aurait plus besoin d’une telle stratégie.

Quelques jours plus tard, le ministre des Affaires étrangères et chef du CPL recevait une douille d’obus en cadeau de la part d’un cadre du Hezbollah à Ras Osta (Jbeil), suscitant des grincements de dents dans les milieux diplomatiques. Pour une source du Hezbollah, ce dernier n’a « pas de problème » à discuter d’une stratégie défensive. « Mais, normalement, personne ne change quelque chose qui a prouvé son efficacité », dit-il à L’OLJ.

7 mai 2008-7 mai 2019. Onze longues années se sont écoulées depuis ce mercredi « noir » qui a cristallisé la lutte « souverainiste » entre le 8 et le 14 Mars. Onze années au bout desquelles l’épineuse problématique des armes du Hezbollah, enjeu majeur du conflit en question, est plus que jamais d’actualité, même si une stratégie nationale de défense semble...

commentaires (3)

Ben oui, ce 7 mai 2008 ces braves éléments armés du Hezbollah défendaient les rues de Beyrouth contre l'envahisseur israélien embusqué derrière ces murs et les stores baissés ! Irène Saïd

Irene Said

14 h 30, le 08 mai 2019

Tous les commentaires

Commentaires (3)

  • Ben oui, ce 7 mai 2008 ces braves éléments armés du Hezbollah défendaient les rues de Beyrouth contre l'envahisseur israélien embusqué derrière ces murs et les stores baissés ! Irène Saïd

    Irene Said

    14 h 30, le 08 mai 2019

  • UNE DATE HONTEUSE ET NEFASTE.

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 14, le 08 mai 2019

  • " personne ne change quelque chose qui a prouvé son efficacité". Mais qu'en est-il de quelque chose qui a prouvé sa nocivité comme les armes du Hezbollah en 2006 et en 2008?

    Yves Prevost

    06 h 48, le 08 mai 2019

Retour en haut